Deux prix pour le livre «La musique qui vient du froid: arts, chants et danses des Inuit», de Jean-Jacques Nattiez

Jean-Jacques Nattiez, professeur émérite de la Faculté de musique de l’Université de Montréal

Jean-Jacques Nattiez, professeur émérite de la Faculté de musique de l’Université de Montréal

Crédit : Faculté de musique de l'Université de Montréal

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Le livre sur les chants inuit de Jean-Jacques Nattiez, professeur émérite de la Faculté de musique de l’UdeM, remporte les prix de l’Académie Charles-Cros et Claude Samuel de la chaîne France Musique.

Ce n’est pas la première fois que le travail de Jean-Jacques Nattiez est récompensé, mais le Prix de l’Académie Charles-Cros et le Prix du livre France Musique – Claude Samuel qui lui sont décernés pour son livre La musique qui vient du froid: arts, chants et danses des Inuit (Les Presses de l’Université de Montréal, 2022) revêtent une signification spéciale à ses yeux. «Le prix Charles-Cros est plus souvent donné pour des disques et je m’amuse toujours à dire que je l’ai eu avant Charles Dutoit, car le disque de chants de gorge que j’avais fait avec mon équipe a été primé en 1979», raconte le professeur émérite de la Faculté de musique de l’Université de Montréal au sujet de Chants et jeux des Inuit, paru en 1978.

Pour la petite histoire, il faut savoir que, à cette époque, Charles Dutoit avait déjà remporté un premier prix Charles-Cros, mais c’est en 1982 que son travail avec l’Orchestre symphonique de Montréal a été récompensé pour l’album Ravel: Daphnis et Chloé. Pour sa part, la chef d’orchestre et pianiste Lorraine Vaillancourt, également professeure à la Faculté de musique de l’UdeM et fondatrice du Nouvel Ensemble moderne (en résidence à la faculté), l’a obtenu en 2000.

Jean-Jacques Nattiez revient sur la réaction que la nouvelle du Prix de l’Académie Charles-Cros a suscitée chez lui. «Ça m’a ému et réjoui. C’est la première reconnaissance à portée internationale pour ce travail. Vous avez vu la qualité extraordinaire de la présentation, le papier glacé, les 200 illustrations! Il y a eu un investissement formidable de la part des Presses de l’Université de Montréal. D’ailleurs, je suis heureux de cet honneur pour eux aussi. Ensuite, le Prix du livre France Musique – Claude Samuel est également très connu parce qu’il est décerné tous les ans pour un livre sur la musique. Je ne connais pas le chiffre exact, mais je crois que 150 ouvrages avaient été soumis à l’organisation au départ. Ensuite, il y a eu une présélection de 15 d’entre eux, j’ai été dans la courte liste de 4 livres retenus et finalement j’ai eu le prix. J’en suis d’autant plus content que, il y a quelques années, j’avais reçu le prix spécial du jury de France Musique pour Wagner antisémite [Christian Bourgois éditeur, 2015]. Au fond, c’est une deuxième récompense de la part de la chaîne France Musique, qui est l’équivalent d’ICI Musique au Québec», indique-t-il.

Le travail de presque toute une vie

Jean-Jacques Nattiez est né en 1945 à Amiens, en France, et il a commencé son parcours à l’UdeM en 1970. D’abord à titre d’enseignant aux départements de linguistique et de traduction et d’études françaises, puis, à partir de 1972, en tant que professeur de musicologie et de sémiologie à la Faculté de musique. Reconnu à l’échelle internationale comme un pionner de la sémiologie musicale, il a publié près d’une vingtaine d’ouvrages sur le sujet, dont Musicologie générale et sémiologie (Christian Bourgois éditeur, 1987), Tétralogies, Wagner, Boulez, Chéreau: essai sur l’infidélité (Christian Bourgois éditeur, 1983), Opéra (Leméac éditeur, 1997) et La musique, les images et les mots (Fides, 2010). De nombreux prix et distinctions lui ont été remis, tels que le prix Acfas André-Laurendeau en 1989, l’Ordre du Canada en 1990, le prix Molson du Conseil des arts du Canada en 1990 et l’Ordre national du Québec en 2001.

Depuis le début des années 1970, le musicologue se passionne pour la musique inuk et le livre La musique que vient du froid: arts, chants et danses des Inuit boucle la boucle de tout un pan de sa carrière. Ce n’est pas pour rien qu’il est ému de voir ses efforts récompensés. «Je considère qu’avec cet ouvrage – parce que bon, j’ai 77 ans – je boucle la boucle et je tourne la page. La préparation de ce livre, coordonnée avec celle de l’exposition du même nom pour le Musée des beaux-arts de Montréal [présentée du 9 novembre 2022 au 13 mars 2023], m’a énormément occupé ces deux dernières années. J’ai un autre gros projet que je veux terminer avant qu’il soit trop tard, si je peux me permettre de dire cela: un traité de musicologie générale, commencé dans les années 1970», souligne-t-il.

Finir ce qui est commencé

Jean-Jacques Nattiez a pris sa retraite de l’enseignement il y a une dizaine d’années. «Avant que je parte à la retraite, mon rythme de travail était très simple, dit-il. Je faisais de la recherche et je préparais mes cours de 9 h à 11 h 45, puis de 14 h à 18 h de manière constante. Je lisais et j’écrivais tout le temps à propos de mes différents projets de recherche. Le jour où je donnais mes cours, je le passais à la faculté et c’est à ce moment-là que j’avais mes rendez-vous avec les étudiantes et étudiants. En outre, je ne prends jamais de congé les week-ends.»

Depuis qu’il a cessé d’enseigner, il travaille à finir de rédiger tout ce qu’il a commencé. «Je ne supporte pas de ne pas terminer les projets entrepris. C’est le trait de toute ma vie», observe-t-il.

Ayant pu bénéficier d’une grande liberté d’action et de pensée, il a toujours fait en sorte que ses séminaires de maîtrise ou de doctorat soient en lien avec les livres qu’il écrivait: «C’était très stimulant, car, à plus d’une reprise, j’ai présenté dans mon enseignement le contenu de ce qui était dans le livre en rédaction à ce moment-là.» Il donne comme exemple les ouvrages Fidélité et infidélité dans les mises en scène d’opéra (Vrin, 2020) et Les récits cachés de Richard Wagner: art poétique et sexualité du Vaisseau fantôme à Parsifal (Les Presses de l’Université de Montréal, 2018).

Jean-Jacques Nattiez croit qu’il lui faudra de deux à trois ans pour achever son traité de musicologie générale. «Je dois relire ce que j’ai écrit et, à partir de cette relecture, décider si je fais deux volumes, si je supprime des sections. Je dois également lire les recherches et livres pertinents qui sont parus ces dernières années pour en tenir compte dans mon traité», conclut-il.  

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