Utiliser le pouvoir des plantes pour filtrer les eaux usées

Chloé Frédette mesurant l’évapotranspiration des saules pour paramétrer le modèle de marais à effluent nul.

Chloé Frédette mesurant l’évapotranspiration des saules pour paramétrer le modèle de marais à effluent nul.

En 5 secondes

Le chercheur et professeur de sciences biologiques Jacques Brisson a récemment publié deux nouvelles études mettant en vedette la phytotechnologie.

Jacques Brisson

Crédit : Magalie Brochu

Ornementales, médicinales, alimentaires, textiles: les plantes ont autant de vertus qu’elles ont de formes. Jacques Brisson, professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, en sait quelque chose.

Chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale, il est spécialisé en phytotechnologie, soit l’utilisation de plantes destinées à résoudre des problèmes environnementaux causés par l’activité humaine. Titulaire de la Chaire de recherche industrielle CRSNG / Hydro-Québec en phytotechnologie, M. Brisson s’intéresse particulièrement à la capacité naturelle des plantes de traiter les eaux contaminées.

Récemment, son laboratoire a publié deux études distinctes sur ces technologies durables et économiques. Tour d’horizon.

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Chloé Frédette

Chloé Frédette, étudiante de doctorat de Jacques Brisson aujourd’hui diplômée, vient de faire paraître des résultats importants dans la revue Water Research. Ensemble, les deux chercheurs ont mis au point un modèle pour maximiser le potentiel d’évapotranspiration des plantes.

«Le projet de Chloé Frédette portait sur le design original d’un marais à effluent nul pour le traitement des eaux industrielles polluées, indique M. Brisson. Le principe est de complètement éliminer l’eau contaminée par évapotranspiration de sorte qu’il n’y ait aucun rejet à la sortie.»

Le chercheur précise qu’un marais à effluent nul est une enceinte imperméable artificielle remplie de sable grossier où ont été plantés des végétaux. «L’eau polluée est acheminée vers le sable, les plantes absorbent cette eau, puis la rejettent dans l’atmosphère sous forme de vapeur de façon à immobiliser les contaminants résiduels dans le sol, sans risque de propagation dans l’environnement. Les plantes et les bactéries associées à leurs racines peuvent aussi dégrader certains contaminants et les rendre moins toxiques.»

Le concept de marais filtrant existe depuis longtemps et est répandu, principalement en Europe. Le côté novateur du projet de Chloé Frédette et Jacques Brisson réside dans la création d’un modèle adaptatif de marais pour optimiser le traitement de l’eau de lixiviats – un mélange d’eau de pluie et de contaminants enfouis.  

«La grande question était la suivante: comment concevoir un marais à effluent nul quand la quantité d’eau dirigée vers celui-ci est imprévisible car variable en fonction des précipitations? Au final, la solution se trouve dans la forme du marais, le choix des végétaux et l’installation d’un bassin de stockage temporaire pour l’eau.»

Élaboré dans un contexte météorologique montréalais, ce modèle pourrait toutefois être utilisé sous toutes les latitudes en choisissant, bien sûr, des plantes dotées d’une importante capacité d’évapotranspiration propres à ces climats. «Le potentiel d’application de cette approche verte est énorme, d’autant plus qu’elle est peu coûteuse par rapport aux usines d’épuration traditionnelles», s’enthousiasme Jacques Brisson.

Le biochar pour éliminer les pesticides

Expérience en mésocosmes pour l’enlèvement des pesticides en marais filtrants

La seconde étude de Jacques Brisson et son équipe concerne l’efficacité des marais filtrants pour l’épuration d’eau de ruissellement agricole. Publiés dans Ecological Engineering, ces travaux expérimentaux ont démontré que l’ajout de biochar aux végétaux des marais est très efficace pour traiter les eaux polluées au chlorantraniliprole (CAP), un insecticide commun.

Le terme biochar désigne une matière organique carbonisée – un genre de charbon – souvent utilisée pour améliorer la fertilité des sols. «Notre recherche, qui s’est échelonnée sur trois ans, a montré que l’ajout de biochar au sol d’un marais filtrant permettait d’éliminer plus de 90 % du CAP présent dans une eau de ruissellement agricole», précise M. Brisson. Le constat est similaire pour le glyphosate, un herbicide très répandu, commercialisé sous le nom de Roundup.

Un pas de plus vers des techniques d’épuration d’eau plus vertes et un contrôle accru des dommages écologiques causés par l’activité humaine.

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