La pharmacie, une ressource potentielle pour les victimes de violence conjugale?
- UdeMNouvelles
Le 21 mars 2023
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Le professeur de l’UdeM Simon Matoori vient de publier un guide pour aider les pharmaciennes et les pharmaciens à mieux identifier, soutenir et prendre en charge les victimes de violence conjugale.
Les pharmaciennes et les pharmaciens pourraient-ils devenir des alliés dans l’accompagnement des victimes de violence conjugale? Ces professionnels pourraient-ils être en mesure d’identifier les victimes, d’évaluer le danger auquel elles sont exposées et de les orienter vers les ressources appropriées?
Telle est la perspective peu explorée que tente de démocratiser, autant auprès des victimes que des professionnels, Simon Matoori, professeur à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.
Le pharmacien vient de publier dans la Revue des pharmaciens du Canada des lignes directrices qui fournissent au personnel en pharmacie les outils nécessaires pour reconnaître les victimes de violence conjugale, engager des conversations bienveillantes et offrir des ressources utiles.
«À titre de travailleurs de la santé de première ligne qui s’engagent de manière proactive avec leurs patients et établissent des relations de confiance à long terme, les pharmaciennes et pharmaciens sont bien placés pour identifier et soutenir efficacement les victimes de violence conjugale», croit le professeur.
Être mieux outillé dès la formation
Persuadés qu'un lien de confiance et de proximité unit les patients aux pharmaciennes et pharmaciens, Simon Matoori et son équipe ont ainsi rédigé des conseils à l’intention du second groupe pour l’aider à intervenir à différents points de vue.
Le guide renseigne notamment sur les blessures typiquement liées à la violence conjugale (comme les fractures ulnaires qui, d’un point de vue anatomique, ne peuvent pas résulter d’une chute dans un escalier ou un bain, mais découlent plutôt d’un coup à l’avant-bras en tentant de protéger la tête), l’importance de connaître les ressources locales (les coordonnées des maisons d’hébergement, de l’organisme SOS violence conjugale, etc.) et les façons bienveillantes de communiquer et de poser des questions.
«Ces informations devraient figurer au programme de formation des pharmaciennes et des pharmaciens du Québec, plaide Simon Matoori. Ces professionnels sont formés pour engager des conversations difficiles, par exemple avec des patients qui expriment des idées suicidaires ou dépressives. Pourquoi ne seraient-ils pas formés pour soutenir une personne qui confie être victime de violence conjugale?»
La pharmacie comme lieu sécuritaire
En outre, comme les pharmacies sont des endroits où les gens peuvent acheter des produits de première nécessité (médicaments, nourriture), Simon Matoori considère qu’il s’agit de lieux accessibles aux victimes dont les déplacements sont susceptibles d’être surveillés par leur agresseur.
Le chercheur rappelle également que les pharmacies offrent des aires privées et sûres pour des conversations sans jugement, en plus de présenter des affiches, brochures ou codes QR avec des ressources utiles. Au Québec, certaines chaînes s’engagent d’ailleurs dans leurs succursales à mettre à la disposition des victimes qui se manifestent un endroit afin qu’elles puissent contacter SOS violence conjugale en toute sécurité et confidentialité. Ces pharmacies sont désignées par une pastille mauve sur la porte d’entrée.
«C’est un bon premier pas, mais malheureusement les pharmacies précisent que leur personnel ne peut apporter de soutien psychologique, déplore Simon Matoori. Avec notre guide, nous espérons pouvoir ouvrir la discussion dans la communauté et informer les professionnels comme la population de l’existence de cette ressource potentielle. Dans un contexte de violence conjugale, ce sont les petites choses qui peuvent faire avancer la situation, les petites contributions qui peuvent mener les victimes à dénoncer leur agresseur et à se libérer de leur emprise.»