Paul Houde: l’homme aux mille talents
- Revue Les diplômés
Le 30 avril 2021
- Mathieu-Robert Sauvé
Diplômé en géographie de l’UdeM, Paul Houde a fait carrière dans le monde de la communication sans jamais renier sa formation scientifique.
Paul Houde est à Florence avec sa femme et ses enfants pour visiter le chœur de la cathédrale Santa Maria del Fiore (le Duomo), où règne un silence monastique, lorsqu’il entend une exclamation venue de l’autre bout de la nef. «Ah ben, Fern…», suivi d’un sacre senti bien de chez nous!
Il comprend qu’un touriste vient de reconnaître le personnage qu’il incarne dans les quatre déclinaisons du film Les boys, de Louis Saia (1997-2005). «La situation était un peu gênante, mais ça m’a quand même amusé d’être interpellé par un Québécois à 4000 km de chez moi», commente l’homme de 67 ans au cours d’un entretien avec Les diplômés dans lequel il accepte de revenir sur ses années d’études et les principaux jalons de sa carrière.
Le personnage de Fernand (dit «Fern») reconnu en Italie – un gardien de but d’une ligue de garage qui connaît par cœur toutes les statistiques de la Ligue nationale de hockey – ne représente qu’un visage de sa personnalité multidimensionnelle. Acteur et scénariste, il est aussi animateur à la radio et à la télévision; il a été chroniqueur à La Presse et analyste sportif sur différents plateaux. À cinq reprises depuis 2008, il a été chef d’antenne pour les élections au 98,5 FM.
Ce qu’on sait moins, c’est que, au terme de ses études universitaires (il a obtenu son baccalauréat en géographie de l’Université de Montréal en 1979), il se destinait à la maîtrise dans cette discipline qui le fascinait. Inspiré par la notion de territoire, il avait eu la piqûre pour la télédétection. «J’avais déjà fait mon inscription à l’Université d’État du Kansas, aux États-Unis. J’envisageais déjà de poursuivre mes études au doctorat. La vie m’a amené ailleurs», résume-t-il.
«J’ai un examen de maths!»
L’Université de Montréal a tout de même joué un rôle déterminant dans sa vie, puisque c’est sur le campus de la montagne qu’il fait ses premières armes de communicateur comme porte-parole étudiant au milieu des années 70. «J’étais studieux et très organisé, mais des militants avaient remarqué que j’étais capable de bien m’exprimer en public. J’avais un bon esprit de synthèse et je ne ressentais aucun trac devant les journalistes. Je suis donc devenu en quelque sorte le représentant des étudiants auprès des médias.»
Le président de l’Association des diplômés de l’époque, Pierre Robert, a été le premier à voir en Paul Houde un animateur de talent. Il est alors directeur des programmes à la station de radio CKAC 730 (AM), reconnue pour être la plus populaire du pays. On se bat pour obtenir un micro à ce réseau qui trône au sommet des cotes d’écoute. Il invite personnellement le jeune homme à se présenter à une audition le lendemain. «Je lui ai répondu que je ne pouvais pas. J’avais un examen de maths», relate Paul Houde, hilare. Au lieu de le froisser, cette réponse plaît bien à M. Robert, qui lui offre une seconde chance. Paul Houde anime sa première émission nocturne le 4 mai 1975; il passe à la matinale 10 semaines plus tard. À partir de là et jusqu’en 2020, il animera 8255 émissions radiophoniques.
Dès cette époque, il ajoute une corde à son arc, la comédie, participant à de nombreuses émissions de variétés à l’antenne de Radio-Canada, TVA, Télé-Québec et d’autres. En 1997, il est recruté par Stéphane Laporte, de La fin du monde est à 7 heures, animée par Marc Labrèche. «Après quelques tournages, j’ai dit à ma femme, qui est aussi mon agente, que cette émission n’avait aucun sens. Elle m’a dit: reste!»
Il suit son conseil et participe à 400 émissions de La fin du monde, véritable incubateur de talents d’où les carrières de Jean-René Dufort, Patrick Masbourian et Isabelle Maréchal prennent leur envol. Paul Houde est déguisé, maquillé et se lance dans les expériences les plus éclatées pour prévoir les résultats d’élections ou de tournois sportifs, notamment avec la souris Nostradamouse. «Le courant est passé très rapidement entre nous», dit Marc Labrèche, qui a apprécié son côté pince-sans-rire. Il note que son chroniqueur a un don pour l’absurde et l’autodérision, des conditions essentielles au concept. Mais l’humour, ça se travaille. «Paul est toujours parfaitement préparé lorsqu’il se présente sur un plateau. Il mémorise ses textes à la virgule près et a souvent des idées pour développer un aspect du personnage. C’est un vrai plaisir de travailler avec lui», reprend Marc Labrèche.
«Madame Grevisse»
Paul Houde est né à Saint-Laurent et a grandi à Laval, où il réside toujours. Sa mère était «femme au foyer», comme on disait alors, et son père saxophoniste. Son frère, Pierre Houde, est commentateur au Réseau des sports (il est la voix des matchs du Canadien) et sa sœur, Johanne, travaille pour la municipalité de Saint-Laurent. Paul et Pierre, qui a obtenu un diplôme de HEC Montréal, sont des universitaires de première génération. «Nos parents valorisaient beaucoup l’éducation. Dès notre plus jeune âge, nous avons appris à respecter les règles grammaticales avec ma mère, que nous surnommions “madame Grevisse”.» Notre langue, c’est notre identité, lance-t-il pour expliquer le soin qu’il apporte à l’usage du mot juste et à l’accord de la forme pronominale du participe passé. De ses années d’études, il retient plusieurs bons moments, en particulier les cours du démographe Jacques Henripin (1926-2013). «Il avait prédit le déclin du français au Québec et c’est exactement ce que nous constatons aujourd’hui.»
Comédie humaine de la Rive-Nord
Marié à Francine Audette, avec qui il a eu deux garçons, Paul-Frédéric et Karl, âgés de 37 et 35 ans, Paul Houde a des loisirs atypiques. Fasciné par l’astronomie depuis son enfance, il est un des chasseurs d’éclipses les plus actifs du Québec. Le but de ces Tintin des temps modernes est de se trouver à l’endroit précis où la Lune passant devant le Soleil provoquera pendant quelques minutes une obscurité quasi totale. Il a multiplié les expéditions aux quatre coins du monde pour vivre ces moments de grâce (Inde, Indonésie, Mexique, Autriche, États-Unis et Canada) et continuera de le faire jusqu’à sa mort, précise-t-il. La prochaine sortie est prévue en avril 2023.
Il s’est aussi illustré dans la communauté des astronomes amateurs en construisant son propre télescope, remportant deux prix à des concours internationaux de Springfield, au Vermont, en 1971 et 1972.
Passionné d’aéronautique, il a fait un tour du monde record en tant que passager de lignes aériennes commerciales en 40 h 17 min du 11 au 13 octobre 1996.
Il a aussi eu le privilège d’embarquer sur le premier vol Montréal-Paris de l’Airbus A380 le 15 novembre 2007.
Mais son plaisir le plus surprenant est son journal personnel, qu’il tient depuis l’âge de 15 ans, d’abord au stylo puis à l’ordinateur; l’œuvre totalise une dizaine de milliers de pages. «Je note toutes sortes de choses, mentionne-t-il. Ça va des évènements publics aux pensées les plus intimes. Mais ce qui est récurrent, c’est la météo. Deux fois par jour, je consigne la température, l’humidité relative et le facteur éolien.»
Pourquoi vouloir laisser cette trace de son passage sur terre? «Ce n’est pas fait pour être lu, déclare-t-il en riant. Mes fils sont prévenus qu’ils pourront jeter tout ça au panier le jour de ma mort.»
Il affirme que cette activité quotidienne n’a pas de sens. Et que c’est bien ainsi. Mais pour son ami Marc Labrèche, il sera intéressant de publier la prose de Paul Houde. «On découvrira les carnets d’un homme sensible et intelligent, capable d’illustrer la comédie humaine de la Rive-Nord.»