Fouiller dans les entrailles du cinéma d’horreur

En 5 secondes

Pourquoi le cinéma d’épouvante réussit-il si bien à nous faire frissonner? Le professeur et adepte de la frayeur Bernard Perron nous offre quelques pistes de réponse.

«La plus vieille, la plus forte émotion ressentie par l’être humain, c’est la peur.»

Cette citation d’Howard Phillips Lovecraft, maître incontesté de l’horreur et de la science-fiction, Bernard Perron en a fait son cheval de bataille.

Professeur au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal, il s’intéresse à l’horreur dans tous ses états, représentée entre autres au cinéma et dans les jeux vidéos.

À ses yeux, la peur compose la nature même de l’humanité. «La peur est au cœur de la survie et de l’évolution de notre espèce, croit-il. C’est la raison pour laquelle nous avons trouvé refuge dans des cavernes, bâti des maisons, fabriqué des armes pour nous défendre. Le cinéma d’épouvante va chercher ces peurs qui nous habitent, les exploite et les transforme en images pour susciter l’émotion dans un environnement bien encadré où nous ne sommes pas en réel danger.»

Car c’est bien ce caractère intrinsèquement émotif qui distingue le cinéma d’épouvante des autres genres cinématographiques. «Cinéma de peur, d’épouvante ou d’horreur: le nom le dit, l’émotion est à la base même de la définition de ce genre.» Et cette émotion est provoquée en allant chercher tantôt des appréhensions ponctuelles, tantôt des peurs fondamentales.

Entre histoire et essence

Bernard Perron

Pour Bernard Perron, si les films d’horreur parviennent si habilement à nous hérisser le poil, c’est parce que ce genre puise dans les grandes angoisses de notre humanité (la peur de l’autre, de l’inconnu, de l’au-delà, des multiples dangers qui nous guettent), en plus de se coller au contexte sociohistorique.

«L’appellation “cinéma d’horreur” est née dans les années 30, quand Universal Pictures a commencé à présenter ses monstres tels les vampires et les loups-garous. Les gens étaient alors horrifiés, puisque c’était la première fois qu’ils voyaient de telles créatures à l’écran et que cela était vraiment troublant. Dans les années 50, on craignait les extraterrestres et la guerre froide, puis on a vu apparaître le body horror. Aujourd’hui, c’est par exemple un film comme Host (2020), qui met en vedette la plateforme de vidéoconférence Zoom et un fantôme, qui nous fait frémir.»

Le professeur croit d’ailleurs que le contexte pandémique actuel sera favorable à la création d’œuvres effrayantes. Il pressent une apparition de films portant sur «la peur des virus et la méfiance à l’égard des industries pharmaceutiques, mais aussi sur la perte de sociabilité, l’isolement et la démence».

M. Perron ajoute que, pour nous glacer le sang, le cinéma d’horreur fait également appel au «retour du refoulé», une expression inventée par Sigmund Freud pour désigner le retour à la conscience de pensées réprimées. «Dans la vie, nous sommes toujours en train d’enfouir au fond de nous ce qui nous effraie. Prenons l’exemple du zombie, que j’étudie plus spécifiquement. Il nous dérange parce qu’il évoque certes notre finalité à tous, soit la mort, mais aussi la vieillesse, avec le corps qui change, la peau qui se putréfie, la démence qui s’installe.»

Avant tout, une question de rythme

Si le contenu joue pour beaucoup dans l’efficacité d’un film d’épouvante, Bernard Perron est également convaincu que la forme est tout aussi importante. Pour le spécialiste de l’horreur, il ne fait aucun doute: un film de peur réussi est d’abord un film qui a du rythme.

«Les jump scares, soit les moments où le spectateur est brutalement apeuré en raison de la brusque apparition d’un élément x dans l’image – et dans le son, qu’il ne faut pas oublier! –, doivent être aux bons endroits et en quantité suffisante. La tension qui monte graduellement et le cœur qui bat la chamade sont de bons indicateurs.»

À ce chapitre, une récente étude s’est d’ailleurs basée sur le rythme cardiaque des spectateurs pour désigner «scientifiquement» le film d’horreur le plus effrayant de tous les temps. On vous laisse découvrir le grand gagnant; palpitations et frissons garantis…

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