L’histoire mouvementée du socialisme et du communisme en Allemagne dans les années 1920

«Travailleurs, la faim et la mort approchent. Les grèves détruisent, le travail nourrit. Faites votre devoir: travaillez!»

«Travailleurs, la faim et la mort approchent. Les grèves détruisent, le travail nourrit. Faites votre devoir: travaillez!»

Crédit : Collection Affiches de guerre. Direction des bibliothèques, Université de Montréal.

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Une exposition d’affiches rares sur l’Allemagne de l’entre-deux-guerres est présentée à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales jusqu’au 1er mars.

Marie-Josée Lavallée

Marie-Josée Lavallée

Crédit : Courtoisie

«Quand on pense au communisme ou au socialisme, on a souvent en tête des modèles qui se sont imposés. Dans le cas du socialisme, ce sont par exemple ceux de l’État-providence et du keynésianisme. Dans le cas du communisme, on pense à l’archétype de l’État stalinien, du parti centralisateur, autoritaire, dictatorial qui repose sur un appareil hautement répressif et policier», déclare Marie-Josée Lavallée, chargée de cours au Département d’histoire de l’Université de Montréal.

Commissaire d’une exposition sur le socialisme et le communisme dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, elle a mis en lumière des aspects moins explorés de ces mouvements sociaux à travers une série d’affiches électorales et d’affiches allemandes de propagande imprimées de 1918 à 1922, très rarement exposées en Amérique du Nord.

Cette exposition fait suite au colloque international «Différentes nuances de rouge: redécouvrir la pluralité du socialisme et du communisme en Europe au 20e siècle», qu’elle a organisé l’automne passé. Apprenant qu’une vaste collection d’affiches de guerre étaient conservées à l’Université, elle les a consultées et a bénéficié de l’aide précieuse de Mathieu Thomas, bibliothécaire à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l’UdeM, pour leur sélection et de celle de Marie-Josée Lapalme, technicienne en muséologie, pour le montage de l’exposition.

Dix-huit affiches de la collection de la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l’UdeM sont ainsi montrées au public dans la salle de consultation jusqu’au 1er mars. Traduites en français et contextualisées, elles permettent de comprendre la naissance de la première république allemande et, au-delà, d’y entrevoir les germes du fascisme qui suivra.

La division des socialistes allemands

Un gigantesque monstre verdâtre domine une ville. Au bout de ses tentacules se trouvent le profit, la cupidité et l’usure. Au-dessus on peut lire «Moloch le capitalisme: combattons-le! Unissez-vous contre lui avec l’USPD!» Ainsi se présente une affiche de 1919 du Parti social-démocrate indépendant.

Juste à côté, une autre affiche de la même année, qui est cette fois du Parti social-démocrate majoritaire, montre une jeune femme tout habillée de rouge au lever du soleil, incarnant ainsi le renouveau de l’Allemagne.

Mus par un même désir de transformation de la société, les différents groupes socialistes ne s’entendent pas. S’ils souhaitent dépasser le capitalisme pour instaurer un système de propriété commune et promouvoir la justice sociale pour tous et toutes, ils ont des opinions divergentes quant aux modalités. «À travers ces affiches, je voulais montrer qu’il y avait eu une diversité, une pluralité d’opinions, aujourd’hui oubliée», affirme Marie-Josée Lavallée.

Des affiches antibolchéviques

«Le bolchevisme apporte la guerre, le chômage et la famine. Alliance pour la lutte contre le bolchevisme.»

«Le bolchévisme apporte la guerre, le chômage et la famine. Alliance pour la lutte contre le bolchévisme.»

Crédit : Collection Affiches de guerre. Direction des bibliothèques, Université de Montréal

Au premier plan, un petit homme sanguinaire avec une barbe hirsute tient fermement un couteau entre ses dents. Au deuxième plan, une immense femme détenant un parchemin de l'Assemblée nationale protège le peuple.

«Le bolchévique représente le communisme, qui met la république en danger dans cette affiche réalisée par une association de lutte contre le bolchévisme. L'anarchie, la violence, les motifs du meurtre reviennent très souvent dans d’autres affiches. Il y avait en effet une peur imaginaire des bolchéviques très forte. Mais, après la Première Guerre mondiale, il y avait également une part de réalité, car une pression sur les frontières de l'Allemagne était exercée par l’Armée rouge», explique Marie-Josée Lavallée.

D’autres affiches expressionnistes présentent également la jeune république en péril où sont réitérés les motifs du danger, du vol et du meurtre.

Une jeune république à protéger

Une toute petite fille habillée de rouge tient un épi de blé. Au-dessus d’elle, des mains d’adultes vont l’enserrer: «Protégez la jeune république allemande: votez pour le SPD», dit l’affiche. La république est présentée ici dans toute sa fragilité tandis que d’autres affiches illustrent l'apparition des groupes paramilitaires et des milices citoyennes. 

«Les freikorps ou corps francs, comme on les appelle en français, sont des groupes paramilitaires chargés de maintenir l'ordre parce que les autorités publiques se trouvent désorganisées à la suite de la chute de l’Empire. Ils sont formés théoriquement pour protéger la république, mais comme la plupart du temps ils interviennent contre des mouvements de gauche qui eux sont porteurs de l'idée républicaine, ils nuisent donc à la république. On voit déjà se dessiner en filigrane des tendances qui vont conduire au fascisme», indique Marie-Josée Lavallée.

L’exposition se poursuit sur les avancées du socialisme et du communisme et les tentatives de faire durer la révolution entre 1919 et 1922. Les divisions entre socialistes et communistes n'ont jamais cessé, ce qui a pu favoriser la montée de l'extrême droite.

  • «Travailleurs, citadins, fermiers, soldats de toutes les tribus d'Allemagne : Unissez-vous pour former l'assemblée nationale»

    «Travailleurs, citadins, fermiers, soldats de toutes les tribus d'Allemagne: unissez-vous pour former l'Assemblée nationale.»

    Crédit : Collection Affiches de guerre. Direction des bibliothèques, Université de Montréal.
  • «Le danger du bolchevisme»

    «Le danger du bolchévisme»

    Crédit : Collection Affiches de guerre. Direction des bibliothèques, Université de Montréal.
  • L'exposition d’affiches rares à La Bibliothèque des livres rares et collections spéciales

    L'exposition d’affiches de guerre à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales

    Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal
  • L'exposition d’affiches rares à La Bibliothèque des livres rares et collections spéciales

    L'exposition d’affiches de guerre à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales

    Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Informations pratiques

La Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l'Université de Montréal est située au pavillon Samuel-Bronfman, 3000, rue Jean-Brillant, salle 4030. Elle est ouverte du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h. L’entrée est libre.

À propos de la collection d’affiches

Plus de 4000 affiches sont conservées à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales, dont la très grande majorité sont des affiches de guerre.

La plupart d’entre elles sont consultables en ligne sur Calypso, sur le site Web des bibliothèques.

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