Pourquoi sommes-nous parfois si stupides?

Serge Larivée

Serge Larivée

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Dans un nouvel ouvrage, le professeur de l’UdeM Serge Larivée décortique sous toutes ses coutures le concept de la stupidité.

Crétin, débile, imbécile, sot, abruti, bête, con, innocent, nigaud, niaiseux: l’étendue du lexique de la stupidité est inversement proportionnelle au quotient intellectuel (QI) de ceux qu’il décrit.

Malgré cette abondance de termes (peu flatteurs), force est de constater qu’aucune mesure scientifique ne permet de réellement cerner la teneur et l’ampleur de la stupidité. Pourtant, à l’inverse, le fameux QI estime de manière assez fidèle les capacités cognitives d’un individu. Alors, qu’est-ce que la stupidité? Comment naît-elle? Pouvons-nous la stopper?

Ce sont les questions auxquelles a tenté de répondre Serge Larivée, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, dans son livre intitulé Bienvenue dans l’univers de la stupidité.

Chercheur s’intéressant à l’intelligence humaine, sa nature et son développement, Serge Larivée propose un ouvrage qui examine sous plusieurs angles le concept de la stupidité.

Comme il n’existe pas de protocole pour la quantifier, il conclut qu’il faut s’en remettre aux comportements des individus pour l’évaluer.

Dans un style oscillant entre le factuel, le sarcasme et l’autodérision, M. Larivée passe tout au crible: l’imbécilité au quotidien, l’agnatologie – l’étude des pratiques culturelles de l’ignorance –, la télévision, les médias sociaux, les publicités, les prix Darwin et même un certain Donald Trump – le «champion de l’ère moderne de la bêtise humaine», dixit l’auteur.

Comment devient-on stupide?

Au fil des chapitres, Serge Larivée recense les facteurs susceptibles de favoriser l’émergence de comportements stupides ou de décisions insensées. Pour le chercheur, les plus grandes causes de ces actes irréfléchis sont les biais cognitifs, soit des façons rapides de porter des jugements qui sont moins laborieuses qu’un véritable raisonnement analytique.

«Notre cerveau est pollué par une quantité incroyable de biais qui mènent à des gestes et des décisions stupides, avance-t-il. Un exemple typique de biais est celui de confirmation, où l’individu ne prend en considération que les informations qui confirment ses croyances et le confortent dans ses idéaux.»

Pour Serge Larivée, ce type de biais cognitif, comme tous les autres, a des conséquences néfastes sur le quotidien des individus, mais aussi dans la clinique et la recherche lorsque vient le temps de poser un diagnostic ou une hypothèse.

Tout n’est pas perdu

Si l’ouvrage de Serge Larivée souligne les nombreuses sources de stupidité auxquelles on est confronté dans la société (télévision, Internet, système scolaire, publicité, politique), le dernier chapitre offre des pistes de solution pour la contrer. Il insiste particulièrement sur l’importance de valoriser l’esprit critique et le doute raisonnable.

«Le doute ne s’enseigne pas dans un livre. Il s’apprend au quotidien, se cultive. C’est comme avec le père Noël: d’année en année, les enfants relèvent des incohérences – l’absence de cheminée, la contrainte du temps, etc. – et finissent par conclure qu’il n’existe pas.»

Pour cultiver le doute, l’auteur suggère davantage de littératie médiatique, de science citoyenne, de lecture (particulièrement celle de romans policiers, «puisque la recherche du coupable fait appel à la méthode scientifique») et de cours de philosophie pour les jeunes.

Bref, la bêtise humaine ne cesse de progresser, mais, par chance, la recherche sur l’intelligence humaine aussi. Et à cet égard, Serge Larivée nous aide à nous coucher… un peu moins stupides.

La stupidité, ça fluctue

L’ouvrage de Serge Larivée met également en lumière l’effet Flynn et l’effet Flynn inversé. Le premier phénomène décrit la progression du QI dans une trentaine de pays occidentaux au début du 20e siècle. Le second, la tendance contraire: le déclin du QI au milieu des années 90.

«Cette baisse est lente et progressive, note M. Larivée. Et ses causes ne sont pas précisément définies, mais il est clair que le nivellement vers le bas en milieu scolaire, l’environnement familial, la surprotection généralisée des enfants jusqu’à l’université et les perturbateurs endocriniens – mercure, plomb, pesticides, etc. – ont leur rôle à jouer.»

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