Une professeure d’informatique de l’UdeM remporte un prix prestigieux aux États-Unis

Irina Rish

Irina Rish

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

En 5 secondes

Irina Rish est la seule lauréate au Canada à remporter un prix lui permettant d’utiliser le superordinateur Summit d’IBM pendant 990 000 heures de nœud à l’Oak Ridge National Laboratory.

Le bureau des sciences du ministère de l’Énergie des États-Unis a dévoilé la liste des 56 lauréats et lauréates du programme INCITE 2023, sur laquelle figure la professeure d’informatique de l’Université de Montréal Irina Rish.

Seule Canadienne de la cuvée 2023 du concours, Mme Rish s’est vu attribuer 990 000 «heures de nœud» pendant les 12 prochains mois sur le superordinateur Summit à l’Oak Ridge National Laboratory, au Tennessee. Une «heure de nœud» est l'utilisation d'un nœud (ou unité de calcul) sur un superordinateur pendant une heure.

Mme Rish aura ainsi la chance de poursuivre ses travaux sur des modèles fondamentaux évolutifs pour une intelligence artificielle (IA) généraliste transposable, qui visent à former de vastes modèles multimodaux de réseaux de neurones profonds.

«Grâce à cet appui, se réjouit-elle, nous avons non seulement accès à une ressource en superinformatique, mais nous franchissons un pas vers l’atteinte de notre objectif à long terme, qui est de démocratiser l’intelligence artificielle et de faire la preuve que les universités et la communauté des logiciels libres peuvent être compétitives dans ce secteur.»

Irina Rish est professeure au Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’UdeM et membre de Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle. Elle est titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada en intelligence artificielle autonome et de la Chaire en IA Canada-CIFAR.

Vingt ans chez IBM

Les recherches d’Irina Rish portent sur l’IA, l’apprentissage automatique et l’analyse des données neuronales. Professeure à l'UdeM depuis 2019, elle a enseigné à l’Université Columbia et travaillé pendant 20 ans au Centre de recherche T. J. Watson d’IBM, où elle a collaboré à divers projets en neurosciences et en intelligence artificielle.

Le programme INCITE (Innovative and Novel Computational Impact on Theory and Experiment) a été mis sur pied en 2003 par Raymond Lee Orbach, alors sous-secrétaire d’État à la science, afin d’aider le milieu de la recherche à faire avancer les disciplines scientifiques et l’ingénierie.

L’évaluation des candidatures au concours du programme se fait selon un processus très sélectif qui se déroule sur une période de quatre mois. Des comités d’experts et de révision étudient les projets sous différents angles afin de sélectionner les équipes qui auront accès à l’un des quatre superordinateurs de l’Oak Ridge pendant un an.

Parmi les 97 candidates et candidats évalués cette année, la moitié s’est vu accorder du temps d’utilisation d’un superordinateur, dont Irina Rish et ses collaborateurs Stella Biderman, étudiante de maîtrise au Georgia Institute of Technology et scientifique en chef du collectif de recherche EleutherAI, et Jenia Jitsev, chercheuse principale au Scalable Learning and Multi-Purpose AI Lab au centre de supercalcul Juelich Supercomputing Center, en Allemagne, et responsable scientifique et fondatrice de LAION, une organisation à but non lucratif axée sur l'IA libre.

Les autres personnes ayant contribué à la proposition INCITE sont Quentin Anthony, Guillermo Cecchi, Mehdi Cherti, Guillaume Dumas, Eric Hallahan, Yonggang Hu, Sergey Panitkin, Christoph Schuhmann et Rio Yokota.

Dans le cadre de leurs travaux au Tennessee, en plus de former de vastes modèles de réseaux neuronaux, Irina Rish et son équipe profiteront de cet accès pour étudier les lois d’échelle et les comportements émergents, et tenteront d’appliquer leurs modèles génériques et les connaissances acquises à diverses utilisations pratiques.

«En adéquation avec les valeurs humaines»

L’équipe se donne pour but de faire évoluer l’IA vers des intérêts plus généraux tout en veillant à ce qu’elle soit sans risque et «en adéquation avec les valeurs humaines – mais aussi qu’elle contribue à des avancées dans d’autres domaines comme la santé et les sciences biomédicales», explique Irina Rish.

Pour ce faire, il lui faut mettre au point des modèles génériques vastes et puissants qui sont déjà formés de manière autocontrôlée à partir d’ensembles de données très variés. Ces modèles pourront servir de base de connaissances transposables et avoir des usages nettement plus étendus que ce que permet actuellement l’intelligence artificielle.

Forte de ses récents succès dans ce domaine, l’équipe entend constituer de vastes modèles de réseaux neuronaux appelés «transformeurs» qui, dernièrement, ont donné des résultats impressionnants en modélisation linguistique et en traitement d’image.

Irina Rish et ses collègues évalueront les possibilités d’essaimage avec des modèles plus imposants et des ensembles de données déjà formés. L’équipe prévoit étendre ces modèles à un grand nombre d’applications autres que le texte et les images ainsi qu’à diverses tâches d’apprentissage automatique.

«Le but est de les faire évoluer vers des systèmes adaptatifs qui apprennent sans cesse et de les perfectionner pour en tirer des modèles prédictifs pouvant être appliqués à différents usages comme la prestation de soins et l’imagerie cérébrale, indique Irina Rish. Et tout cela, nous allons le mettre à la portée du public afin que tout le monde puisse en profiter. La science est destinée au plus grand nombre, et ce projet en est un bon exemple.»