Ramener de la nature en ville
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Une seule santé Article 18 / 18
Après avoir fréquenté plusieurs parcs montréalais, dont le parc Maisonneuve, les moutons de l’organisme Biquette écopâturage débarquent sur le site de l’ancien hippodrome cet été. Ce projet, mis sur pied par le Vice-rectorat au communautaire, à l’international et aux Premiers Peuples, en collaboration avec l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce et l’organisme MultiCaf, est une initiative conjuguant science, engagement communautaire et développement durable. En plus d’entretenir de façon écologique l’espace en friche, cette activité aide à préparer et à enrichir le sol, ce qui permettra à MultiCaf d’agrandir ses potagers urbains Les bonnets bleus dans les prochaines années.
Mais au-delà des services rendus, quels bienfaits les moutons procurent-ils? «Convaincue des bienfaits de leur projet sur la santé humaine, la coordonnatrice de Biquette écopâturage, Annie Cloutier, a approché Cécile Aenishaenslin (professeure à la Faculté de médecine vétérinaire) et Yan Kestens (professeur à l’École de santé publique de l’UdeM) pour mieux comprendre ses effets sur la santé humaine», raconte Noémie Harriet, coordonnatrice principale de la Chaire d’excellence en recherche du Canada Une seule santé urbaine, dont les deux professeurs font partie.
«C’est l’occasion pour plusieurs citadins et citadines de découvrir cet animal et de côtoyer de la nature en ville. On a l’instinct de dire que c’est une bonne chose, mais est-ce le cas? L’idée est de bien y réfléchir, et d’étudier les effets», poursuit-elle. En effet, est-ce que c’est le fait de socialiser et de faire partie d’un groupe de bénévoles qui est positif ou le contact même avec l’animal?
Un volet recherche
Les travaux de la Chaire sont à l’intersection du mouvement Ville en santé – qui repose sur la mise en place de politiques publiques favorables à la santé et à la qualité de vie de ses habitants et habitantes en s’appuyant notamment sur des stratégies d’amélioration des capacités individuelles et communautaires – et de l’approche Une seule santé, qui vise à trouver un équilibre pour optimiser la santé des êtres humains, des animaux et des écosystèmes.
Profitant de cette activité d’écopâturage, la Chaire a déployé à l’été 2024 un projet pilote au parc Maisonneuve visant à évaluer les effets de la présence des moutons sur la santé mentale des bénévoles — environ 150 bénévoles s’impliquent dans ces activités —, ajoutant cette année le site parrainé par l’UdeM de l’ancien hippodrome.
Une première collecte de données a été effectuée l’été dernier au parc Maisonneuve, où les moutons de Biquette pâturent depuis plusieurs années. Elle aura permis de tester les outils et de valider la méthodologie. C’est Lucie Pitois, stagiaire à la Chaire et étudiante à la maîtrise en environnement et développement durable, qui est responsable de la collecte de données cet été, laquelle se déroulera au parc Maisonneuve et sur le site de l’ancien hippodrome. «Nous voulons mesurer les effets de la présence des moutons sur la santé mentale et le sentiment de bien-être des bénévoles à court terme (à la fin d’une journée) et à long terme (à la fin de la saison)», résume-t-elle.
Les bénévoles désirant participer répondent à une évaluation écologique momentanée (EMA) sur une base régulière: cette approche par sondages répétés permet de saisir l’expérience vécue dans un environnement donné. Des entrevues qualitatives seront par ailleurs effectuées avec les bénévoles qui côtoient le plus souvent les moutons. Les visiteuses et visiteurs seront également sondés par questionnaire.
Une première étape
Mais ce n’est qu’un début. «Ce projet se veut la première étape de quelque chose de plus large. Nous voulons développer des volets sur la santé humaine et animale, et sur l’impact environnemental», souligne Noémie Harriet. Une revue de la littérature a déjà été effectuée pour analyser notamment la diminution de gaz à effet de serre entraînée par le remplacement des tondeuses par des moutons.
L’équipe souhaiterait dans un deuxième temps s’attarder à l’influence de ces interactions sur les moutons eux-mêmes et recenser les autres bénéfices possibles (par exemple l’éveil de la conscience écologique des citadines et citadins peu habitués à côtoyer ces animaux).
Les données analysées à l’automne serviront à nourrir une future demande de subvention, qui permettrait de prendre en compte les autres volets de la santé. «Avec le réchauffement climatique et l’augmentation des zoonoses, on est obligés, pour améliorer la santé humaine, de réfléchir de manière globale à la santé de l’environnement et à celle des animaux», rappelle Noémie Harriet.