Une hormone osseuse agrémentée de sucre pour aider le métabolisme
Si l’on a longtemps limité le rôle des os à celui d’une structure inerte vouée à la protection des autres organes, les études des dernières années ont révélé une fonction bien plus étendue, incluant la production d’ostéocalcine. Cette hormone serait active dans plusieurs fonctions vitales du corps humain. Toutefois, sa durée de vie dans le sang est courte, ce qui entrave sa performance.
Dans une étude récemment publiée dans le journal eLife, l’équipe de Mathieu Ferron, directeur de l’unité de recherche en physiologie moléculaire et professeur agrégé de recherche à l’Institut de recherches cliniques de Montréal, a dévoilé une version optimisée de l’hormone qui pourrait représenter le fondement de thérapies novatrices. Mathieu Ferron est également professeur accrédité à l’Université de Montréal.
Bien que sa durée de vie dans le sang humain soit d’environ 90 minutes, l'ostéocalcine jouerait un rôle central dans le maintien d’une bonne santé. L’hormone aide, d’une part, à réguler la glycémie en augmentant la production d’insuline et en agissant sur la métabolisation du glucose et des gras. D’autre part, elle exerce une action sur la masse musculaire et a des effets bénéfiques sur les fonctions du cerveau en améliorant la mémoire et en réduisant les symptômes de la dépression.
Mathieu Ferron et son équipe l’ont compris: l’importance de l’ostéocalcine est indéniable et la compréhension de ses multiples facettes essentielle pour l’amélioration des conditions de vie de milliers de personnes aux prises avec de graves problèmes de santé. Voilà pourquoi, depuis plusieurs années, l’équipe étudie sans relâche l'ostéocalcine.
Une ostéocalcine modifiée pour préserver la santé
Comme beaucoup d’hormones, l’ostéocalcine est vulnérable aux enzymes qui ont le pouvoir de la dégrader rapidement, la rendant instable dans le sang.
L’équipe de Mathieu Ferron s’est donc questionnée sur les moyens de remédier à ce problème. C’est en modifiant la séquence de la protéine d’ostéocalcine humaine, notamment en y attachant un petit groupe de sucres, qu’elle a été en mesure d’accroître sa résistance et d’allonger sa durée de vie jusqu’à plusieurs heures.
Cette idée, l’équipe l’a eue en constatant que l’hormone était bien plus stable chez une autre espèce, la souris, en raison d’une modification rattachée à la protéine d'ostéocalcine. Absente chez l’humain, cette modification, appelée O-glycosylation, consiste en un petit groupe de sucres qui protège l’hormone de la dégradation chez le rongeur.
Testée in vitro, dans un tube à essai, la version modifiée de l'ostéocalcine par l’équipe a révélé une stabilité nettement améliorée dans le sang. Cette version s’est également avérée plus stable in vivo chez la souris. De manière concrète, cette stabilité accrue de l’hormone pourrait permettre son utilisation comme traitement chez des personnes atteintes de diabète, de faiblesse musculaire ou de déclin cognitif.
Une voie prometteuse vers de nouvelles thérapies
«Nous sommes particulièrement enthousiastes devant ces résultats, car en maîtrisant la stabilité de l’ostéocalcine, nous nous donnons les moyens de répondre à plusieurs problématiques de santé. Cette découverte est une première étape vers d’autres études plus poussées chez l’humain», a déclaré Omar Al Rafai, étudiant de doctorat au laboratoire de Mathieu Ferron et premier auteur de l’étude.
Pour Mathieu Ferron, ces résultats s’inscrivent dans une lignée de découvertes importantes sur l’ostéocalcine. En effet, en 2017, son équipe avait réalisé une percée majeure en dévoilant dans le réputé Journal of Clinical Investigation des aspects jusque-là méconnus du fonctionnement de l'ostéocalcine, et en l’occurrence l’importance de la furine, une enzyme en jeu dans plusieurs fonctions métaboliques du corps humain.
«Notre étude démontre l’importance d’étudier la fonction et la régulation des hormones chez plus d’une espèce animale. En effet, si nous ne nous étions pas intéressés à l’ostéocalcine chez la souris, nous n’aurions jamais pu savoir que la glycosylation intervient dans sa stabilité, puisque l’hormone humaine n’est pas modifiée ainsi, précise Mathieu Ferron. Il s’agit, à mon avis, d’un bel exemple qui prouve à quel point la recherche fondamentale est essentielle, puisqu’on ne peut pas prédire quelles découvertes fortuites mèneront un jour à des applications plus concrètes sur le plan clinique.»