Télescope James Webb: nous voyons enfin les confins de l’Univers et plus loin encore
- UdeMNouvelles
Le 12 juillet 2022
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Poussière d’étoiles, falaises cosmiques, tourbillons de gaz coloré, infrarouge fascinant: l’observatoire spatial stationné à 1,5 million de km de la Terre nous dévoile sa première récolte de données.
Lancé le jour de Noël, le télescope spatial James Webb est l’observatoire spatial le plus complexe, le plus précis et le plus puissant jamais construit.
Cette résolution et cette sophistication inégalées sont notamment attribuables aux nombreux appareils de pointe qui le composent, dont une caméra de guidage et un instrument scientifique mis au point par des chercheuses et des chercheurs de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal.
Aujourd’hui, ces mêmes scientifiques, sous la direction de René Doyon, professeur au Département de physique de l’UdeM, peuvent constater le fruit de leurs efforts et de leurs expertises, alors que les premières données captées par le télescope viennent de paraître.
Offerte en couleurs et dans une clarté inégalée, la première photo prise par James Webb a d’abord été diffusée par le président des États-Unis, Joe Biden, le 11 juillet. Le monde entier a alors pu découvrir l’image infrarouge la plus profonde et la plus nette prise à ce jour de l’Univers lointain: un amas de galaxies formées il y a plus de 13 milliards d’années.
Quatre autres images ont ensuite été dévoilées en direct le 12 juillet depuis le Goddard Space Flight Center de la NASA à Greenbelt, dans le Maryland. Les photos ont présenté avec une netteté sans pareille les nébuleuses de la Carène et de l’Anneau austral, en plus du Quintette de Stephan, un groupement visuel de cinq galaxies.
La toute première spectroscopie de James Webb a également été rendue publique, soit celle de l’exoplanète WASP-96 b, située à 1 000 années-lumière de la Terre. Grâce à cette technique qui permet de déterminer la composition chimique d’un objet lointain, le télescope y a capturé la signature distincte de l’eau, ainsi que des preuves de la présence de nuages et de brume.
Nathalie Ouellette, astrophysicienne, coordonnatrice de l’iREx et scientifique chargée des communications pour le télescope James Webb, a accepté de commenter cette diffusion.
Les images ont révélé tour à tour des nuages de gaz et de poussière expulsés par des étoiles mourantes, des interactions galactiques, des zones de naissance d’étoiles jusque-là invisibles. Quelles sont, selon vous, les découvertes les plus notables?
D’abord, comme le public en général, j’ai été frappée par la beauté des images, elles sont tellement exquises! Ensuite, c’est difficile de dire quelle image est ma préférée, j’imagine que c’est comme choisir son enfant préféré.
Le spectre de l’exoplanète est un favori pour moi, parce que c’est un instrument canadien qui l’a réalisé et parce qu’il a prouvé la présence d’eau et de nuages, ce qui nous a permis de rectifier des découvertes basées autrefois sur des données moins précises et sensibles. Lorsqu’on travaille dans le domaine des exoplanètes, les données ne coopèrent pas beaucoup, alors que James Webb a présenté des données tellement nettes et «propres». On a alors réalisé que nous verrions des choses incroyables avec ce télescope.
Aussi, comme mes recherches portent sur la formation et l’évolution des galaxies, j’ai trouvé spectaculaire l’image du Quintette de Stephan qui donne un nouvel aperçu de la manière dont les interactions galactiques ont pu conduire l’évolution des galaxies au début de l’Univers.
Ces images sont donc vraiment inédites pour l’œil humain?
Oui, parce qu’elles présentent une lumière que l’œil humain ne peut pas voir. Le télescope Hubble regardait principalement dans la lumière visible, mais James Webb regarde dans l’infrarouge, ce qui permet de détecter des phénomènes différents.
Par exemple, les nébuleuses sont des objets un peu mystérieux puisqu’ils sont très poussiéreux; il y a beaucoup de gaz qui bloque la lumière visible. Toutefois, avec l’infrarouge, on peut percer au travers de la poussière et ainsi obtenir des images comme celles de la nébuleuse de l’Anneau austral et de la Carène.
Les photos sont-elles le résultat de quelconques manipulations?
Oui, l’équipe qui a produit les images pour le dévoilement est incroyable. Rappelons-le, ce n’est pas une tâche facile de rendre visible une lumière invisible. Cela a nécessité le travail d’artistes et de scientifiques qui ont pu traduire l’infrarouge en couleurs que nous pouvons voir. Et les couleurs ne sont pas choisies au hasard: elles servent à souligner certains aspects scientifiques et artistiques des objets.
Quel est le travail futur des astrophysiciens à partir des photos dévoilées aujourd’hui?
Il y a encore beaucoup d’analyses à faire. Les images ont été prises dans les derniers jours, à la limite quelques semaines. On ne parle même pas en termes de mois!
C’est comme ouvrir une boîte remplie de bijoux. Nous voulons tout regarder, individuellement, avec attention. Il y a beaucoup de choses à découvrir dans les images. On a l’impression qu’une galaxie se cache dans chacun des pixels. Les découvertes semblent infinies.
Aussi, les opérations scientifiques du télescope viennent de commencer. Les scientifiques et les astronomes du monde entier commencent à prendre possession du télescope pour leurs propres projets.
Justement, quels sont les prochains projets scientifiques de l’iREx avec le télescope James Webb?
Un des premiers programmes qui sera effectué avec James Webb et qui est particulièrement excitant est l’observation des planètes du système TRAPPIST-1. C’est le plus gros programme canadien pour la première année et il est mené par la doctorante de l’Université de Montréal Olivia Lim. Comme pour l’exoplanète présentée aujourd’hui, Olivia va regarder l’atmosphère de ces exoplanètes qui, elles, sont rocheuses, donc qui pourraient ressembler à la Terre. Nous cherchons un peu une jumelle de la Terre et peut-être que nous allons la trouver dans le système TRAPPIST-1.
Rappelons que le télescope James Webb aide les scientifiques du monde entier à scruter les confins de l’Univers, à en apprendre davantage sur la composition et l’habitabilité des exoplanètes et à étudier le cycle de vie des étoiles.