Les modèles informatiques actuels d’échappement atmosphérique peuvent expliquer des queues simples, en forme de comète, mais ils ne permettent pas encore de reproduire une structure double comme celle observée dans le cas de WASP-121 b. La découverte donne à penser que les forces gravitationnelles et les vents stellaires jouent tous deux un rôle essentiel dans la forme de ces flux, un phénomène nécessitant une nouvelle génération de simulations 3D pour en comprendre la physique.
«C’est véritablement un tournant, poursuit Romain Allart. Nous devons désormais repenser la manière de simuler la perte de masse atmosphérique, la considérer non plus comme un simple flux, mais avec une géométrie 3D qui interagit avec l’étoile. C’est crucial pour comprendre l’évolution des planètes et déterminer si les géantes gazeuses peuvent devenir de simples planètes rocheuses nues.»
Au-delà du spectacle que représentent ces deux queues, la découverte a de profondes implications pour l’évolution planétaire. L’échappement atmosphérique est un processus clé établissant si un monde demeure une géante gazeuse, rétrécit jusqu’à devenir une planète de type Neptune ou se retrouve réduit à un noyau rocheux. Observer ces dynamiques en temps réel autour de WASP-121 b offre un terrain d’essai unique pour comprendre comment les planètes changent sur des milliards d’années. Le résultat pourrait même contribuer à expliquer le «désert des Neptune», soit la rareté des plus petites géantes gazeuses très rapprochées de leur étoile. Elles pourraient être les vestiges de planètes plus grandes dont l’atmosphère a été érodée.
Un leadership canadien en exploration des exoplanètes
Le NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph) est l’un des quatre instruments scientifiques du télescope spatial James-Webb. Il a été conçu et construit par l’Agence spatiale canadienne en collaboration avec Honeywell, l’Université de Montréal et le Conseil national de recherches du Canada. Il joue un rôle clé dans de nombreuses études exoplanétaires parmi les plus fascinantes du télescope. L’instrument permet aux scientifiques canadiens de sonder les atmosphères de mondes lointains et de révéler leur composition, leur température et, désormais, leur échappement dans l’espace.
«Les données continues et de très haute précision du NIRISS ont rendu cette découverte possible, remarque Louis-Philippe Coulombe, chercheur à l’IREx et deuxième auteur de l’étude. La façon dont ces observations ont été réalisées, une courbe de phase complète, donne accès à de nombreuses propriétés des exoplanètes, au-delà de leur atmosphère en fuite: leur composition, leur climat, leur budget énergétique. C’est une démonstration claire de la portée multidisciplinaire de l’instrument et de sa valeur pour la communauté exoplanétaire mondiale.»
En échange de la contribution de cet instrument, les astronomes canadiens ont obtenu plusieurs centaines d’heures d’observation garanties avec le James-Webb durant ses premières années d’activité. Cela inclut le programme NEAT de 200 heures, dirigé par David Lafrenière (IREx/UdeM), d'où sont issues ces données remarquables.
Les prochaines étapes pour l’exoplanète et au-delà
L’hélium est devenu l’un des traceurs les plus puissants de l’échappement atmosphérique, et la sensibilité unique du télescope spatial permet désormais de le détecter sur des distances et des durées jamais atteintes. Bien que le travail au sol soit essentiel pour comprendre la dynamique de ces flux, une surveillance continue est impossible depuis les observatoires terrestres à cause du cycle jour-nuit et de la météo, qui fragmentent les observations.
De futures observations du JWST seront nécessaires pour déterminer si la structure à double queue mise au jour autour de WASP-121 b est unique ou commune aux exoplanètes chaudes. En étudiant d’autres systèmes similaires, les chercheurs espèrent mieux comprendre comment le rayonnement et les vents stellaires sculptent les atmosphères planétaires à travers la galaxie – et ainsi mieux prédire leur destin.