Gonorrhée: une bactérie de plus en plus résistante
- UdeMNouvelles
Le 4 octobre 2022
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Un rapport récent de l’INSPQ fait état de la progression de la résistance aux antibiotiques de «Neisseria gonorrhoeae».
La résistance aux antibiotiques des souches de Neisseria gonorrhoeae, la bactérie responsable de la gonorrhée, poursuit sa progression au Québec.
Tels sont les résultats du rapport de surveillance de N. gonorrhoeae pour 2020 de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), récemment rendu public.
En 2020, ce sont 82 % des souches analysées par le Laboratoire de santé publique du Québec de l’INSPQ qui ont montré une résistance ou une non-sensibilité à au moins un antibiotique testé. Par comparaison, ce taux était de 80 % en 2019, 76 % en 2018, 69 % en 2017 et 60 % en 2016.
Surveiller pour mieux traiter
Publiés tous les ans, les rapports de surveillance des infections attribuables à N. gonorrhoeae servent à étudier l’évolution de ces infections, déterminer le profil de sensibilité des souches de la bactérie aux antibiotiques et évaluer leur antibiorésistance.
«Les résultats issus de ces rapports sont utilisés chaque année pour réévaluer les protocoles de traitements suggérés aux patients atteints de gonorrhée», précise la Dre Judith Fafard, directrice médicale du Laboratoire de santé publique du Québec et chargée d’enseignement de clinique au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal.
Par exemple, grâce à ces données, la ciprofloxacine – qui était auparavant le traitement de premier choix contre la gonorrhée – n’est plus conseillée depuis plusieurs années au Québec en raison du haut taux de résistance de N. gonorrhoeae à cet antibiotique (qui, en 2020, s’élevait à 73 %). Constat similaire pour l’azithromycine: cet antibiotique n’est plus recommandé en monothérapie à cause de l’augmentation de la résistance de la bactérie.
À noter que, en 2020, la résistance à l’azithromycine était plus élevée chez les femmes (45 %) que chez les hommes (20 %). La Dre Fafard émet comme hypothèse le fait que les femmes reçoivent potentiellement plus souvent cet antibiotique, puisque les autres peuvent avoir des répercussions sur le fœtus. Il est donc possible que les femmes soient plus fréquemment exposées à l’azithromycine que les hommes.
Une démarche capitale
La Dre Fafard insiste sur l’importance de suivre de près la résistance de N. gonorrhoeae aux antibiotiques parce que cette surveillance permet «d’orienter les guides thérapeutiques, de soutenir la pratique clinique et d’offrir des traitements efficaces».
Elle réitère aussi le rôle essentiel de l’utilisation du condom pour prévenir les infections transmissibles sexuellement (ITS), en plus de la nécessité du dépistage. À ce chapitre, elle souhaite que davantage de professionnels de la santé et de patients acceptent d’effectuer des cultures de la bactérie N. gonorrhoeae pour les envoyer au Laboratoire de santé publique du Québec afin d’avoir des données fiables sur l’évolution de l’antibiorésistance.
«L’antibiorésistance de N. gonorrhoeae est préoccupante, croit-elle. Dans les années 1960, on traitait les infections à cette bactérie avec de la pénicilline. Malheureusement, chaque année, la bactérie semble s’adapter aux antibiotiques qu’on découvre. Dans certains pays, comme le Japon, des patients atteints de la gonorrhée doivent recevoir par voie intraveineuse un antibiotique, ce qui est très préoccupant pour une ITS.»
Rappelons que la gonorrhée est l’une des causes de l’infertilité chez la femme et qu’elle peut se transmettre de la mère à l’enfant pendant l’accouchement. Non traitée, elle peut se propager par le sang et infecter d’autres parties du corps, y compris les articulations.