La vérité avant la réconciliation

Anne Panasuk et Françoise Ruperthouse

Anne Panasuk et Françoise Ruperthouse

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Françoise Ruperthouse et Anne Panasuk seront invitées à l’UdeM pour la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Le 30 septembre, on soulignera la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation afin de rendre hommage aux victimes des pensionnats autochtones et à leurs familles. Pour l’occasion, l’Université de Montréal présentera, de 11 h à 12 h, une conférence sur l’éducation à la réconciliation animée par Samuel Rainville, conseiller principal aux relations avec les Premiers Peuples à l’UdeM. «Cette réconciliation, elle passe avant tout par l’écoute de la vérité. Certaines vérités sont difficiles à entendre, mais c’est ce qui nous pousse à passer à l’action», dit-il. 

Françoise Ruperthouse, directrice d’Awacak, un organisme financé par le gouvernement québécois et voué à la recherche d’enfants autochtones disparus, y prendra la parole avec Anne Panasuk, conseillère spéciale auprès du ministre responsable des Affaires autochtones du Québec pour le soutien aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés et diplômée de l’Université de Montréal.

Les mystérieuses disparitions d’un frère et d’une sœur de Françoise Ruperthouse

Un des frères et une des sœurs de Françoise Ruperthouse ont disparu dans des circonstances troublantes: ils ont été emmenés dans un hôpital en Abitibi et n’en sont jamais revenus. On a annoncé à leurs parents qu’ils étaient décédés. Et pourtant, on leur a appris des années après que Tony était mort 7 ans plus tard dans un autre hôpital à près d’un millier de kilomètres. Quant à Emily, on l’a retrouvée 30 ans plus tard déplacée dans le même hôpital à Baie-Saint-Paul. La petite fille joyeuse qui courait dans les bois et qui avait été hospitalisée pour une piqûre de guêpe était devenue lourdement handicapée, mutique et était incapable de se déplacer.

Françoise Ruperthouse a longtemps pensé que sa mère avait été le seul parent à n’avoir pas été informé du transfert de ses enfants dans un autre hôpital. Mais elle s’est aperçue qu’il ne s’agissait pas d’un cas isolé.

À la recherche des enfants autochtones disparus

Ainsi, Françoise Ruperthouse et d’autres personnes autochtones ayant perdu des enfants ont participé à la fondation de l’association Awacak, qui signifie en langue attikamek «petits êtres de lumière», pour partir sur les traces des enfants autochtones disparus. L’association recherche des enfants décédés ainsi que des enfants qui ont été adoptés de façon illégitime, sans que les parents y aient préalablement consenti.

Il y a un an est entrée en vigueur la Loi qui autorise la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission en établissement. «Les réponses des hôpitaux sont dissemblables; certains hôpitaux prennent plus de temps que d'autres à répondre, certains ont détruit leurs archives, d'autres non», déclare Anne Panasuk.

Ensemble, l’association Awacak et la Direction de soutien aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés du Secrétariat aux affaires autochtones cherchent la trace de 100 enfants.

Des communautés autochtones dévastées

Bien des personnes posent de nombreuses questions sur les Autochtones. Pourquoi y a-t-il tant de violence dans les communautés autochtones? Pourquoi tant de consommation de drogues et d’alcool? Pourquoi les Autochtones abandonnent-ils l’école si tôt? «Ce sont des conséquences de ce que nous avons vécu et de ce qu’ont vécu nos parents et nos grands-parents», affirme Françoise Ruperthouse.

Elle se souvient que, lorsqu’elle était petite, ses parents se tenaient loin des hôpitaux et ne l’y emmenaient pas. Elle se rend compte, aujourd’hui, qu’ils souhaitaient la protéger. Encore maintenant, un racisme systémique sévit dans les hôpitaux, mis en lumière par la vidéo de Joyce Echaquan.

Une difficile réconciliation

 

«Des familles ont perdu des enfants dans les pensionnats ou dans des hôpitaux. Où sont ces enfants dont on a perdu la trace? Que s’est-il passé? Comment les a-t-on traités? Est-ce que les familles sont prêtes à la réconciliation? Poser la question, c’est déjà y répondre. Avant de penser à la réconciliation, il faut commencer par reconnaître et réparer les dommages», mentionne Anne Panasuk.

«On parle d’enfants disparus, d’enfants décédés, d’enfants enterrés en arrière des pensionnats. On parle d’Autochtones qui ont été abusés sous de nombreuses formes. Plusieurs aspects doivent être examinés avant qu’il y ait réconciliation. Pour avoir vécu ce drame personnellement, on ne peut pas se réconcilier aussi facilement», ajoute Françoise Ruperthouse.

Des dénonciations ont été faites, mais les réponses tardent à venir. Ainsi, un recours collectif a été déposé contre les Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée, qui ont agressé sexuellement des centaines d’enfants attikameks et innus. Mais les prêtres pédophiles sont encore protégés par leur congrégation religieuse. «Peu de curés ont été reconnus coupables et traînés en cour. Chaque fois que nous, Autochtones, nous dénonçons quelque chose, c’était comme si nous n’étions pas pris au sérieux. Sur les réseaux sociaux, j’ai vu le maître d’un chien traduit en justice pour avoir blessé deux pattes de son animal. Alors que lorsque nous faisons une dénonciation, il ne se passe rien ou cela prend énormément de temps», fait observer Françoise Ruperthouse.

La voie de la réconciliation passe par une autochtonisation des processus

Existe-t-il un mécanisme de réparation que le gouvernement pourrait enclencher? Mais comment des Autochtones pourraient-ils faire confiance au gouvernement après avoir subi les dommages des pensionnats?

«Nous savons ce qui est bon pour nous et nous souhaitons le faire selon notre culture. Nous pouvons aider les parents à se reconstruire, à retrouver leurs valeurs», souligne Françoise Ruperthouse.

La fondatrice d’Awacak se souvient ainsi de cette femme qui avait perdu son garçon. Rongée par la culpabilité de n’avoir pu sauver son enfant, elle n’en avait jamais parlé à sa fille. Elle ne faisait plus d’activités et passait ses journées à tricoter. Lorsqu’elle a pu en parler avec des membres d’Awacak, ç’a été une libération: elle a pu réaliser qu’elle n’était nullement responsable de ce qui était arrivé. Sa vie s’est alors transformée, raconte sa fille: elle a pu fabriquer des raquettes et participer à de multiples activités qu’elle ne s’autorisait pas à pratiquer auparavant. «Cela m’a tellement libérée d’en parler. Je portais un tel poids. Maintenant, c’est comme si je volais, comme si je ne touchais plus le sol lorsque je marche», a-t-elle confié. «Un morceau de souffrance est sorti. Le processus est long avant de pouvoir guérir entièrement», indique Françoise Ruperthouse.

Autres activités de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation

Pour témoigner leur solidarité et leur engagement dans le processus de réconciliation, les membres de la communauté universitaire sont invités à porter un vêtement ou un accessoire de couleur orange.

La conférence sera suivie à midi d’une prestation du groupe de musique traditionnelle autochtone Black Bears.

À 13 h 30, la Faculté des sciences infirmières présentera la conférence «Premiers Peuples et sciences infirmières: rétablissons ensemble la confiance». Autochtones et allochtones partageront leurs expériences, savoirs et attentes quant à la sécurisation culturelle et à la pratique infirmière.

À 15 h, à la Faculté de médecine, on pourra assister à une conférence sur la responsabilité sociale en santé autochtone.

À 15 h 30, la Faculté de droit dévoilera une murale réalisée par des artistes issus de différentes nations et mettant à l’honneur les Premiers Peuples. Cette œuvre, réalisée en collaboration avec Les Productions Feux Sacrés, est située au deuxième étage de la faculté.

Dès la tombée de la nuit, la tour du pavillon Roger-Gaudry sera illuminée en orange.

Une vigile réservée aux membres de la communauté autochtone aura également lieu.

Pour les membres du personnel souhaitant participer aux activités offertes, il sera possible d’être libéré pendant une heure en plus du temps de déplacement.

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