Laurence Deschamps-Laporte: une voix féministe qui rallie celles du monde entier

Laurence Deschamps-Laporte

Laurence Deschamps-Laporte

En 5 secondes

Entretien avec Laurence Deschamps-Laporte, une professeure et chercheuse de l’UdeM spécialiste du féminisme dans les relations internationales, des politiques étrangères et du Moyen-Orient.

Laurence Deschamps-Laporte l’admet. La ville où elle a grandi, Repentigny, n’était pas la plus multiculturelle du Québec. Mais c’est peut-être ce manque de diversité qui a alimenté son désir d’immersion dans des milieux diamétralement opposés à sa réalité. Et qui lui a permis de devenir la femme internationaliste qu’elle est aujourd’hui.

«J’ai toujours recherché le choc culturel», confie la professeure invitée du Département de science politique de l’Université de Montréal et chercheuse invitée du Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM.

C’est cette insatiable curiosité qui l’a menée à étudier l’arabe et le persan, à partir pour l’Égypte dans le cadre de son doctorat à l’Université d’Oxford, à s’intéresser aux mouvements islamistes et salafistes au Moyen-Orient et à se pencher sur le féminisme dans les relations internationales.

La feuille de route de Mme Deschamps-Laporte est impressionnante: consultante chez McKinsey & Company – un cabinet international de conseil en stratégie –, conseillère de trois ministres des Affaires étrangères canadiens et, plus récemment, chef de cabinet du ministre des Affaires étrangères du Canada. En plus de ses fonctions à l’Université, elle coanime Sans escale, un balado sur les affaires internationales.

Reconnue pour son leadership, son expertise et ses travaux marqués par la multidisciplinarité, Laurence Deschamps-Laporte parle de son parcours.

Comment le féminisme, la politique étrangère et les relations internationales sont-ils arrivés dans votre vie professionnelle?

J’ai commencé par m’intéresser à une région en particulier, le Moyen-Orient. J’ai toujours voulu travailler dans des milieux dynamiques, bouillonnants et différents du mien. Avec le Moyen-Orient, je voulais comprendre les printemps arabes sous toutes leurs facettes, notamment l’influence des mouvements islamistes.

Ce faisant, j’ai rencontré beaucoup de femmes engagées dans ces mouvements. C’est alors que j’ai voulu mieux connaître leur engagement, mais aussi mieux saisir leur réalité qui, jusqu’alors, n’était pas mise de l’avant.

Cette soif de comprendre la mobilisation des femmes et ses effets sur les politiques publiques a aussi beaucoup influencé mon travail en politique étrangère. J’étais alors captivée par l’idée qu’il était possible de réformer des systèmes internationaux par une vision féministe.

Qu’apporte une perspective féministe dans les relations internationales et la résolution de conflits?

Une perspective féministe invite à repenser les relations de pouvoir, à se demander qui n’est pas à la table des discussions et pourquoi. Et, souvent, les parties qui sont absentes sont au cœur des conflits, elles y survivent.

Une lecture féministe des relations internationales vient interroger les systèmes en place et tente de déconstruire les situations de marginalisation, d’oppression et de violence, qui portent préjudice à tous, femmes comme hommes.

Les femmes ne sont pas plus pacifistes par nature. Il existe des femmes combattantes, mais nous passons sous silence cette réalité. Tout ce que nous savons, c’est qu’elles sont écartées de toutes les instances de décision, de médiation et de résolution de conflits. La perspective féministe permet aussi de prendre en considération cette portion de la population, de l’aider à réintégrer la société.

Vous donnez à l’UdeM le cours «Perspectives féministes en relations internationales». Quelle est votre ligne directrice?

Offert aux étudiants et étudiantes de deuxième cycle, ce séminaire me tient particulièrement à cœur. J’y utilise le féminisme et les analyses basées sur le genre pour porter un regard nouveau sur le système international.

On remet alors en question les organisations internationales – comme le G7, l’OTAN ou l’ONU – et on les décortique pour désigner les acteurs présents à la table, les parties absentes, les sujets discutés et écartés. On regarde aussi les autres modèles existants, comme ceux qui intègrent la société civile, ou encore les avancées en matière de droits des femmes, comme la Politique d’aide internationale féministe du Canada, qui promeut l’égalité des genres.

Diriez-vous que vous jouez un rôle de mentore auprès de vos étudiantes et étudiants?

Oui, c’est un rôle important pour moi. L’année dernière, j’ai d’ailleurs mis sur pied un programme de mentorat pour faciliter la préparation et l’intégration des étudiantes et étudiants des 2e et 3e cycles au milieu professionnel.

Je crois fermement que, comme chercheurs et professeurs, c’est aussi notre devoir de faire le pont entre la recherche et le monde des politiques publiques, mais aussi de préparer la relève à exercer l’influence qu’elle souhaite avoir dans la société.

Quand j’ai commencé à travailler à Ottawa, je connaissais peu de gens sur la colline du Parlement. En politique, c’est très utile de savoir qui sont les députés, les ministres, de connaître les circonscriptions. Je fais donc tout mon possible pour bien outiller et aiguiller mes étudiantes et étudiants afin qu’ils parviennent à gagner leur vie dans les domaines qui les intéressent vraiment.

Qu’est-ce qui vous rend fière dans votre travail en ce moment?

C’est justement le succès de mes étudiantes et étudiants. Rien ne me rend plus fière que de les voir se découvrir de nouvelles passions, entrer dans les programmes de doctorat qu’ils visaient, obtenir LA job où ils auront l’impression d’avoir une influence positive.

J’ai vraiment espoir en la relève, c’est la chose qui me rend optimiste dans la vie.