Stephanie Bumba milite pour une société plus inclusive
- UdeMNouvelles
Le 4 décembre 2020
L’infirmière et étudiante de maîtrise en administration des services de santé Stephanie Bumba a créé une websérie pour mettre à l’honneur les afro-scientifiques absents des livres scolaires.
C’est en faisant le ménage dans ses ouvrages didactiques que Stephanie Bumba a eu une révélation: les Noirs ont été oubliés par la science et les soins infirmiers! Qu’à cela ne tienne, elle trouverait bien le moyen de leur donner la place qui leur revient! Ainsi est née la websérie Ces afro-scientifiques d’hier à aujourd’hui, qui met à l’honneur l’apport des afro-descendants dans l’avancement des sciences de la santé. Portrait d’une infirmière qui veut offrir des modèles aux jeunes racisés.
Elle a 25 ans, est titulaire d’un baccalauréat en sciences infirmières et étudie à la maîtrise en administration des services de santé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM). Le jour, elle travaille aussi comme infirmière clinicienne. Un rôle pivot dans le système de santé, croit-elle. «Je suis à la fois une intervenante sociale, une scientifique dotée d’un jugement clinique et une personne-ressource pour les patients et leur famille. On ne valorise pas assez cette profession essentielle.»
Le soir? C’est une autre histoire. Stephanie Bumba écume les banques de données de l’UdeM et les sites d’organisations scientifiques américaines, telle l’American Chemical Society, en tapant des mots clés dans les moteurs de recherche: Black pioneers, inventions scientists, awareness… Et ce que trouve cette Québécoise, fille d’immigrants congolais, la surprend et la comble de fierté.
«Savez-vous qui a inventé les serviettes hygiéniques? L’Afro-Américaine Beatrice Davidson Kenner. Il aura fallu 30 ans pour qu’elle obtienne son brevet et soit reconnue officiellement. Marie Van Brittan Brown? Une autre Afro-Américaine, infirmière du Bronx, qui a conçu le premier système de caméras de surveillance à l’aide de deux télévisions.» Plus elle avance dans ses recherches, plus la liste s’allonge: le Dr Charles Richard Drew a créé les premières banques de sang à l’échelle mondiale; la chimiste Percy Lavon Julian, les médicaments contre l’arthrite rhumatoïde; et la Dre Jane Cooke Wright, les traitements de chimiothérapie. Ces pionniers, et tant d’autres afro-descendants, sont présentés dans ses capsules vidéos éducatives mises en ligne sur sa chaîne YouTube Nurse Stephie TV à l’automne 2020.
La machine médiatique s’emballe
Pour publiciser le fruit de ses découvertes, la défricheuse a choisi la voie de la lettre ouverte: «Ces individus ont des points en commun. Ils sont noirs, invisibles et non reconnus dans les différents ouvrages didactiques dans nos maisons d’enseignement canadiennes. Ils sont noirs et leurs noms n’apparaissent nulle part, point barre», dénonçait-elle. Les médias se sont vite emparés du sujet. Prise de court, Stephanie Bumba a enchaîné les entrevues dans les journaux et à la télé. Des écoles secondaires ont intégré sa série sur leur site et l’ont invitée à parler en classe. «Avec l’affaire George Floyd, on est entré dans une ère d’éveil des consciences en matière de discrimination, observe-t-elle. Il faut que les jeunes de couleur voient des personnalités qui leur ressemblent dans les ouvrages didactiques pour qu’ils se sentent interpellés par les professions de la santé et se disent “Moi aussi, je suis capable et j’y ai accès”. Ça leur renvoie l’image d’une société inclusive, peu importe l’origine ethnique et le statut socioéconomique.»
Une prise de conscience collective
Ce n’est pas d’hier que la jeune afro-descendante est engagée dans la communauté. En 2018, elle était vice-présidente aux communications de l’Association africaine de l’UdeM, qui fait rayonner la culture africaine sur le campus. En 2020, elle rejoignait les rangs de la Communauté étudiante de santé mondiale de l’ESPUM. Et présentement, elle occupe le poste de secrétaire générale de l’Association médicale des personnes noires du Québec, qui représente les minorités visibles sur les différentes plateformes scientifiques. «Ce qui m’importe, c’est le vivre-ensemble, dit-elle. Oui, je milite pour la représentation des afro-descendants, mais ma cause est plus large. Je veux lancer un mouvement pancanadien, voire international, pour que les contributions des minorités visibles soient reconnues au même titre que celles des Marie Curie, Louis Pasteur et Isaac Newton.»
Retour aux sources
Dans un horizon pas trop lointain, Stephanie Bumba souhaite enrichir ses connaissances à l’étranger, entre autres au pays de ses parents. Ce que permet la maîtrise en administration des services de santé de l’ESPUM, l’un des seuls programmes canadiens agréés par la Commission on Accreditation of Healthcare Management Education. «La culture congolaise est très présente chez nous. J’ai de la famille à Kinshasa. J’aimerais être une ressource-conseil pour les services de soins infirmiers et travailler de pair avec les gens là-bas.»
Mais d’ici là, elle compte bien poursuivre sur sa lancée et continuer de faire rayonner les afro-scientifiques du Canada, de l'Amérique latine et du continent africain. Dans sa dernière capsule, elle annonçait d’ailleurs le retour de sa websérie à l'hiver 2021. Dans ses rêves les plus fous, elle se voit comme la prochaine Oprah ou une Michelle Obama canadienne! «J’aimerais que mon nom apparaisse sur Wikipédia et qu’on me décrive comme une activiste bien ancrée dans la communauté.» Décidément, on n’a pas fini d’entendre parler de Stephanie Bumba.