Vieillissement cellulaire: un paradoxe fondamental élucidé

Les télomères, des capuchons situés à l’extrémité des chromosomes et servant à protéger l’information génétique, s’érodent à chaque division cellulaire. Francis Rodier et son équipe ont démontré que l’arrêt de la division cellulaire causé par le dysfonctionnement du télomère est si instable qu’il finit par créer des anomalies génétiques.

Les télomères, des capuchons situés à l’extrémité des chromosomes et servant à protéger l’information génétique, s’érodent à chaque division cellulaire. Francis Rodier et son équipe ont démontré que l’arrêt de la division cellulaire causé par le dysfonctionnement du télomère est si instable qu’il finit par créer des anomalies génétiques.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Une équipe de recherche du CRCHUM montre que le vieillissement cellulaire, protégeant contre le cancer, dépend d’un mécanisme d’instabilité génomique qui cause la maladie.

Dans une étude publiée dans Nucleic Acids Research, l’équipe de Francis Rodier, chercheur au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) et professeur à l’Université de Montréal, montre pour la première fois que la «sénescence cellulaire», un état atteint lorsque des cellules vieillissantes cessent de se diviser, est provoquée par des dommages irréparables au génome plutôt que par la seule érosion des télomères.

Cette découverte va à l’encontre du modèle scientifique en vogue depuis 15 ans. Celui-ci repose sur un principe: les télomères, des capuchons situés à l’extrémité des chromosomes et servant à protéger l’information génétique, s’érodent à chaque division cellulaire. Dès qu’ils deviennent trop courts, ils signalent à la cellule qu’elle doit arrêter de se diviser et empêchent ainsi la dégradation de son ADN. Mise au repos, la cellule entre alors en sénescence.

Pour que ce modèle soit valide, l’inactivation d’un seul télomère devait être suffisante pour déclencher le programme de sénescence. En réalité, le laboratoire de Francis Rodier et bien d’autres scientifiques avaient déjà remarqué que plusieurs télomères dysfonctionnels étaient nécessaires à l’amorce de la sénescence.

«Le plus surprenant, c’est qu’avant d’entrer vraiment en sénescence les cellules se divisent une dernière fois. En fait, l’arrêt de la division cellulaire causé par le dysfonctionnement du télomère est si instable qu’il finit par créer des anomalies génétiques. Les cellules sénescentes ont, contrairement à ce qu’on pensait, un génome anormal. C’est ce que nous montrons aussi dans notre étude», dit le chercheur.

Instantanés de la vie d’une cellule

Francis Rodier

Pour arriver à de tels résultats, l’équipe de recherche de Francis Rodier a pu compter sur un équipement d’imagerie de pointe financé par l’Institut du cancer de Montréal.

«Génétiquement, nous avons pu reproduire en laboratoire le phénomène de vieillissement cellulaire et faire en sorte que tous les télomères d’une population de cellules deviennent dysfonctionnels. Grâce à notre équipement, nous avons ensuite observé en temps réel ce qui se passait à l’intérieur de chaque cellule», explique le doctorant Marc-Alexandre Olivier, copremier auteur de l’étude avec son ex-collègue Sabrina Ghadaouia, actuellement au postdoctorat en Angleterre.

Le ballet de deux cellules vieillissantes entourées de micronoyaux et retenues par un pont chromosomique qui les unit dans la sénescence.

Crédit : CRCHUM, 2021

Avec le temps, les cellules sénescentes s’accumulent dans le corps et sont responsables de l’apparition de maladies comme le cancer. Cette étude ouvre donc de nouvelles perspectives de recherche.

Par exemple, pourrions-nous réparer les télomères avant la phase de sénescence et ainsi prévenir le vieillissement cellulaire et l’instabilité génomique? Le milieu scientifique débat depuis quelques années de ce potentiel rajeunissement cellulaire. Néanmoins, ces approches thérapeutiques émergentes restent encore à raffiner.

À propos de l’étude

L’article «Homologous recombination-mediated irreversible genome damage underlies telomere-induced senescence», par Sabrina Ghadaouia, Marc-Alexandre Olivier et leurs collègues, a été publié le 2 novembre 2021 dans Nucleic Acids Research. Le financement de l’étude a été assuré par l’Institut du cancer de Montréal, l’Université de Montréal et les Instituts de recherche en santé du Canada.

À propos du Centre de recherche du CHUM

Le Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) est l’un des principaux centres de recherche hospitaliers d’Amérique du Nord. Sa mission est d’améliorer la santé des adultes grâce à un continuum de recherche couvrant des disciplines telles que la science fondamentale, la recherche clinique et la santé des populations. Plus de 2150 personnes travaillent au CRCHUM, dont quelque 500 chercheuses et chercheurs et près de 650 étudiantes et étudiants et stagiaires postdoctorales et postdoctoraux. crchum.com

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