Le gène SYNGAP1 est lié à des altérations sensorielles
- Salle de presse
Le 18 novembre 2021
- UdeMNouvelles
Le gène SYNGAP1, déjà connu pour son rôle dans la déficience intellectuelle et l’épilepsie, livre de nouveaux secrets sur son rôle dans certaines altérations sensorielles.
Une nouvelle étude dirigée par des scientifiques du CHU Sainte-Justine et de l’Université de Montréal et dont les résultats sont publiés dans la revue Brain montre que le gène SYNGAP1, récemment reconnu pour son rôle dans la déficience intellectuelle et l’épilepsie, aurait également une incidence sur le système sensoriel des patients atteints d’une mutation génétique liée à ce gène («patients SYNGAP1»).
«Nos résultats révèlent que les mutations pathogènes du gène SYNGAP1 sont associées à des troubles du traitement sensoriel – soit une mauvaise interprétation de l’information perçue par les sens – chez des modèles à la fois précliniques et cliniques. Cette découverte nous a permis de mettre au jour des biomarqueurs robustes, reproductibles et traduisibles chez l’humain ayant le potentiel de nous guider vers la mise au point de nouvelles thérapies au bénéfice des patients», explique Maria Isabel Carreño-Muñoz, postdoctorante au Département de neurosciences de l’Université de Montréal et première auteure de l’étude.
La déficience intellectuelle touche de un à trois pour cent de la population mondiale, ce qui en fait le trouble cognitif le plus commun de l’enfance. Parmi les nombreux gènes en cause dans la déficience intellectuelle, SYNGAP1 compte parmi les gènes fréquemment cités et se distingue en outre par le large éventail de comorbidités associées à sa mutation, y compris les dérèglements de la perception sensorielle. Ces atteintes nuisent de manière considérable à l'adaptation sociale et aux préférences comportementales, et limitent la qualité de vie des patients.
Une mutation en cause
Chaque cellule saine contient un certain nombre de paires de chromosomes, soit deux copies, chacune héritée d’un parent. À titre d’exemple, l’être humain en possède 23 paires. Les chromosomes sont constitués d’ADN qui porte les gènes. Conséquemment, les gènes sont également dupliqués dans nos cellules et ces deux copies sont appelées «allèles».
Concrètement, le gène SYNGAP1 provoque la déficience intellectuelle par un mécanisme dit d’«haplo-insuffisance», où l’un des deux allèles est absent. Il se produit alors une cascade d’effets adverses additionnels à l’origine de troubles neurodéveloppementaux. «On compte parmi cette gamme d’atteintes la déficience intellectuelle, l'épilepsie, des traits autistiques et d'autres altérations comportementales, notamment des problèmes de langage, des comportements stéréotypés, de l’impulsivité, de l’inattention ou des comportements agressifs», détaille Graziella Di Cristo, chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure titulaire à l’UdeM.
Une similitude entre la souris et l’humain
«Chaque individu possède sa propre capacité d'“habituation”. Prenons un stimulus sensoriel, comme un bruit, qui peut nous paraître intense au départ; graduellement, le cerveau enclenche un processus qui nous permet de ne plus faire de cas de ce stimulus après un certain temps. Cependant, nous avons constaté que, chez les individus SYNGAP1, il n’y a pas d’accoutumance», précise Maria Isabel Carreño-Muñoz.
En analysant par des enregistrements électroencéphalographiques la réponse du cerveau à des stimulations visuelles et auditives chez la souris, l’équipe de recherche a pu repérer des altérations spécifiques dans de multiples aspects du traitement sensoriel, notamment un déficit d’habituation aux stimulus auditifs et une plus petite réponse neuronale aux stimulus visuels.
«Nous avons utilisé deux processus: la méthode traditionnelle, qui consiste à étudier la réponse sensorielle évoquée en observant le niveau global d’activité électrique cérébrale produite en fonction des stimulus, mais les résultats chez la souris et l’humain étaient peu homogènes, mentionne Maria Isabel Carreño-Muñoz. En parallèle, nous avons déployé une technique dite de “couplage neuronal” qui mesure la synchronisation des ondes lentes et rapides durant ces mêmes périodes de stimulation. Chaque onde est caractéristique d’un comportement ou d’un état cérébral et indique que différentes populations neuronales sont à l’œuvre en même temps. Or, nos analyses ont montré que, dans le cortex des individus SYNGAP1, le travail des différentes populations neuronales est anormal et hypersynchronisé.»
Selon Sarah Lippé, clinicienne-chercheuse en neuropsychologie et professeure titulaire à l’UdeM, «cette deuxième technique nous a fourni des résultats beaucoup plus homogènes. Nos analyses réalisées sur une cohorte de patients SYNGAP1 au CHU Sainte-Justine nous ont permis de constater que la plupart de ces altérations sont également présentes chez les enfants et adolescents, ce qui en fait de bonnes candidates en tant que biomarqueurs chez l’humain».
Une guérison à la fois
Le CHU Sainte-Justine a été le premier à désigner le gène SYNGAP1 pour son rôle dans le désordre du neurodéveloppement. À ce jour, plus de 800 patients SYNGAP1 ont été répertoriés dans le monde grâce au séquençage génétique et ce nombre ne cesse de croître en raison de la multiplication des tests génétiques.
«Savoir que la perception sensorielle est modifiée dans l'haplo-insuffisance du gène SYNGAP1 ouvre la voie à de nouvelles avenues thérapeutiques ciblant ces anomalies. D’ailleurs, nous avançons l’hypothèse que les crises épileptiques observées chez les patients SYNGAP1 seraient influencées par la défaillance du système sensoriel, mais nous devons poursuivre nos recherches pour établir un lien exact», conclut Graziella Di Cristo.
À propos de l’étude
L’article «Sensory processing dysregulations as reliable translational biomarkers in SYNGAP1 haploinsufficiency» a été publié en novembre 2021 dans la revue Brain. La première auteure est la postdoctorante Maria Isabel Carreño-Muñoz sous la direction de Graziella Di Cristo. Les auteures principales sont Graziella Di Cristo, chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure titulaire au Département de neurosciences de l’Université de Montréal, et Sarah Lippé, clinicienne-chercheuse en neuropsychologie et professeure titulaire au Département de psychologie de l’UdeM.
L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, une subvention ERA-Net NEURON, le Fonds de recherche du Québec – Santé, la Fondation Overcôme SynGAP1, la Fondation des étoiles et la Chaire de recherche en déficience intellectuelle Jonathan Bouchard.
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