Le petit lapin blanc

Ce matin, le petit lapin blanc qui habite sous notre cabanon s'est fait un grand festin. Par la fenêtre de ma chambre, je l’ai entrevu sautillant dans la neige un peu folle, à la recherche d’un bon repas pour Noël. Comme il sait profiter de la vie, ce petit coquin à poil! Le voilà sur ses pattes arrière à dévorer le bout de la branche d'un cerisier enguirlandé de lumières rouges centrées. Puis, il s’avance tout doucement vers ma fenêtre située juste au-dessus du jardin. Il vient de repérer quelques feuilles de romarin à peine gelées et surplombant le mince tapis de neige tombé pendant le réveillon. Comme j’aimerais pouvoir lui ouvrir la porte et lui donner une belle carotte toute fraîche pour son dessert, mais je sais qu’il aura peur si j’essaie de l’approcher. Il se dirige désormais vers les framboisiers oubliés au rebord de la clôture de bois. Quoi de mieux qu’un bon sorbet pour terminer ce copieux repas! 

Mes parents sont encore endormis. J’essaie de me distraire en silence. Hier soir, j’ai entendu du bruit sur le toit de la maison. C’était peu de temps après le réveillon. Mon père était sorti pour pelleter la neige et puis il y a eu des bruits de grelots. J’ai regardé par la fenêtre, mais je n’ai pas vu le père Noël sur son traîneau. Peut-être a-t-il préféré attendre que papa soit rentré dans la maison ou bien que je sois déjà endormi. Peut-être est-il reparti sans me laisser de cadeaux. À la garderie, mon ami Alberto m’a dit que les lutins ne sont pas capables de fabriquer des petits frères. Ce n’était peut-être pas une bonne idée finalement d’envoyer ce choix de cadeau au père Noël.  

Je m’ennuie. Mon grand frère est parti l’été dernier, peu de temps avant le déménagement du petit lapin blanc sous notre cabanon. Il s’est aventuré sur les roches glissantes en bordure de la rivière et il est tombé dans ses eaux tumultueuses. Avec ses cheveux bruns tout bouclés et ses yeux couleur noisette, il était vraiment beau, mon grand frère. Il me manque. Il ne reviendra pas. C’est un ami de papa qui est venu nous apprendre la nouvelle. Il a beaucoup pleuré, lui aussi, dans son uniforme bleu foncé. 

Pour le réveillon, papa voulait poser un collet et attraper le petit lapin blanc qui gambade depuis quelques mois dans notre cour arrière. Il pensait que ce serait une bonne idée de le mettre dans son cipâte traditionnel. Maman n’a pas voulu. Tout comme moi, elle aime beaucoup ce petit lapin très coquin qui préfère le trèfle et les branches de cèdre aux bonnes tomates de son jardin. Elle dit parfois que c’est peut-être mon grand frère venu nous tenir compagnie. J’aimerais bien pouvoir l’apprivoiser, avec de belles carottes toutes juteuses, mais maman ne veut pas. Elle préfère que nous le laissions tranquille.  

C’est curieux, j’entends du bruit dans le salon alors que maman et papa ne sont pas encore levés! J’ouvre tout doucement la porte de ma chambre et me dirige vers le sapin tout illuminé de petites lumières bleues. J’aperçois plein de cadeaux, de toutes les formes et couleurs, avec des rubans rouges ou dorés. Je m’approche sur la pointe des pieds. Il semble que le père Noël soit passé pendant la nuit. Son verre de lait est vide et il y a des graines de biscuits sur le canapé. Peut-être a-t-il pris une petite pause pour se réchauffer. Oh! Voilà que j’entends des cliquetis qui émanent du plus gros des cadeaux. Ce n’est certainement pas mon petit frère! Le père Noël ne l’aurait pas emballé dans une boîte avec du papier collant! Sur le cadeau, il y a une petite étiquette dorée. Mon nom y est inscrit et il y a un message, probablement écrit par le père Noël ou par ses lutins: «Voici Cappuccino!» Je m’aventure à déchirer le papier rouge avec des bonshommes de neige sur le dessus. Quelle surprise! J’aperçois un petit lapin blanc semblable à celui qui habite sous notre cabanon, mais avec toutes sortes de taches brunes sur son pelage. Comme il est beau, ce petit lapin dans sa cage argentée! Bon, eh bien, Alberto avait raison, ce n’est pas un petit frère, mais il semble que le père Noël ait tout de même trouvé un moyen de m’apporter un nouvel ami. Et comme il arrive directement du pôle Nord, mes parents devront acheter de belles carottes juteuses, juste pour lui!