L’insécurité alimentaire chez les Premières Nations: la quête d’une solution

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Malek Batal présente l’étude qu’il a codirigée et qui met en lumière l’insécurité alimentaire dans les communautés des Premières Nations du Canada et la malnutrition qui y est associée.

Après 10 ans de travaux, Malek Batal, chercheur de l’Université de Montréal, présente l'Étude sur l'alimentation, la nutrition et l'environnement chez les Premières Nations (EANEPN), qu’il a codirigée et qui met en lumière le fait que de nombreuses Premières Nations sont aux prises avec un taux d’insécurité alimentaire de trois à cinq fois supérieur à celui de l’ensemble de la population canadienne. Ce problème touche notamment les familles avec enfants.

Si les causes sont nombreuses – dégradation de l’environnement, inégalités socioéconomiques, obstacles systémiques et de règlementation, etc. –, il n’en demeure pas moins, selon l’étude, que les aliments sains et traditionnels se font rares dans les communautés des Premières Nations du Canada.

Les conclusions de l’étude et les recommandations pour les décideurs ont été publiées le 21 octobre.

Nous avons demandé à Malek Batal, professeur au Département de nutrition de la Faculté de médecine de l’UdeM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé, de nous parler de la situation et de son rôle dans la recherche de solutions.

Comme chercheur principal de l'EANEPN, vous avez travaillé avec des collègues de l’Université d’Ottawa et de l’Assemblée des Premières Nations. Pourquoi a-t-il fallu 10 ans pour la mener à terme?

Je me suis joint à l’équipe en 2010, mais l’étude, menée par Olivier Receveur et d’autres collègues de l’UdeM, a commencé en 2008. Nous avons consulté beaucoup de monde: en tout, près de 6500 personnes issues de 92 Premières Nations au pays. Et le constat qui s’est dégagé était incroyablement complexe, mais aussi étonnamment simple: tous pensent que les aliments traditionnels sont meilleurs que ceux achetés en magasin, mais qu’il est extrêmement difficile d’y avoir accès. C’est l’une des raisons pour lesquelles la nutrition est un enjeu majeur dans les réserves et la solution à ce problème est loin d’être facile à trouver.

Qu’est-ce que vous et les coauteurs de l’EANEPN recommandez pour remédier à la situation?

Tout cela est détaillé dans les neuf pages de conclusions et de recommandations que nous venons de publier ainsi que dans un nouveau résumé de 20 pages que nous avons préparé pour huit régions de l’Assemblée des Premières Nations. En bref, nous soutenons que la nourriture traditionnelle est, dans l’ensemble, très sûre quant à sa consommation et de loin plus saine. Cependant, de nombreux obstacles limitent l’accès à l’alimentation de prédilection des Premières Nations, notamment les règlementations gouvernementales, les industries et, surtout, la menace croissante du changement climatique. Nous soulignons également le manque de souveraineté sur les ressources alimentaires et les services de santé en général.

Quel a été votre rôle dans la rédaction de l’EANEPN et qu’avez-vous appris au cours de ce processus?

Nous sommes trois chercheurs principaux: Laurie Chan, de l’Université d’Ottawa, Tonio Sadik, de l’Assemblée des Premières Nations [APN], et moi-même. J’étais responsable des aspects liés à la nutrition, à l’environnement alimentaire et à la sécurité alimentaire. Laurie supervisait les aspects relatifs à l’environnement – comme les analyses pour détecter des contaminants dans les aliments, des produits pharmaceutiques et des métaux dans l’eau, et la présence de mercure dans l’organisme – tandis que Tonio et l’équipe de l’APN veillaient à ce que les relations avec les Premières Nations soient respectueuses et suivies.

Nous pensons que notre étude a fait figure de pionnière en utilisant les principes de propriété, contrôle, accès et possession des Premières Nations et en privilégiant une approche participative. Nous avons appris que, pour réussir un projet de recherche, il est essentiel que la communauté s’y engage pleinement et qu’elle choisisse des représentants qui seront des partenaires à part entière de l’équipe de recherche. Il ne s’agit plus d’une relation entre nous, les chercheurs, et eux, les membres de la communauté, mais de chercheurs universitaires et communautaires travaillant ensemble.

Y aura-t-il un suivi?

Oui, nos principaux partenaires participent à un autre projet de recherche pluriannuel intitulé Étude sur l’alimentation, l’environnement, la nutrition et la santé des enfants et des jeunes des Premières Nations. Comme l’EANEPN, elle est financée par le gouvernement fédéral, mais, dans ce cas-ci, également par la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Services aux Autochtones Canada. On prévoit que l’étude durera 10 ans. Nous y avons inclus un volet sur la biosurveillance, en partenariat avec des collègues de l’Université Laval, ainsi qu’un autre sur le logement avec des collègues de l’Université d’Ottawa et de l’Université McGill. L’équipe est beaucoup plus nombreuse cette fois-ci et celle de l’UdeM s’est également agrandie, puisque ma collègue Geneviève Mercille s’est jointe à nous pour étudier plus en profondeur l’environnement alimentaire dans les réserves.

Nous examinerons les relations entre l’environnement alimentaire, le régime alimentaire et leurs effets sur la santé des enfants et des jeunes. Puisque l’EANEPN nous a appris que l’insécurité alimentaire était plus grande dans les ménages avec enfants, nous allons étudier plus en détail l’incidence de la sécurité alimentaire au sein des ménages et la manière dont nous pouvons garantir aux enfants et à leurs parents un droit fondamental, à savoir l’accès à une alimentation suffisante et de bonne qualité. Nous comprenons que ce travail est une grande responsabilité, car il s’agit d’un sujet à la fois très délicat et important dans le cadre de l’élaboration des politiques. Par exemple, à la suite de la publication de l’EANEPN, notre équipe a été invitée à témoigner devant des comités parlementaires sur des questions de sécurité alimentaire et je crois que nos partenaires des Premières Nations comptent également sur ce travail pour améliorer les conditions alimentaires et sanitaires à l’intérieur et à l’extérieur des réserves.

À propos de cette étude

Le document Étude sur l’alimentation, la nutrition et l’environnement chez les Premières Nations: conclusions principales et recommandations pour les décideurs, écrit par Malek Batel et ses collègues, a été publié le 21 octobre 2021 par l’Assemblée des Premières Nations, l’Université d’Ottawa et l’Université de Montréal.

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