Et si un seul test pouvait contribuer à la fois au diagnostic, à la caractérisation et à l’orientation du traitement du cancer chez l’enfant – tout en permettant d’éviter des traitements toxiques ou potentiellement inutiles? C’est le pari audacieux qu’a relevé la Méta-plateforme de génomique intégrée (MPGI), sous la direction scientifique du Dr Vincent-Philippe Lavallée, hématologue et chercheur clinicien au CHU Sainte-Justine et professeur au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal. L’équipe propose une nouvelle approche novatrice de séquençage du génome complet alliant rapidité, précision et accessibilité.
Grâce aux outils d’Oxford Nanopore Technologies et à l’échantillonnage adaptatif, l’équipe de recherche est maintenant en mesure de détecter une vaste gamme d’anomalies génétiques et épigénétiques en moins de 24 heures, et certaines même en moins d’une heure. Cette plateforme ouvre ainsi la voie à une prise de décision clinique accélérée dans un contexte où chaque heure compte pour amorcer le bon traitement.
Le défi du diagnostic en oncologie: des tests longs et coûteux
Les cancers pédiatriques, qu’il s’agisse de leucémies ou de tumeurs solides, sont souvent causés par des altérations génétiques complexes: mutations, fusions de gènes et même des modifications épigénétiques comme la méthylation, qui peut désactiver certains gènes. Le diagnostic repose actuellement sur une série de tests distincts, longs, coûteux et exigeant une quantité importante de matériel biologique – comme du sang, de la moelle osseuse ou des tissus tumoraux – dont le prélèvement est ardu et limité chez les enfants.
L’équipe scientifique propose une solution innovante: le séquençage du génome complet avec échantillonnage adaptatif. Contrairement aux méthodes classiques, cette approche lit directement l’ADN natif, c’est-à-dire tel qu’il existe dans les cellules du patient sans être modifié ou amplifié, tout en ciblant en temps réel les régions les plus pertinentes pour l’analyse du cancer.
Avec un seul échantillon biologique, la machine «apprend» à reconnaître les zones d’intérêt et à les séquencer de manière préférentielle sans perdre la vue l’ensemble du génome. Résultat: une détection simultanée de toutes les anomalies cliniquement pertinentes, y compris celles qui échappent aux tests traditionnels.
Des anomalies chromosomiques détectées en une heure
Propulsé par la Plateforme Azrieli en santé de précision pédiatrique, le projet du Dr Lavallée a été élaboré au sein de la MPGI, un environnement technologique voué à l’innovation en génomique. L'étude a permis une analyse complète en moins de cinq jours des 31 échantillons étudiés. Les résultats sont impressionnants: 95 % des fusions de gènes et 94 % des mutations mises au jour en clinique ont été détectées avec succès.
«Cette approche offre une grande souplesse: il suffit d’entraîner la machine à reconnaître de nouveaux gènes d’intérêt sans qu’il soit nécessaire de modifier le protocole en laboratoire», explique le Dr Lavallée.
L’un des avantages majeurs de cette approche est sa capacité à produire des résultats exploitables à différentes étapes du séquençage. Dès la première heure, certaines anomalies comme les grandes altérations chromosomiques ou les profils de méthylation peuvent déjà être décelés. Puis, les fusions de gènes et les mutations clonales deviennent repérables, ce qui permet une orientation thérapeutique plus rapide et potentiellement plus efficace. Cette dynamique progressive offre une flexibilité précieuse aux équipes cliniques, qui peuvent adapter leurs décisions en temps réel.
Bien que mise au point pour l’oncologie pédiatrique, cette méthode est transférable à d’autres domaines, comme les maladies rares ou les cancers de l’adulte. Elle peut être appliquée à différents types d’échantillons (sang, moelle osseuse, tissus).
«Si les prochaines étapes confirment ces résultats, cette méthode pourrait être étendue à des environnements cliniques dans les prochaines années, transformant en profondeur les pratiques diagnostiques en oncologie pédiatrique et au-delà», conclut le Dr Lavallée.