Un vaccin «sucré» pour lutter contre une infection zoonotique

En 5 secondes Deux chercheurs de l’UdeM ont mis au point un vaccin novateur destiné à combattre une maladie bactérienne dangereuse autant pour les animaux que pour les humains.

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La valorisation de la recherche à l'UdeM Article 9 / 11

Mariela Segura et Marcelo Gottschalk, professeurs à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, ont mis au point un vaccin inédit contre Streptococcus suis, une bactérie peu connue, mais redoutée autant en santé animale qu’en santé humaine.

Streptococcus suis est responsable de la principale infection bactérienne touchant les élevages porcins à travers le monde. Elle cause de graves problèmes de santé chez les porcelets et entraîne des pertes économiques majeures pour les producteurs.

L’infection est également zoonotique, c’est-à-dire qu’elle peut se transmettre à l’humain et provoquer alors des complications graves comme des méningites. «C’est particulièrement vrai dans certaines régions d’Asie du Sud-Est, où la consommation de viande de porc insuffisamment cuite ou de plats traditionnels à base de sang cru est courante. Streptococcus suis devient alors l’une des premières causes de méningite humaine», précise Mariela Segura, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en immunoglycobiologie des maladies infectieuses.

En Europe et en Amérique du Nord, le risque existe surtout pour les vétérinaires, les travailleurs dans les abattoirs, les bouchers ou les chasseurs en contact direct avec des animaux infectés. «En Occident, elle est considérée comme une maladie professionnelle, dit Marcelo Gottschalk. Les gens qui vont manipuler les animaux malades et qui n’auront pas suivi nécessairement un protocole de biosécurité comme le port des gants peuvent la contracter.»

Une solution de nouvelle génération

À ce jour, aucun vaccin commercial n’existe contre l’infection à Streptococcus suis. Les vétérinaires doivent recourir à des «autovaccins», soit des vaccins fabriqués à partir de la souche bactérienne isolée de porcs malades, dont les résultats sont «mitigés», indique Marcelo Gottschalk.

Le chercheur ajoute que les producteurs ont aussi longtemps compté sur les antibiotiques pour prévenir la maladie, mais que cet usage préventif alimente l’antibiorésistance.

Pour lutter contre ces problèmes au confluent de la santé animale et de la santé humaine, l’équipe montréalaise, épaulée par des collaborateurs étrangers, a misé sur une stratégie novatrice: les vaccins glycoconjugués.

Streptococcus suis se protège grâce à une capsule de sucre qui agit comme un camouflage et empêche le système immunitaire de la détecter, souligne Mariela Segura. L’idée était donc de reproduire artificiellement une petite portion de ce «chapeau de sucre» en laboratoire, puis de la lier à une protéine porteuse.

«Cette combinaison rend la molécule visible aux défenses immunitaires, qui apprennent alors à reconnaître et éliminer la bactérie», poursuit la chercheuse.

Une multidisciplinarité aux retombées mondiales

Cette recherche s’inscrit dans l’approche Une seule santé, puisqu’elle concerne à la fois la santé animale, la santé humaine et la santé environnementale. Et le succès du projet repose sur la complémentarité des expertises.

Marcelo Gottschalk, vétérinaire et microbiologiste, dirige depuis plus de 30 ans un laboratoire sur Streptococcus suis. Son équipe reçoit des souches de partout dans le monde pour les caractériser et étudier leurs mécanismes de virulence.

Mariela Segura, immunologue, s’intéresse quant à elle à la réponse immunitaire et à la conception de vaccins. Ensemble, ils forment une équipe reconnue mondialement au point d’organiser régulièrement des congrès internationaux sur la bactérie.

Financé par le Centre de recherches pour le développement international, leur projet regroupe des chercheurs de l’UdeM et de l’Université de l’Alberta, ainsi que des collaborateurs en Thaïlande, pays particulièrement touché par la portion zoonotique de l’infection.

Si l’élaboration de ce vaccin est encore en cours, les résultats semblent prometteurs. Comme le rappelle l’équipe, protéger les porcs, c’est aussi protéger les humains et contribuer à la lutte contre la résistance aux antibiotiques.

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