Le mandarin, prochaine langue commune?

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Spécialiste de l’histoire de la Chine, le professeur David Ownby explique pourquoi le mandarin aura de la difficulté à s’étendre malgré l’influence accrue de l’empire du Milieu dans le monde.

Langue officielle de la Chine, de Taiwan, de Singapour et de la Malaisie, le mandarin est parlé par 1,120 milliard de personnes, contre 1,268 milliard de locuteurs anglophones, selon la publication Ethnologue: Languages of the World. Et en dehors de ces pays, d'importantes communautés partagent cette langue qui est enseignée dans de nombreux lycées et universités de par le monde.

«Dans certains pays, on n’est qu’au début de l’expansion du mandarin», affirme David Ownby, professeur au Département d’histoire de l’Université de Montréal depuis 1993 et spécialiste de l’histoire moderne et de l'histoire contemporaine de la Chine.

Originaire d’une municipalité rurale du Tennessee, David Ownby était adolescent lorsqu’à l’école il est appelé à choisir un endroit où il aimerait travailler un jour. «Je me disais que j’aimerais travailler à l’étranger pour le gouvernement américain et j’ai opté pour la Chine, car personne n’avait choisi ce pays!» lance-t-il en rigolant.

Étudiant assidu et très motivé, il se met à l’apprentissage du mandarin. Il s’éprend non seulement de la langue, mais aussi de la culture chinoise.

Apprendre à parler le mandarin

Lorsqu’on s’y met vraiment, apprendre à parler le mandarin n’est, somme toute, «pas trop difficile», selon le professeur Ownby.

«La grammaire est assez directe et pas très compliquée, assure-t-il. Après deux ou trois ans de cours, on parvient à maîtriser la grammaire de base.»

De même, il n’y a ni temps de verbe ni conjugaison en mandarin. «Par exemple, le verbe qui veut dire “être grand” n’est qu’un seul mot, peu importe s’il s’agit d’une action présente ou future, et si l’on parle d’une chose passée on ajoute le terme à la fin du mot. En mandarin, les expressions du genre “si j’avais su j’aurais fait ceci” n’existent pas», illustre David Ownby.

Le casse-tête de la lecture et de l’écriture

Mais s’il considère qu’apprendre à parler le mandarin «n’est pas la mer à boire», apprendre à le lire et à l’écrire s’avère «extrêmement ardu».

De fait, le mandarin est directement issu du chinois archaïque, dont les symboles idéographiques sont vieux d’au moins 4000 ans et qui comporte de 60 000 à 80 000 signes, dont moins de 10 % sont utilisés dans la langue courante.

Même si le tracé de plus de 2000 idéogrammes a été simplifié en 1958 afin de faciliter l’apprentissage de l’écriture aussi bien chez les Chinois que chez les étrangers, «il faut mettre cinq ans avant de pouvoir lire les choses de base et, même après ce temps, lire un journal chinois demeure un défi!» indique le professeur, qui confesse qu’après 45 ans de carrière à parler le mandarin il évalue sa capacité de lecture à celle d’un adolescent de 16 ans!

L’anglais, véritable langue des affaires

Pour ces raisons, David Ownby ne croit pas que le mandarin sera un jour la principale langue des affaires. «Pour les entreprises et les multinationales, faire apprendre cette langue à leur personnel nécessiterait beaucoup de matériel et d’investissement, souligne-t-il. Nombreux sont ceux et celles qui, deux ans après avoir commencé des cours, abandonnent en raison des difficultés à la parler en dehors des échanges liés aux affaires.»

Et encore: l’apprentissage de l’anglais est obligatoire en Chine, au Japon, à Taiwan et en Corée du Sud, entre autres. Ce qui signifie que les gens d’affaires chinois se tournent davantage vers l’anglais, contrairement à leurs partenaires, qui sont peu familiarisés avec le mandarin.

«L’anglais demeure, pour les Chinois, une langue avec des verbes faciles et des structures directes, et il est plus avantageux pour eux d’apprendre la langue de Shakespeare», conclut David Ownby.

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