Il n’y a pratiquement pas d’eau sur l’exoplanète Tau Boötis b
- Forum
Le 13 septembre 2021
- Martin LaSalle
Des chercheurs de l’iREx croyaient pouvoir trouver de l’eau sur une exoplanète située proche de nous. Or, l’instrument SPIRou n’en a que peu détecté dans l'atmosphère de cette géante gazeuse.
L’atmosphère de la planète gazeuse nommée «Tau Boötis b» contient du monoxyde de carbone, comme les chercheurs s’y attendaient, mais pratiquement pas d’eau – une molécule qu’ils escomptaient trouver en abondance sur cette exoplanète de type «Jupiter chaude».
C’est la conclusion à laquelle en est venue une équipe scientifique de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) menée par Stefan Pelletier, doctorant en astrophysique à l’Université de Montréal, et dont faisait partie le professeur Björn Benneke. Les résultats des observations faites par les membres de l’équipe ont été publiés à la fin de juillet dans The Astronomical Journal1.
L’objectif initial du projet de recherche était de tester la précision du spectrographe à large couverture de longueur d’onde SPIRou pour détecter des traces de vapeur d’eau sur une exoplanète.
SPIRou est un appareil intégré depuis 2018 au télescope de l’observatoire Canada-France-Hawaii, situé à 4200 m d’altitude sur la grande île de l’archipel hawaiien. Il est capable d’analyser la lumière infrarouge émise par une planète dans une nouvelle gamme de couleurs, avec une résolution permettant de reconnaître la signature de nombreuses molécules, comme l’eau (H2O), le monoxyde de carbone (CO) et le méthane (CH4).
Tau Boötis b, une «proie» facile à observer
Le choix de Tau Boötis b pour tester la précision de SPIRou s’est imposé de lui-même dans l’équipe de chercheurs.
«L’atmosphère de cette exoplanète a déjà été étudiée à de nombreuses reprises, avec des instruments moins performants que SPIRou, et nous nous attendions à avoir de bons signaux pour caractériser son atmosphère avec une précision jamais égalée», commente Stefan Pelletier.
Cette exoplanète est l’une des premières à avoir été découvertes en 1996. Elle tourne autour de l’étoile Tau Boötis, située à seulement 51 années-lumière de la Terre et 40 % plus grosse que le Soleil. Elle est même visible à l’œil nu dans la constellation du Bouvier.
Quant à Tau Boötis b, elle est six fois plus massive que Jupiter et huit fois plus proche de son étoile que Mercure l’est du Soleil. Parce qu’elle orbite autour de son étoile à une distance très faible, la température de son atmosphère avoisine les 1600 kelvins (environ 1320 degrés Celsius), ce qui en fait une géante gazeuse qu’on désigne par l’appellation «Jupiter chaude».
Des indices pour comprendre la formation des planètes
Après avoir effectué 20 heures d’observation avec SPIRou étalées sur cinq nuits, en avril 2019 puis en mai 2020, Stefan Pelletier et ses collègues ont constaté qu’outre l’hydrogène et l’hélium l’atmosphère de Tau Boötis b est principalement composée de CO, surtout sur sa surface faisant face à son soleil.
Mais pratiquement pas d’H2O, tandis que les exoplanètes de type Jupiter chaude comme elle en contiennent généralement en abondance…
«Les Jupiter chaudes offrent une occasion sans précédent de sonder la formation des planètes géantes, car nous pouvons déterminer le contenu de leur atmosphère, indique Stefan Pelletier. Non seulement elles constituent une population intrigante sans analogues dans notre système solaire, mais leurs températures extrêmes permettent des conditions dans lesquelles les principales espèces moléculaires contenant du carbone et de l'oxygène – telles que H2O, CO et CH4 – devraient être accessibles à la télédétection.
«La faible teneur en eau sur Tau Boötis b nous renseigne sur l’origine et l’évolution de cette planète, poursuit Stefan Pelletier. Ainsi, nous pensons qu’elle s’est formée en étant loin de son soleil, puis qu’elle s’en est rapprochée pour une raison que nous ignorons, contrairement à Jupiter qui, à la même époque, s’est formée loin du Soleil et qui en est restée distancée.»
Le chercheur de l’iREx conclut: «En astrophysique, nous connaissons bien notre système solaire, mais paradoxalement, nous ne savons pas encore exactement comment Jupiter s’est formée. Mais avec des exoplanètes comme Tau Boötis b, nous avançons vers différentes hypothèses et, surtout, nous obtenons une vision plus globale sur la façon dont les planètes géantes se forment.»
1. Stefan Pelletier et coll., «Where Is the Water? Jupiter-like C/H Ratio but Strong H2O Depletion Found on τ Boötis b Using SPIRou», The Astronomical Journal, vol. 162, no 2, juillet 2021.