Sommes-nous nés pour un petit pain?
- UdeMNouvelles
Le 31 mars 2021
- Stéphanie Deschamps
André d’Orsonnens, président du conseil et directeur général de Druide informatique; Léo Coupal-Lafleur, lauréat du Grand Prix Antidote de l’éloquence du concours d’éloquence «Délie ta langue!»; Monique Cormier, vice-rectrice associée à la langue française et directrice du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie de l’Université de Montréal; et Marie-France Bazzo, animatrice et productrice
Crédit : Hombeline DumasLéo Coupal-Lafleur, étudiant en sociologie, remporte le Grand Prix Antidote du concours d’éloquence «Délie ta langue!» de l’UdeM.
Violences faites aux femmes, racisme systémique, iniquités: les candidates et candidats du concours Délie ta langue!, du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie de l’Université de Montréal, ont fait largement réfléchir les spectateurs à la finale tenue le 29 mars. La présidente du jury, la productrice et animatrice Marie-France Bazzo, a noté l’engagement dans la société de toutes les personnes participantes. C’est toutefois avec son expression Être né pour un petit pain que Léo Coupal-Lafleur a réussi à se démarquer des neuf autres finalistes et qu’il a pu remporter le Grand Prix Antidote, d’une valeur de 5000 $.
Datant d’une autre époque, mais toujours bien ancrée dans la mentalité québécoise d’aujourd’hui, Être né pour un petit pain signifie se résigner à vivre pauvrement. Cependant, ce n’est pas un plaidoyer pour la richesse et le gros pain que Léo Coupal-Lafleur a présenté. Il a plutôt proposé une réflexion sur notre désir de croître et d’en vouloir toujours plus: plus d’argent, plus de biens, plus de services.
«À force de vouloir le faire gonfler sans cesse, le petit pain est sur le point d’éclater. Faire croître et surcroître le PIB en biens et services au point où il ne fait plus le bien ni ne rend service. Mais la croissance se fait prier: il faut que l’on croît, il faut que l’on croît, il faut que l’on croît. Nous sommes des milliards de pèlerins à marcher sur l’oxymore du développement durable et de la croissance verte, avec l’impression d’être nés pour la plus grosse maison, la plus belle voiture ou la plus claire piscine creusée dans laquelle le futur se noie à petit feu. Si c’est pas de la petitesse, ça…»
Nous comparant à nos voisins du Sud, avec leurs ambitions et leur individualisme, il a terminé son propos sur une note d’espoir. «J’aspire à voir grand du haut de ma petite échelle, un monde sans besoin de blé plein les poches, où chaque être humain peut en avoir dans le ventre; se nourrir d’avenir et de pain sur la planche. Alors il est temps de décroître pour ne pas léguer la faim à tous les futurs nés. Mettons la main à la pâte pour un suffisant pain, mais de grandes idées.»
Trois autres performances soulignées
Le second prix, d’une valeur de 3000 $, a été remis à Sophie-Catherine Dick, étudiante en psychologie, pour l’expression Blanc comme neige. Selon le jury, cette candidate a eu «un argumentaire très puissant et une utilisation poétique de la thématique». Elle a fait de sa prestation une invitation à s’interroger sur notre relation aux peuples et à l’histoire autochtones.
«J’ai appris les noms des 13 provinces et territoires canadiens au primaire, mais jamais ceux des 11 nations autochtones du Québec. On m’a enseigné les exploits de Christophe Colomb, mais jamais les ravages des pensionnats. Ils m’ont parlé du troc et des récits des premiers colons, mais jamais des conseils de bande, des chefs héréditaires ou de la crise d’Oka. J’ai appris qu’on dit ni Indien ni Amérindien, plutôt Autochtone, mais jamais pourquoi cette fameuse loi porte encore un tel nom: Loi sur les Indiens. Pendant qu’on parlait de la crise du castor de 1690 et des canots en écorce, pendant qu’on faisait des maquettes de maisons longues et qu’on chantait Ani couni, on n’apprenait rien de la réalité des réserves. On n'apprenait rien du trauma intergénérationnel.»
Toujours sur le thème de notre relation aux autres, Kamir Roufia Aissoub a obtenu le troisième prix, offert par TD Assurance et d’une valeur de 1000 $, avec l’expression Le soleil brille pour tout le monde. Cette étudiante en chimie a plaidé en faveur de l’égalité pour tous.
«Imaginons un monde uni. Ne pouvons-nous pas ouvrir nos esprits et laisser de côté nos préjugés? Ou faudrait-il que nous perdions la vue afin que nos cœurs s’ouvrent à l’autre? Avons-nous transformé la grâce de la vue en filtre discriminatoire? Une barrière invisible, mais presque palpable. Avant même de connaître, que dis-je, d’approcher, nous dédaignons.»
Remplie d’espoir, elle a invité les gens à s’éduquer, à éduquer leurs proches et à agir pour un monde meilleur.
Enfin, le Prix du public, d’une valeur de 500 $ et offert par l’Acfas, a été remis à Déogracias N’do. Cette étudiante en communication et politique a présenté l’expression Décrocher la lune en direct du Burkina Faso, d’où elle est originaire. Pour elle, décrocher la lune n’est pas seulement une question d’ambition et de dépassement de soi. Pour illustrer son propos, elle a raconté l’histoire de Kalo, dont le nom signifie lune en bambara.
«Pourtant, Kalo était pleine d’ambition. Pour sortir sa famille de leurs conditions, elle misait tout sur son éducation. Seulement, pour sa famille, éducation rimait avec sommation. Il ne s’agissait plus d’ambition, mais de prétention. Dès que Kalo a eu l’âge de se marier, sa famille la livra à ce qui devait être leur porte d’entrée à leur prospérité. Un riche homme deux fois son âge qui s’est avéré être un ivrogne dont le seul langage était celui de la rage. Kalo a été privée de son enfance. Kalo a été dépouillée de son innocence. Kalo, au nom de la réussite, est morte dans la souffrance.»
Sa prestation a secoué plusieurs spectateurs qui clavardaient sur Zoom. Déogracias N’do les a conviés à passer à l’action pour venir en aide aux femmes victimes de violences.
«Des Kalo, on en retrouve partout. En Afrique, en Asie, en Europe et en Amérique. Au Canada, en 2020, une Kalo mourait chaque deux jours. Chaque deux jours, une Kalo était conduite à la morgue. Mais trop, c’est trop. Trop de Kalo ont été livrées, trop de Kalo nous ont quittés. À en croire que le bonheur était trop demandé. Mais, bonne nouvelle, je n’ai plus le cul entre deux chaises. Et que cela ne leur déplaise, j’irai décrocher la lune pour Kalo. Et si cela vous sied, décrochons la lune pour toutes les Kalo.»
Le concours Délie ta langue!, qui était organisé pour une troisième fois, se déroulait cette année avec une université partenaire, soit l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Le recteur de l’UdeM, Daniel Jutras, a d’ailleurs lancé l’invitation à tous les autres établissements à se joindre, comme l’UQAR, à l’Université de Montréal pour les prochaines tenues du concours, souhait partagé par Monique Cormier, directrice du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie.
-
André d’Orsonnens, président du conseil et directeur général de Druide informatique; Sophie-Catherine Dick, lauréate du deuxième prix du concours d’éloquence «Délie ta langue!»; Monique Cormier, vice-rectrice associée à la langue française et directrice du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie de l’Université de Montréal; et Marie-France Bazzo, animatrice et productrice
Crédit : Hombeline Dumas -
André d’Orsonnens, président du conseil et directeur général de Druide informatique; Kamir Roufia Aissoub, lauréate du troisième prix TD Assurance du concours d’éloquence «Délie ta langue!»; Monique Cormier, vice-rectrice associée à la langue française et directrice du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie de l’Université de Montréal; et Marie-France Bazzo, animatrice et productrice
Crédit : Hombeline Dumas