Cerfs de Virginie à Longueuil: le rôle du comité d’éthique de l’UdeM
- UdeMNouvelles
Le 9 mars 2021
- Martine Letarte
Dans le dossier du déplacement des cerfs de Virginie à Longueuil, le comité d’éthique de l’UdeM devait évaluer si le protocole proposé était sécuritaire pour les animaux et les humains.
«Notre comité d’éthique n’avait pas comme rôle de proposer une solution pour déplacer les cerfs de Virginie en surpopulation à Longueuil; il devait analyser la proposition reçue pour dire si elle était acceptable et elle ne l’était pas pour plusieurs raisons», affirme Jean-Pierre Vaillancourt, président du Comité d’éthique de l’utilisation des animaux (CEUA), basé à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal à Saint-Hyacinthe.
Le dossier de la surpopulation des cerfs de Virginie dans le parc Michel-Chartrand, à Longueuil, ne cesse de faire réagir depuis l’automne alors qu’il avait été décidé que la moitié du cheptel serait euthanasiée.
Après l’indignation populaire, une pétition signée par près de 40 000 personnes, la tenue de manifestations, l’intervention de l’avocate Anne-France Goldwater et des menaces de mort reçues par la mairesse Sylvie Parent, la Ville de Longueuil a fait volteface. Elle a annoncé à la fin novembre qu’elle demandait au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec d’autoriser le déplacement de ces 15 bêtes. C’est l’entreprise Sauvetage Animal Rescue qui doit les transporter ailleurs. Pour passer à l’action, elle doit obtenir du ministère un permis pour la capture des animaux sauvages à des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune. Pour se le faire délivrer, il lui faut d’abord un certificat de bons soins aux animaux d’un comité d’éthique.
Réunir l’expertise
Le CEUA est composé de 18 membres bénévoles aux expertises différentes, dont près de la moitié sont professeurs ou cliniciens. Il évalue tous les projets d’enseignement et de recherche qui impliquent des animaux à la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM, qui doit respecter le cadre règlementaire du Conseil canadien de protection des animaux. À l’occasion, il accepte de se pencher sur des dossiers externes.
«Nous sommes très peu, sinon les seuls, à pouvoir évaluer des protocoles liés à la faune parce qu’un grand volet touche à la médecine vétérinaire», explique Jean-Pierre Vaillancourt, aussi professeur titulaire au Département de sciences cliniques de la Faculté de médecine vétérinaire, le seul établissement au Québec qui forme des vétérinaires.
Pour évaluer ce dossier à sa réunion du 17 février, le CEUA est allé chercher l’avis de cinq experts des cervidés qui réalisent souvent des captures et des déplacements dans le cadre de leurs fonctions.
«Le comité d’éthique fonctionne de manière totalement indépendante, les expertises demandées et les délibérations qui y sont faites sont complètement confidentielles parce que chacun doit être libre de dire ce qu’il pense réellement sans avoir peur des conséquences», indique Ghislaine Cleret de Langavant, directrice du Bureau de la conduite responsable en recherche, qui soutient administrativement le fonctionnement de tous les comités d’éthique de l’Université de Montréal, dont le CEUA.
Plusieurs dangers
Dans le cas du protocole de déplacement des cerfs de Virginie en surpopulation à Longueuil, le constat du CEUA est clair. «L’équipe de Sauvetage Animal Rescue n’a pas présentement les compétences pour faire ce travail et, pour cette raison, il y a un grand risque de complications, de souffrance et de mortalité du côté des cerfs, et des risques aussi sur le plan de la santé et de la sécurité pour les bénévoles qui participeraient à l’opération», indique Jean-Pierre Vaillancourt.
Il mentionne plusieurs points qui font que la proposition de Sauvetage Animal Rescue était «très dangereuse», par exemple l'enclos métallique de 30,5 m (100 pi) de long sur 2,4 m (8 pi) de haut pour capturer les bêtes. «Un cerf de Virginie peut sauter 8 pi de haut et 100 pi équivalent à cinq bonds, ce qui est juste assez pour prendre de la vitesse et risquer de frapper le mur de métal à haute vitesse en voulant sauter», illustre Jean-Pierre Vaillancourt.
Puis, il est question de capturer une bête à la fois, alors que les cerfs de Virginie sont des animaux sociaux. «Il n’y en aurait pas un d’assez fou pour entrer seul dans un tel enclos», ajoute-t-il.
En outre, il est prévu qu’un employé ferme manuellement l’enclos. «La bête risque de foncer sur lui, dit M. Vaillancourt. On ne s’en doute pas parce que les cerfs de Virginie sont très beaux, mais ils sont très puissants. Un gros mâle a le même poids que Laurent Duvernay-Tardif et court plus vite qu’Usain Bolt! De plus, leurs sabots sont très aiguisés, car ils s’en servent. La littérature montre que des gens sont déjà décédés d’un coup de sabot au cou.»
Non seulement les risques de blessures et de problèmes de santé graves, voire mortels, liés à la capture et au transport des bêtes sur une longue distance sont très élevés, mais les lieux qui doivent les accueillir ne sont pas reconnus par Aquariums et zoos accrédités du Canada. «Cela signifie qu’on ne sait pas s’ils sont adéquats et s’ils ont une capacité de quarantaine conforme aux besoins», note M. Vaillancourt, qui est spécialisé en biosécurité.
Une soixantaine de problèmes et de questionnements, qui tiennent sur cinq pages, ont été relevés par le CEUA. «D’habitude, nous ne rédigeons jamais de rapport aussi détaillé, mais nous l’avons fait dans ce cas-ci parce que nous voulions apporter notre aide, signale M. Vaillancourt. Certaines de nos questions suggèrent même des solutions pour l’équipe alors que nous ne sommes pas des conseillers. Sauvetage Animal Rescue doit faire appel à des experts des cervidés pour créer un nouveau protocole qui respectera la santé, le bien-être et la sécurité des animaux et des humains.»