«Kuei», bonjour! À l’UdeM, on enseigne l’innu
- Revue Les diplômés
Le 29 octobre 2021
- Mathieu-Robert Sauvé
Les cours d’innu, qui font salle comble à l’UdeM, permettent à des gens de divers horizons d’apprendre ou d’approfondir cette langue tout en faisant rayonner la culture innue.
Quand elle était enfant, Gabrielle Paul entendait surtout parler français dans sa communauté de Mashteuiatsh, au bord du lac Saint-Jean. «La langue innue était déjà en perte de vitesse chez les jeunes; ça ne s’est pas amélioré depuis», déplore la jeune femme, qui a choisi d’étudier à l’Université de Montréal parce qu’on y donnait des cours d’innu.
À son arrivée sur le campus en 2018, elle s’est inscrite au cours de premier niveau, offert par la Faculté des arts et des sciences. «J’ai adoré ce cours où l’on a appris énormément de choses sur la grammaire et le vocabulaire, et qui mettait aussi beaucoup l’accent sur la culture innue», explique Gabrielle Paul, aujourd’hui reportrice spécialisée à Espaces autochtones, le site Web de Radio-Canada consacré aux Premières Nations.
Celle qui donne le cours de langue innue depuis sa création, en 2017, c’est Yvette Mollen, une Innue d’Ekuanitshit, sur la Côte-Nord. «J’ai toujours aimé enseigner. C’est une façon de garder ma culture vivante», dit cette diplômée de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et de l’Université de Montréal qui partage son temps entre Montréal et la Minganie.
Après avoir enseigné sa langue maternelle à l’école primaire de sa communauté d’origine, elle a enseigné l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à des locuteurs de la langue innue en tant que chargée de cours à l’UQAC. Puis, elle a été nommée directrice du secteur Langue et culture de l’Institut Tshakapesh, un organisme culturel et pédagogique qui représente sept communautés innues de la Côte-Nord. Depuis, elle participe à l’enrichissement de la grammaire et du vocabulaire en collaborant à la rédaction de dictionnaires, de manuels d’enseignement et de livres jeunesse. «L’innu est une langue vivante qui évolue d’année en année; c’est pourquoi il faut constamment alimenter les outils de référence», indique-t-elle.
Quatre niveaux
Les cours d’innu – il y a maintenant quatre niveaux, de débutant à avancé – ont beaucoup de succès. Les groupes comptent aujourd’hui plus de 35 personnes. On a dû limiter les inscriptions. «Nos étudiants et étudiantes du cours de premier niveau sont des non-locuteurs, mentionne-t-elle. Ils proviennent de tous les horizons: sciences de l’éducation, anthropologie, linguistique, communication…»
En janvier 2021, la Faculté des arts et des sciences a nommé Mme Mollen professeure invitée. Elle a reçu cette nomination comme un honneur. «J’ai l’impression de devenir un modèle pour les étudiants et étudiantes autochtones. Je me souviens de la première fois où je suis venue à l’Université de Montréal, à l’âge de 22 ans, il y avait très peu d’Innus ou d’Autochtones auxquels s’identifier.»
Les choses changent lentement. Il existe désormais le Centre étudiant des Premiers Peuples, qui s’inscrit dans une volonté institutionnelle d’offrir aux Autochtones une meilleure intégration à l’Université de Montréal.
Quant à Gabrielle Paul, elle est devenue l’assistante de cours d’Yvette Mollen. «Ça me permet de pratiquer ma langue tout en rendant service», commente la journaliste.