Pour des vaches laitières en santé

En 5 secondes Plusieurs chercheurs et chercheuses de la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM passeront l’été sur le terrain ou au laboratoire pour mieux comprendre les affections des vaches laitières.

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Pas de vacances pour la science! Article 39 / 40

La mammite et l’endométrite sont deux maladies avec lesquelles les producteurs laitiers doivent fréquemment composer. Très répandue, la mammite (une inflammation de la glande mammaire) touche près du tiers des vaches laitières; c’est la maladie la plus fréquente et la plus coûteuse pour les producteurs laitiers. L’endométrite, quant à elle, affecte environ 20 % des vaches. Cette inflammation de la muqueuse utérine peut survenir dans les 30 jours après la mise bas des veaux. 

Ces deux maladies ont des conséquences directes et indirectes sur la production laitière, entraînant des pertes financières pour les producteurs (baisse de production, délais allongés entre les mises bas, prix des traitements, etc.). De nombreux projets de recherche visent à mieux prédire leur apparition et les traiter tout en diminuant le recours aux antibiotiques.

Endométrite: prédire pour mieux traiter

Le professeur du Département de biomédecine vétérinaire de l'Université de Montréal Marcio Costa s’intéresse au microbiote intestinal et aux maladies qui touchent les intestins et les autres systèmes de la vache, comme le système reproducteur. «Nous avions regardé dans un projet pilote les bactéries présentes dans l’utérus des vaches laitières et trouvé que certaines augmentaient avant que les vaches aient des symptômes d’endométrite», raconte-t-il. Son équipe et lui souhaitent maintenant valider ces résultats grâce à un financement du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).

«Si nous sommes capables de détecter ces changements avant l'apparition de la maladie, nous pourrions créer des tests utilisant des marqueurs bactériens», espère-t-il. Les vaches les plus susceptibles d’être atteintes d’endométrite pourraient ainsi être soignées plus rapidement, alors que, pour l’instant, les tests ne sont utilisés que lorsqu’elles ont déjà des symptômes. «Si l'on pouvait prédire quelle vache sera malade, ce serait un gros changement pour tout le monde: la vache, le vétérinaire et le fermier. Plus on détecte tôt, meilleures sont les chances de traiter adéquatement, et moins lourdes sont les conséquences», souligne-t-il. 

Isabella Nicola, professeure au Département de sciences cliniques de l'UdeM, Hélène Lardé et José Denis-Robichaud, professeures au nouveau campus de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal à Rimouski, prélèveront des échantillons utérins à partir de cet été dans plusieurs fermes du Québec. Marcio Costa prendra ensuite le relais pour effectuer les analyses de laboratoire. L’ADN extrait permettra de mesurer les populations bactériennes présentes dans les échantillons.

À terme, l’équipe aimerait mettre au point un nouveau test diagnostique. «L’étape suivante serait de trouver les meilleurs traitements précoces. Un traitement aux antibiotiques est-il nécessaire ou un lavage utérin serait-il suffisant? Pourrions-nous même élaborer un traitement avec de bonnes bactéries [probiotiques]?» suggère Marcio Costa. 

Moins d’antibiotiques contre les mammites

Le vétérinaire et professeur au Département de sciences cliniques de l'UdeM Jean-Philippe Roy souhaite lui aussi diminuer l’utilisation des antibiotiques. «La mammite bovine est la cause principale d’utilisation d’antibiotiques dans les troupeaux laitiers», indique-t-il. Si, auparavant, des antibiotiques étaient donnés systématiquement à toutes les vaches lors de leur tarissement, on tente aujourd’hui d’en faire un usage plus judicieux pour ralentir l’apparition d’une antibiorésistance. 

Lorsque la vache cesse de produire du lait, les risques d’infections mammaires augmentent. La vidange du lait est donc protectrice, puisque la traite élimine mécaniquement les agents pathogènes. «Là, on arrête du jour au lendemain. Il se produit un engorgement dans la glande mammaire pendant quelques jours, le temps que la production cesse», relate Jean-Philippe Roy. 

Pour une utilisation plus précise des antibiotiques, l’équipe teste présentement un protocole qui permettrait de réduire de près de 90 % leur usage sans ajouter trop de travail aux fermières et fermiers débordés. Les fermes utiliseraient ainsi une mesure qu’elles ont déjà: le comptage des cellules immunitaires (cellules somatiques) dans le lait, qui est effectué sur chaque vache 10 fois par année. «Lorsqu’il y a une infection bactérienne, le compte de cellules somatiques augmente, ce qui indique la présence d’une inflammation et trahit la présence d’une infection», explique Jean-Philippe Roy. 

«En bas d’un seuil de compte de cellules somatiques, on considère que la vache est saine. Sinon, on fait une culture bactériologique pour chaque quartier [la mamelle, ou pis, de la vache est composée de quatre quartiers] et l'on injecte un antibiotique seulement dans les quartiers infectés», ajoute-t-il. Les quartiers sains, eux, sont scellés à l’aide d’une substance inerte, qui crée une barrière physique contre les bactéries. Ce n’est donc qu’une minorité de vaches qui doivent faire l’objet d’une culture.

Le Dr Roy, en collaboration avec Simon Dufour, professeur au Département de pathologie et microbiologie de l'UdeM, continuera de recueillir des échantillons cet été. Au total, ils visent à faire des prélèvements sur quelque 720 vaches. Cet essai contrôlé randomisé est financé par le programme de grappes de recherche laitière d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Comprendre la mammite

Le professeur Dufour s’attaque également à la mammite dans un autre projet de recherche, financé par le MAPAQ. Avec la chercheuse postdoctorale Mariana D'Agosto Miguel Fonseca, il veut améliorer les connaissances sur les agents pathogènes présents dans les fermes laitières. À l’aide des 346 échantillons de réservoirs de lait préalablement collectés en Alberta, en Ontario et au Québec, ils examineront la présence d’agents pathogènes. «Pour comprendre ce qui se passe au Canada, il faut échantillonner un nombre substantiel de troupeaux dans différentes provinces. Ce serait alors trop coûteux d’analyser des échantillons de chaque vache, mais le réservoir de lait peut nous donner une photo du troupeau. Les études décrivant la prévalence des agents pathogènes de la mammite à l'échelle canadienne sont rares et elles datent. Nous voulions donc mettre les connaissances à jour», mentionne Simon Dufour. 

La postdoctorante passera l’été au laboratoire pour faire ces tests et concevra un modèle statistique afin d’estimer la prévalence réelle de la maladie. «Notre hypothèse est qu’il y a eu des améliorations dans les dernières années, même si d’autres agents pathogènes sont en émergence», croit-il. 

L’équipe souhaite par ailleurs se pencher sur les facteurs de risque associés à la mammite à l’échelon du troupeau et quantifier les pertes économiques causées par la perte de lait et l’utilisation d’antibiotiques. «Nous aimerions aussi évaluer si certaines infections sont associées à un plus grand usage d’antibiotiques à la ferme», précise le professeur Dufour.

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