Faire place à la justice environnementale en travail social

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Une professeure en travail social de l’UdeM cherche à sensibiliser les travailleurs de la santé et des services sociaux à l’importance d’adapter leur pratique à la crise climatique.

Accroissement de l’insécurité alimentaire, augmentation des déplacements attribuables aux catastrophes naturelles, variations imprévisibles des températures et de la pluviométrie causant sécheresses et famines: les changements climatiques ont des conséquences incontestables sur les sociétés et les individus qui les composent.

Et ces effets sociaux ont tendance à toucher davantage les populations déjà vulnérables et défavorisées, tendant à aggraver la précarité de leur situation. Cette exacerbation des inégalités sociales devrait interpeller les professionnels de la santé, mais surtout les travailleurs sociaux, croit Sue-Ann MacDonald, chercheuse et professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal.

«Les répercussions sociales, sanitaires, économiques et politiques des changements climatiques sont multiples et dévastatrices, affirme Mme MacDonald. L’intégration de l’environnement naturel aux pratiques en travail social s’avère essentielle, puisqu’une des missions premières du travail social est d’agir sur l’inégalité des conditions de vie.»

Voilà qui résume sensiblement le concept de la justice environnementale, soit le droit des populations actuelles et futures de vivre dans un environnement sain et sécuritaire. Aux yeux de Sue-Ann MacDonald, cette idée devrait être ancrée dans la pratique des travailleurs sociaux et travailleuses sociales et être mise de l’avant dès leur formation.

«Actuellement, au Québec, il existe très peu de cours visant à explorer spécifiquement les liens entre l’environnement et les inégalités sociales dans le cursus en travail social, indique-t-elle. Pourtant, les professionnels et professionnelles du travail social font régulièrement face à des populations marginalisées et vulnérables, et ce sont précisément ces individus qui sont plus lourdement affectés par la crise climatique, en plus d’avoir moins de ressources pour l’affronter.»

Sue-Ann MacDonald le constate d’ailleurs dans ses projets de recherche portant sur le phénomène de l’itinérance. «Cette population est plus exposée aux évènements liés aux changements climatiques. Par exemple, après les tornades survenues à Gatineau, une partie du parc locatif a été démolie, mettant plusieurs personnes à la rue.»

Une perspective émergente au Québec

Sue-Ann MacDonald

Crédit : Amélie Philibert

Le concept de travail social dit «environnemental», «écologique», «écosocial» ou «vert» existe actuellement peu dans le monde francophone. Cette considération est plutôt portée par des pays anglophones comme l’Australie ou la Grande-Bretagne.

«C’est un champ de connaissances à bâtir, estime la chercheuse. Et ce virage vert inclut le désir non seulement d’améliorer la qualité de vie des collectivités en lien avec leur environnement direct, mais également de protéger les territoires pour assurer le bien-être des générations à venir, dans une optique de développement durable.»

Pour ce faire, elle mentionne l’importance d’agir en tenant compte des luttes sociales existantes, d’intégrer une lecture qui comprend la discrimination et le racisme environnemental, de remettre en question certains systèmes d’oppression, de pousser plus loin le travail collectif et intersectoriel, et de s’inspirer d’approches variées, plus particulièrement des perspectives autochtones.

«Nous avons une vision très occidentale des concepts environnementaux et du développement économique, pense Sue-Ann MacDonald. Nous parlons souvent de droits, alors que les discours autochtones parlent plutôt d’obligations envers le territoire, les eaux, et ce, pour les générations à venir. En se nourrissant de ces perspectives axées sur le développement durable, on peut espérer vivre dans un monde plus juste et pérenne.»

En savoir plus sur la notion de justice environnementale

En 2019, Sue-Ann MacDonald et son étudiante de maîtrise Jeanne Dagenais-Lespérance ont fait paraître un article sur le sujet dans la revue Intervention, la revue professionnelle et scientifique de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ).

Cette année, l’OTSTCFQ, en collaboration avec l’École de travail social de l’Université de Montréal, offre la formation Justice climatique: de l’éveil à l’action pour réfléchir à la question climatique dans un cadre social.