Les femmes libres vont à vélo, en auto, en avion

Dans «Une route à soi», Catherine Blais présente une version remaniée de sa thèse de doctorat sur ce sujet, réalisée sous la direction d’Andrea Oberhuber.

Dans «Une route à soi», Catherine Blais présente une version remaniée de sa thèse de doctorat sur ce sujet, réalisée sous la direction d’Andrea Oberhuber.

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Catherine Blais présente son livre portant sur la figure des femmes cyclistes, automobilistes et aviatrices au début du 20e siècle.

Le vélo, l’auto et l’avion s’imposent au début du 20siècle comme des symboles de mobilité, de modernité et d’émancipation. Pour les contemporains, les femmes qui les adoptent inspirent autant l’admiration que la crainte. Alors qu’on honore l’aviatrice, la cycliste et l’automobiliste sont perçues comme des militantes un peu trop éprises de liberté – sauf s’il s’agit de les mettre sur des affiches pour vendre les nouveaux modèles. Dans Une route à soi (Les Presses de l'Université de Montréal), Catherine Blais présente une version remaniée de sa thèse de doctorat sur ce sujet, réalisée sous la direction d’Andrea Oberhuber (Département des littératures de langue française). Elle a obtenu en 2019 le prix de la meilleure thèse en arts, lettres et sciences humaines des Études supérieures et postdoctorales de l’UdeM. Elle répond à nos questions.

De quelle façon sont perçues les femmes à vélo, au volant d’une auto ou aux commandes d’un avion?

Dans la période que j’ai étudiée, entre 1890 et 1940, une femme à vélo est considérée comme une figure de liberté un peu trop appuyée. À ce titre, Marcel Proust la qualifie de «fugitive», terme qui rend bien compte des craintes liées au mouvement féministe, qui se présente comme une manière d’échapper aux conventions. De plus, il faut dire que l’exercice physique est vu à cette époque comme une affaire d’hommes. L’automobile est également perçue comme un moyen de transport qui ne convient pas aux femmes. On craint, notamment, qu’elles y reçoivent leurs amants!

Pourtant, elles apparaissent à vélo ou derrière un volant sur des affiches publicitaires de l’époque en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. On voit émerger cette esthétique de la «belle femme» qui fait vendre un produit de consommation.

La figure de l’aviatrice échappe, à certains égards, à ces préjugés négatifs. Plusieurs deviendront célèbres en réussissant des exploits aux commandes d’appareils dont la technologie n’est pas tout à fait au point. Pour leur courage, leur habileté et leur témérité, elles feront la une de magazines, auront des admirateurs à la manière des vedettes du cinéma naissant. Jusqu’à l’apparition de l’aviation commerciale, l’aviatrice est célébrée pour son héroïsme au même titre que l’aviateur.

Comment vous est venue l’idée de regrouper ces thèmes?

En étudiant une pièce de théâtre aujourd’hui tombée dans l’oubli, Le lys, écrite en 1909 par Pierre Wolff et Gaston Leroux. Le vélo y joue un petit rôle, pourrait-on dire. J’ai été stupéfaite de voir que les figures progressistes de la pièce avaient une perception très positive du vélo, alors que les plus conservatrices n’aimaient pas cet objet. J’ai eu envie de suivre cette voie à travers la littérature, les articles de journaux, l’art et l’histoire. L’image de l’avion s’est ensuite imposée par son influence historique. Les débuts de l’aviation sont en effet auréolés de gloire et les femmes n’en ont pas été exclues. Voir des femmes se déplacer par leurs propres moyens devient l’incarnation d’une prise en main de leur destinée. On le voit encore de nos jours; pensez à l’Arabie saoudite, qui n’a autorisé les femmes à conduire qu’en 2018!

D’ailleurs, la figure des femmes au volant a été perçue différemment en Europe et aux États-Unis. Au pays d’Henry Ford, l’auto était un élément de la culture. À partir des Années folles, les femmes font partie intégrante de cette société de consommation.

Les trois moyens de transport ont donc évolué dans le temps, du moins en ce qui concerne la perception qu’on en avait.

À qui se destine «Une route à soi»?

Je crois que celles et ceux qui s’intéressent à l’histoire, à la littérature et à l’évolution de la lutte des femmes y trouveront leur compte.

Source

Catherine Blais, Une route à soi, Les Presses de l’Université de Montréal, 2020, 488 p., 34,95 $ (version électronique: 24,99 $).

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