L’Institut du radium de Montréal: un pionnier du combat contre le cancer
- UdeMNouvelles
Le 10 novembre 2022
Le 11 novembre 2022 marque le 100e anniversaire de l’Institut du radium de Montréal. Retour sur cet établissement pionnier où l’on a travaillé au traitement du cancer pendant près de 50 ans.
Le 11 novembre 1922, le Dr Joseph-Ernest Gendreau, professeur à l’Université de Montréal et disciple de Marie Curie, mettait sur pied l’Institut du radium, soit le premier centre consacré à la recherche sur le cancer et au traitement de la maladie au Canada.
D’abord situé dans les sous-sols de l’UdeM, l’Institut est très tôt relocalisé dans l’est de Montréal, dans l’ancien hôtel de ville de Maisonneuve – aujourd’hui occupé par la bibliothèque Maisonneuve. On y soignera sans relâche les patients de Montréal et d’ailleurs jusqu’à sa fermeture, en 1967.
Conservées à la Division des archives et de la gestion de l’information de l’Université, les archives de l’Institut du radium et de Joseph-Ernest Gendreau témoignent de l’œuvre de cet établissement unique.
Un établissement pionnier de la recherche et du traitement du cancer
Concrétisée par l’achat de 1,25 g de radium (au coût de 100 000 $) par le gouvernement du Québec, la fondation de l’Institut est accueillie avec enthousiasme.
Le domaine de la recherche médicale est alors en pleine ébullition: la découverte du radium par Marie et Pierre Curie, en 1898, est perçue comme une véritable révolution dans le traitement du cancer. C’est donc le modèle de l’Institut du radium de Paris – où le Dr Gendreau a d’ailleurs travaillé – qu’on veut reproduire au nouvel institut montréalais.
À cette époque, le radium – un élément chimique radioactif – est perçu comme une véritable panacée, dont les bienfaits dépassent le seul cadre médical. Dans une lettre qu’il adresse en 1922 à Athanase David, secrétaire de la province dans le gouvernement d’Alexandre Taschereau, le Dr Gendreau écrit: «Au point de vue de l’Hygiène publique, [le radium est] une acquisition très utile, qui aura sa répercussion économique, puisque la lutte pour la santé devient en définitive une lutte pour la propriété matérielle aussi bien que pour le bonheur.»
Dépositaire du radium acheté par l’État québécois qui en demeure propriétaire, l’Institut du radium – alors rattaché à l’UdeM – est chargé d’extraire des émanations du radium. Ces émanations sont ensuite utilisées pour le traitement de certains types de cancers, soit sous la forme d’injections dans les tissus cancéreux ou par exposition directe aux radiations.
En contrepartie de ce monopole du prélèvement des émanations, l’Institut doit distribuer aux autres hôpitaux de Montréal les surplus non employés des émanations.
Joseph-Ernest Gendreau: le père fondateur et l’âme de l’Institut
Originaire de Coaticook, Joseph-Ernest Gendreau étudie les sciences physique et chimique ainsi que la médecine en Europe, auprès de professeurs renommés tels que Marie Curie et Antoine Béclère.
De retour au Québec peu après la Première Guerre mondiale, il devient professeur de physique et de chimie à l'UdeM. Il met alors à profit ses connaissances pour fonder un institut sur le modèle de l’Institut du radium de Paris.
La double vocation de l’Institut, à la fois établissement de recherche et hôpital voué au traitement des personnes atteintes d’un cancer, provoque une véritable crise d’identité qui mènera d’ailleurs à son déménagement des locaux de l’Université. La position du Dr Gendreau est toutefois claire: l’Institut doit soigner les malades, peu importe leur provenance ou leurs moyens financiers.
Dans un carnet publié en 1924, le médecin résume ainsi son approche et le travail réalisé à l’Institut: «En poursuivant ces recherches, nous avons traité beaucoup de malades, la plupart presque gratuitement, ne refusant personne pour raison de pauvreté.» Rappelons que l’Institut est en activité bien avant la mise en place, au Québec, d’un régime universel d’assurance maladie.
Un institut en difficulté financière et bientôt désuet
Pionnier de la cancérologie au Canada, l’Institut du radium est toutefois marqué par une précarité financière qui n’ira qu’en s’aggravant.
Les subventions que lui assure son statut de centre de recherche et de traitement rattaché à l’Université de Montréal ne suffisent pas à combler les besoins de l’établissement en termes d’équipement et de ressources humaines. Quant aux revenus provenant des patients, ils sont négligeables.
Le bâtiment occupé par l’Institut est également problématique: on y manque d’espace pour les patients et d’équipement destiné à protéger le personnel et les malades contre les radiations, dont on reconnaît progressivement la dangerosité.
En outre, après la Seconde Guerre mondiale, un nombre croissant d’hôpitaux montréalais se dotent d’équipements de radiologie de plus en plus performants. Si l’usage médical du radium est peu à peu abandonné en raison des risques qu’il comporte pour la santé, la radiothérapie moderne doit néanmoins beaucoup aux recherches effectuées autour du radium.
L’Institut du radium de Montréal fermera définitivement ses portes en 1967. Pendant ses 45 années d’activité, on y aura prodigué des soins à quelque 67 000 personnes.
Pour en savoir plus:
Fonds Institut du radium: Fonds Institut du radium - Archives UdeM (accesstomemory.org)
Fonds Joseph-Ernest Gendreau: Fonds Joseph-Ernest Gendreau - Archives UdeM (accesstomemory.org)