Tomas Paus: la santé cérébrale des jeunes sous la loupe

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Le neuroscientifique Tomas Paus en est convaincu: le développement du cerveau façonne la santé cérébrale. Et tout se joue dans les premières années de vie.

Sur la base de ses travaux qui s’appuient sur une impressionnante base de données collaborative établie de longue date sur plusieurs cohortes de populations (Québec, Royaume-Uni, Finlande, Brésil), le nouveau professeur du Département de psychiatrie et d’addictologie et du Département de neurosciences de l’Université de Montréal Tomas Paus avance ce fait étonnant: «La plupart des troubles de santé mentale – schizophrénie, TDAH, dépression, trouble de l’humeur – sont liés à un problème de développement cérébral. La moitié peut se manifester jusqu’à l'âge de 14 ans et les trois quarts jusqu’à 24 ans. Les premières années de vie sont déterminantes.»

Aussi, plus on en sait sur le fonctionnement du cerveau, meilleures seront les chances d’agir sur la santé mentale.

Les gènes et l’environnement en cause

Tomas Paus

Tomas Paus, professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie et au Département de neurosciences de l’Université de Montréal

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L’expert en neuro-imagerie populationnelle a enrichi ses connaissances au fil de ses quelque 30 années de recherche sur le fonctionnement du cerveau humain et les facteurs qui altèrent son développement. Il a ainsi contribué à démontrer que la probabilité de souffrir d’un trouble de santé mentale augmente sous l’effet d’une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux.

Tomas Paus s’affaire maintenant à trouver comment minimiser leurs répercussions sur la maturation du cerveau, en particulier pendant l'adolescence. «On ne peut rien contre les gènes. Mais on peut agir sur l’environnement, que ce soit la famille, l’alimentation, les inégalités sociales, la pollution, etc., par exemple en augmentant les espaces verts, en offrant à chacun la possibilité d'aller à l'école ou en apportant du soutien aux personnes susceptibles de développer un trouble de santé mentale en raison de leurs antécédents familiaux», illustre-t-il.

Dans leur laboratoire de neurosciences des populations, au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine (CRCHUSJ), le chercheur et son équipe utilisent des technologies issues de la neuro-imagerie, de la génétique et de l'épidémiologie.

«Notre travail est hautement collaboratif et interdisciplinaire», dit celui qui vient de faire l’acquisition d’un appareil portable d’imagerie par résonance magnétique – le tout premier du genre au Québec – pour mesurer la courbe de croissance du cerveau de jeunes enfants issus de divers quartiers. «Durant les deux premières années de vie, le cerveau double de volume. Les données obtenues sur le terrain, avec l’accord des parents, nous permettront de déterminer quelles caractéristiques du quartier sont favorables au développement cérébral et lesquelles sont néfastes pour la santé des habitants. Ultimement, ces données serviront à cibler des milieux d’intervention», poursuit-il.

Il participe aussi à un projet de recherche sur les effets du cannabis sur le cerveau des jeunes, plus précisément sur le lien entre consommation précoce et psychose. «Je suis chargé notamment de l’harmonisation des mesures et de la mise en commun des données», explique le professeur.

Tours et détours d’un scientifique chevronné

Tomas Paus enseigne à la Faculté de médecine de l’UdeM depuis mars 2021, après un passage à l’Université de Toronto. Quand on lui demande pourquoi avoir quitté la Ville reine pour la métropole québécoise, le professeur d’origine tchèque nous parle plutôt… d’un retour au bercail!

En fait, son aventure montréalaise commence en 1989, alors qu’il fait la rencontre de Brenda Milner, pionnière de la recherche sur le cerveau humain, à un congrès sur le cortex préfrontal à Amsterdam. L’illustre neuropsychologue, aujourd’hui âgée de 104 ans, accepte de le prendre sous son aile pour sa formation postdoctorale à l’Université McGill. La neuro-imagerie est alors en plein essor. «J'ai participé au lancement de l'imagerie fonctionnelle et de l'imagerie structurelle du cerveau humain au Neuro [Institut-hôpital neurologique de Montréal]», raconte-t-il.

Quinze ans plus tard, il part enseigner à l’Université de Nottingham, au Royaume-Uni, puis revient au Canada, à l’Université de Toronto. En 2021, l’Université de Montréal lui fait une offre en droite ligne avec ses champs d’intérêt: travailler en interdisciplinarité aux départements de psychiatrie et d’addictologie et de neurosciences de la Faculté de médecine et faire de la recherche au CRCHUSJ.

«C’est un environnement extraordinaire pour faire avancer les connaissances sur le développement du cerveau et particulièrement sur la santé mentale des adolescents. Tous les bons souvenirs que j’avais conservés de Montréal ont aussi pesé dans la balance», ajoute-t-il dans un sourire. La boucle était bouclée!