Acokanikew: «faire un pont» pour favoriser la persévérance scolaire chez les jeunes Atikamekws

Tejeshwer Singh, Gilbert Niquay, Étienne Boucher, Élodie Sabourin, Antoine Dalterio, Eliane Santschi, Selsabil Hamiham, Noémie Crousset-Roy et Janel Poulin

Tejeshwer Singh, Gilbert Niquay, Étienne Boucher, Élodie Sabourin, Antoine Dalterio, Eliane Santschi, Selsabil Hamiham, Noémie Crousset-Roy et Janel Poulin

Crédit : Samuel Rainville

En 5 secondes

Des représentants de Cap campus de l’UdeM ont récemment visité des élèves de l’école secondaire Nikanik, à Wemotaci, pour créer un pont favorisant la persévérance scolaire à travers leur culture.

Simuler le triage de patients au service des urgences, apprivoiser des notions de chimie en préparant des bagels de Montréal, fabriquer une maquette pour s’initier au domaine de l’aménagement et découvrir des cultures autochtones autour du monde sont quelques-unes des activités auxquelles ont pris part 28 élèves de 4e et 5e secondaire de l’école Nikanik de Wemotaci il y a quelques semaines.

Ces ateliers ludiques d’apprentissage ont été pensés et réalisés dans le cadre du programme Acokanikew, cocréé par la direction de l’école, Coop Nitaskinan et Cap campus de l’Université de Montréal, en collaboration avec le Collège Ahuntsic.

L’objectif du programme Acokanikew, qui signifie faire un pont en atikamekw, est de favoriser la persévérance scolaire chez les élèves à travers «un grand jeu immersif dans un cadre de sécurisation culturelle qui leur permet d’explorer leur sens du leadership et d’accroître leur confiance en eux en vue d’effectuer des études postsecondaires hors de leur communauté», explique Eliane Santschi, agente de liaison avec les Premiers Peuples: Repensons la persévérance à Cap campus.

«Devant le constat que plusieurs jeunes Autochtones vivent des difficultés d’adaptation lorsqu’ils arrivent en ville pour poursuivre leurs études et qu’un certain nombre abandonnent, nous avons voulu agir en amont afin de faciliter leur intégration dans les milieux urbains au cégep et à l’université», ajoute Pascal Sasseville Quoquochi, directeur de l’école Nikanik.

Faire un pont, dans l’esprit du programme Acokanikew, consiste donc en un échange culturel où chacun apporte quelque chose et apprend des autres. Et cela implique que le projet soit mené à long terme, les activités devant avoir lieu annuellement en alternance à Wemotaci et à Montréal.

La sécurisation culturelle au cœur du projet

Eliane Santschi

Eliane Santschi

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

Située à 115 km au nord-ouest de La Tuque en Haute-Mauricie, la communauté de Wemotaci – la montagne d’où l’on observe – est un territoire de 30 km2 où vivent 1500 Atikamekws.

«Les gens ont un esprit communautaire très fort et, en général, les jeunes susceptibles de poursuivre leurs études en dehors de la communauté n’ont pratiquement jamais quitté notre village pendant une longue période», dit Pascal Sasseville Quoquochi.

Le projet a donc été conçu pour «qu’ils se projettent dans la poursuite de leurs études et qu’ils réalisent qu’il y a une place pour eux en tant que jeunes Autochtones dans les établissements postsecondaires et les milieux urbains», poursuit-il.

Guidés par Coop Nitaskinan, six étudiantes et étudiants de l’Université de Montréal ont animé des jeux représentant différents domaines d’études et différentes facettes multiculturelles de Montréal.

Trois jeunes modèles autochtones, qui ont effectué des études postsecondaires, étaient aussi du voyage, soit Gilbert Niquay, facilitateur à la vie étudiante au Collège Ahuntsic, Janel Poulin, diplômée en criminologie, et Samuel Rainville, conseiller principal aux relations avec les Premiers Peuples à l’UdeM. La professeure Jrène Rahm, de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université, qui s’intéresse à la question de la sécurisation culturelle en lien avec les Premiers Peuples et qui est engagée dans le projet depuis le tout début, a aussi accompagné l’équipe.

En plus de participer aux jeux, les élèves ont eu l’occasion de goûter au côté multiculturel de Montréal en savourant un dal et un poulet au beurre préparés par un restaurant indien montréalais. Le groupe de Cap campus a également eu la chance de s’initier à la culture atikamekw en rencontrant un aîné, en participant au rituel de la sweat lodge (tente de sudation) et en partageant un repas traditionnel sur le territoire en compagnie des modèles autochtones.

«L’idée était de faire un pont en allant à la rencontre de l’autre, en créant un dialogue par lequel tant l’équipe de Cap campus que celle de l’école Nikanik pourraient bénéficier de ces échanges, indique Eliane Santschi. C’est ce contact avec l’autre qui permet à chacun de repenser la persévérance différemment.»

Une première visite dans une communauté autochtone

Élodie Sabourin

Élodie Sabourin

Crédit : Photo de courtoisie

Pour sa part, Élodie Sabourin en était à sa première visite dans une communauté autochtone. Membre depuis quelques années de Cap campus, l’étudiante en communication et politique veut être une alliée de la persévérance dans le projet Acokanikew.

«J’ai beaucoup apprécié les rencontres avec les élèves et des membres de la communauté lors des activités culturelles, dit-elle. J’ai été touchée par nos discussions qui m’ont permis de mieux connaître leur culture, d’établir un contact et de constater par exemple que certains élèves sont attirés par une profession en relation d’aide et dans le domaine de la santé. J’aurais souhaité que notre séjour dure plus longtemps.»

Croire en son potentiel

Gilbert Niquay

Gilbert Niquay

Crédit : Francine Duquette

Issu de la nation Atikamekw-Nehirowisiw de Manawan, dans Lanaudière, Gilbert Niquay agit auprès de quelque 100 étudiants autochtones du Collège Ahunstic afin de leur assurer des services et un espace de sécurisation culturelle qui contribuent à leur réussite.

L’établissement d’enseignement où il travaille depuis trois ans est d’ailleurs engagé depuis une décennie dans un processus d’autochtonisation, ayant, entre autres, changé le nom de ses équipes sportives, qui s’appelaient les Indiens d’Ahuntsic.

«L’ensemble de la communauté du Collège, incluant des étudiants autochtones, a remplacé l’appellation par un symbole autochtone, soit les Aigles d’Ahuntsic», dit-il fièrement.

Et sa rencontre avec les élèves de l’école Nikanik a été un moment fort pour lui.

«Nous avons pu parler dans notre langue et j’ai pu leur raconter qu’à leur âge j’ai vécu une période difficile et que j’ai eu un parcours atypique au cours duquel je me suis réorienté à quelques reprises», relate Gilbert Niquay.

«Les jeunes Atikamekws de Wemotaci sont intelligents et ils doivent croire en leur potentiel, insiste-t-il. J’espère les avoir encouragés à persévérer, à croire que, malgré les embûches qui peuvent se présenter sur leur route, il y a un avenir possible pour eux.»

La responsabilisation au cœur de la persévérance à l’école Nikanik

Pascal Sasseville Quoquochi

Pascal Sasseville Quoquochi

Crédit : Photo de courtoisie

Selon Pascal Sasseville Quoquochi, ses élèves de 4e et 5e secondaire ont «franchi un pas en participant aux activités du projet Acokanikew, mais pour moi, l’élément le plus significatif surviendra lorsqu’ils visiteront Montréal l’an prochain, car ce sera là où ils auront le plus besoin d’apprendre à s’adapter».

Celui qui a été professeur de musique à l’école Nikanik de 1999 à 2014 avant d’en devenir directeur estime que la responsabilisation des élèves est un élément essentiel pour qu’ils persévèrent dans leurs études après le secondaire.

«La victimisation est une lourde conséquence du génocide qu’ont connu les peuples autochtones par le passé, car elle s’est manifestée dans toutes les sphères de nos vies, contribuant au décrochage scolaire, illustre-t-il. C’est pourquoi nous mettons tout en œuvre pour favoriser chez nos élèves la prise en charge et le sens des responsabilités, en les préparant à s’engager dans leur réussite.»

À titre d’exemple, depuis huit ans maintenant, l’école Nikanik organise à chaque rentrée scolaire une cérémonie d’assermentation sur lit de sapinage appelée Anispitapwewin, qui signifie être responsable de sa réussite. Et, à la fin de l’année, la cérémonie Soki matcawin vient rappeler l’importance de l’enracinement dans sa communauté par la plantation d’un arbre. «On se réenracine dans la terre mère tout en posant un geste écologique pour notre région, qui souffre des coupes forestières», précise Pascal Sasseville Quoquochi.

De nombreuses autres activités culturelles sont aussi organisées pour les élèves en lien avec le «temps autochtone», qui arrime la vie traditionnelle au rythme de la nature et des saisons… et des évènements de la vie.

«Il y a quelques années, notre coordonnatrice à la vie étudiante a eu un bébé et nous avons organisé une cérémonie du nouveau-né ainsi qu’une cérémonie des premiers pas, qui est une tradition ancestrale, ajoute le directeur d’école. Tous les élèves y ont assisté!»

Une initiative inspirante

Samuel Rainville

Samuel Rainville

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

Pour le conseiller principal aux relations avec les Premiers Peuples de l’Université de Montréal, Samuel Rainville, le projet Acokanikew est «une initiative particulièrement inspirante qui nous ramène au premier objectif du plan d’action institutionnel Place aux Premiers Peuples: leur offrir un accès équitable à l’éducation postsecondaire».

«Et grâce à Cap campus, nous sortons des murs de l’Université afin de revisiter le cadre linéaire de la persévérance, conclut-il. Dès le début de la coconstruction du projet avec nos partenaires autochtones, nous leur avons demandé ce que le terme persévérance représente dans leur communauté. Et les gens de Wemotaci nous en ont servi un bel exemple!»

  • Maquette réalisée par les élèves de l’école Nikanik de Wemotaci.

    Crédit : Eliane Santschi
  • Tejeshwer Singh, étudiant en médecine au campus de l'UdeM en Mauricie, a animé un atelier de simulation avec les élèves de l'école Nikanik.

    Crédit : Jrène Rahm
  • Crédit : Eliane Santschi