Une planète et sa double queue d’hélium ont été découvertes à l’aide de «James-Webb»

Par UdeMNouvelles
En 5 secondes Le JWST observe pour la première fois une planète géante accompagnée de deux immenses traînées de gaz qui s'étendent dans l'espace autour d'elle, résultat de la perte de son atmosphère en continu.
Cette représentation artistique de l'exoplanète WASP-121 b montre son impressionnante double queue d'hélium qui s'étend sur près de 60 % de son orbite autour de son étoile hôte.

Pour la première fois, des scientifiques ont surveillé de façon continue l’atmosphère s’échappant d’une planète pendant une orbite complète, révélant que la géante gazeuse WASP-121 b est entourée non pas d’une, mais de deux immenses queues d’hélium qui s’étendent sur plus de la moitié de son orbite autour de son étoile. Cette découverte inusitée a été faite par une équipe d’astronomes de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (IREx) de l’Université de Montréal et du département d’astronomie de l’Université de Genève grâce au télescope spatial James-Webb (JWST) et à son instrument canadien, le NIRISS – l’imageur et spectrographe sans fente dans le proche infrarouge. Les résultats ont été publiés dans Nature Communications le 8 décembre. 

L’équipe dirigée par Romain Allart, chercheur postdoctoral à l’IREx et à l’Université de Montréal, offre le tableau le plus détaillé jamais obtenu de l’échappement atmosphérique d’une exoplanète, un processus qui peut profondément transformer une planète au fil du temps.

 

Un monde extrême sous le feu stellaire 

L’exoplanète WASP-121 b est ce qu’on appelle une «Jupiter ultrachaude», une immense planète gazeuse qui orbite si près de son étoile que son année dure un peu plus d’une journée, soit seulement 30 heures. L’intense rayonnement de l’étoile chauffe son atmosphère à plusieurs milliers de degrés, permettant aux gaz légers comme l’hydrogène et l’hélium de s’échapper dans l’espace. Sur des millions d’années, cette fuite lente peut modifier la taille, la composition et l’évolution future de la planète.  

Jusqu’à maintenant, les scientifiques n’avaient obtenu que de courts aperçus de ces flux atmosphériques lors de transits planétaires, ces quelques heures où la planète passe devant son étoile. Sans surveillance continue, il était impossible de savoir jusqu’où ces flux s’étendaient ou comment ils évoluaient.  

En utilisant le NIRISS, un instrument conçu et construit au Canada sous la direction de l’Agence spatiale canadienne et de René Doyon à l’UdeM, l’équipe de Romain Allart a observé WASP-121 b pendant près de 37 heures consécutives, couvrant plus d’une orbite complète. Il s’agit de l’observation continue la plus complète jamais réalisée de la signature de l’hélium d’une planète.

Deux immenses queues d’hélium 

En suivant la faible absorption des atomes d’hélium dans l’infrarouge, les chercheurs ont découvert que le gaz entourant WASP-121 b s’étend bien au-delà de la planète elle-même. Le signal persiste sur plus de la moitié de l’orbite, constituant la plus longue détection continue d’échappement atmosphérique jamais observée.  

Encore plus remarquable: les particules d’hélium forment deux queues distinctes: une queue traînante, repoussée par le rayonnement et le vent stellaire, et une queue de tête, courbée en avant de la planète, probablement attirée vers l’étoile par gravité.  

Ensemble, ces deux écoulements couvrent une distance équivalant à plus de 100 fois le diamètre de la planète, soit plus de trois fois la distance séparant la planète de son étoile.  

«Nous avons été incroyablement surpris de voir à quel point l’échappement d’hélium durait longtemps, explique Romain Allart, auteur principal de l’article. Cette découverte révèle la complexité des processus physiques qui sculptent les atmosphères exoplanétaires et leur interaction avec leur environnement stellaire. Nous commençons seulement à explorer la véritable complexité de ces mondes.»

Un nouveau défi pour la science planétaire

Les modèles informatiques actuels d’échappement atmosphérique peuvent expliquer des queues simples, en forme de comète, mais ils ne permettent pas encore de reproduire une structure double comme celle observée dans le cas de WASP-121 b. La découverte donne à penser que les forces gravitationnelles et les vents stellaires jouent tous deux un rôle essentiel dans la forme de ces flux, un phénomène nécessitant une nouvelle génération de simulations 3D pour en comprendre la physique.

«C’est véritablement un tournant, poursuit Romain Allart. Nous devons désormais repenser la manière de simuler la perte de masse atmosphérique, la considérer non plus comme un simple flux, mais avec une géométrie 3D qui interagit avec l’étoile. C’est crucial pour comprendre l’évolution des planètes et déterminer si les géantes gazeuses peuvent devenir de simples planètes rocheuses nues.»  

Au-delà du spectacle que représentent ces deux queues, la découverte a de profondes implications pour l’évolution planétaire. L’échappement atmosphérique est un processus clé établissant si un monde demeure une géante gazeuse, rétrécit jusqu’à devenir une planète de type Neptune ou se retrouve réduit à un noyau rocheux. Observer ces dynamiques en temps réel autour de WASP-121 b offre un terrain d’essai unique pour comprendre comment les planètes changent sur des milliards d’années. Le résultat pourrait même contribuer à expliquer le «désert des Neptune», soit la rareté des plus petites géantes gazeuses très rapprochées de leur étoile. Elles pourraient être les vestiges de planètes plus grandes dont l’atmosphère a été érodée.

 

Un leadership canadien en exploration des exoplanètes

Le NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) est l’un des quatre instruments scientifiques du télescope spatial James-Webb. Il a été conçu et construit par l’Agence spatiale canadienne en collaboration avec Honeywell, l’Université de Montréal et le Conseil national de recherches du Canada. Il joue un rôle clé dans de nombreuses études exoplanétaires parmi les plus fascinantes du télescope. L’instrument permet aux scientifiques canadiens de sonder les atmosphères de mondes lointains et de révéler leur composition, leur température et, désormais, leur échappement dans l’espace.    

«Les données continues et de très haute précision du NIRISS ont rendu cette découverte possible, remarque Louis-Philippe Coulombe, chercheur à l’IREx et deuxième auteur de l’étude. La façon dont ces observations ont été réalisées, une courbe de phase complète, donne accès à de nombreuses propriétés des exoplanètes, au-delà de leur atmosphère en fuite: leur composition, leur climat, leur budget énergétique. C’est une démonstration claire de la portée multidisciplinaire de l’instrument et de sa valeur pour la communauté exoplanétaire mondiale.»  

En échange de la contribution de cet instrument, les astronomes canadiens ont obtenu plusieurs centaines d’heures d’observation garanties avec le James-Webb durant ses premières années d’activité. Cela inclut le programme NEAT de 200 heures, dirigé par David Lafrenière (IREx/UdeM), d'où sont issues ces données remarquables.

 

Les prochaines étapes pour l’exoplanète et au-delà

L’hélium est devenu l’un des traceurs les plus puissants de l’échappement atmosphérique, et la sensibilité unique du télescope spatial permet désormais de le détecter sur des distances et des durées jamais atteintes. Bien que le travail au sol soit essentiel pour comprendre la dynamique de ces flux, une surveillance continue est impossible depuis les observatoires terrestres à cause du cycle jour-nuit et de la météo, qui fragmentent les observations.

De futures observations du JWST seront nécessaires pour déterminer si la structure à double queue mise au jour autour de WASP-121 b est unique ou commune aux exoplanètes chaudes. En étudiant d’autres systèmes similaires, les chercheurs espèrent mieux comprendre comment le rayonnement et les vents stellaires sculptent les atmosphères planétaires à travers la galaxie – et ainsi mieux prédire leur destin.

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Demandes médias

Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx)
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Université de Montréal
Tél. : 514 343-6111, poste : 67960