Don de philanthropes chinois: l’UdeM réaffecte les fonds à d’autres projets

Crédit : Amélie Philibert

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Plus de 500 000 $ serviront à soutenir les efforts pour enrichir les connaissances en matière de démocratie et aider les étudiants à voyager à l'étranger et à participer à diverses autres activités.

L’Université de Montréal annonce aujourd’hui qu’elle conservera les sommes qui lui ont été versées en 2016 par deux hommes d’affaires chinois pour financer des bourses destinées à des étudiants et étudiantes de la Faculté de droit et pour ériger une statue de Pierre Elliott Trudeau, mais qu’elle réaffectera les fonds à d’autres projets visant à contribuer au développement des connaissances sur la démocratie dans le monde et à soutenir des activités étudiantes, par exemple des projets de mobilité internationale.

Au cours des dernières semaines, des médias ont soulevé de nombreuses questions sur la provenance réelle de ce don, de même que celui versé en même temps à la Fondation Pierre Elliott Trudeau pour l’organisation de conférences. Selon des sources anonymes liées au service de renseignement canadien citées par les médias, ces contributions auraient été financées par le régime chinois dans une tentative d’ingérence politique dans les affaires du gouvernement canadien. Les services canadiens du renseignement n’ont jamais confirmé ni infirmé ces allégations et ne peuvent le faire auprès de l’Université.

Devant le climat d’incertitude créé par ces allégations, l’Université de Montréal a analysé la situation à la lumière de l’information disponible et évalué toutes les avenues à sa disposition. Au terme de cette analyse et sans avoir la possibilité de confirmer de quelque façon que ce soit les allégations circulant dans les médias au sujet de la réelle provenance des fonds, l’Université entend réaffecter à d’autres projets les sommes, toujours disponibles dans le fonds institué grâce à ce don.

«Le don reçu en 2016 n’était pas inusité, souligne le recteur de l’UdeM, Daniel Jutras. Si l’on se reporte à l’époque, les universités, les entreprises et les gouvernements multipliaient les ententes et les missions avec la Chine afin de resserrer les liens entre les pays. Les projets de l’Université étaient menés dans un esprit d’ouverture et de collaboration sincère de notre part. Le regard qu’on porte aujourd’hui sur certains de ces projets est manifestement différent et, si l’Université de Montréal a été flouée dans la conclusion de l’entente de don, une hypothèse qui demeure encore invérifiable, c’est bien malgré elle. Cela dit, jamais l’Université de Montréal n’a abdiqué sa liberté d’action.»

Dans son analyse de la situation, l’Université a constaté la très grande difficulté qu’un remboursement représenterait, à supposer qu’il soit possible d’y parvenir en toute confiance. Notamment, il est apparu que le remboursement des sommes reçues pourrait aller à l’encontre de dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. S’ajoute à ce constat le fait que les objectifs envisagés par l’entente de don initiale sont devenus moins pertinents et plus difficiles à réaliser dans le contexte actuel, entre autres faute de candidates et candidats qualifiés pour recevoir les bourses qui y étaient constituées. En réaffectant les sommes toujours disponibles dans le Fonds sino-canadien des bourses d’études Bin Zhang-Niu Gensheng à l’Université de Montréal, l’Université se donne la liberté de poursuivre ses activités de recherche et d’enseignement sur des thématiques liées à l’action internationale et à la démocratie.

«De notre point de vue, les objectifs de l’entente de don s’inscrivaient dans une perspective plus large d’ouverture sur le monde et de meilleure compréhension mutuelle entre les cultures, rappelle le recteur. L’Université de Montréal jouit d’une réputation exceptionnelle dans le domaine de la recherche et de l’enseignement en matière de relations internationales et de gouvernance démocratique, de soutien de la paix et de sécurité dans le monde. La décision que nous annonçons aujourd’hui va dans le même sens et est conforme aux valeurs d’intégrité et d’expertise qui sont au cœur de notre action, de nos activités de recherche et de nos programmes.»

Le don en détail

C’est en 2014 que l’Université de Montréal, par la voix du vice-recteur aux affaires internationales de l’époque, Guy Lefebvre, convient avec un homme d’affaires, Zhang Bin, de la création d’un fonds de bourses à la Faculté de droit et d’une statue en hommage au premier ministre et ancien professeur de droit Pierre Elliott Trudeau, qui a été l’un des premiers chefs d’État occidentaux à établir de véritables relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. Ce geste philanthropique était un miroir d’un don fait par la même personne à l’Université de Toronto en 2013, soit 800 000 $ pour des bourses à la Faculté de médecine et une statue en hommage à Norman Bethune, un grand diplômé de cette faculté ayant pratiqué en Chine.

D’après les souvenirs de M. Lefebvre, c’est l’UdeM qui a sollicité la Fondation Pierre Elliott Trudeau, après avoir conclu un premier accord avec le donateur, pour obtenir l’autorisation d’utiliser le nom et l’image de M. Trudeau. Un deuxième donateur, Niu Gensheng, s’est ajouté et les discussions se sont poursuivies avec la Fondation et les donateurs pour parvenir à l’entente qui a été signée en juin 2016. Le traitement fiscal du don était conforme à la loi, les reçus ayant été remis par l’Université de Montréal à la personne qui avait effectué les paiements prévus par l’entente.

En vertu de cette entente, l’Université devait recevoir 800 000 $, dont 550 000 $ ont été versés à ce jour, pour la création d’un fonds de bourses d’études de 750 000 $ et 50 000 $ pour le projet de statue en hommage à M. Trudeau père. Le dernier versement de 250 000 $, qui était payable dans l’année 2018-2019, n’a jamais été fait. 

En 2018, quatre bourses de 10 000 $ chacune ont été remises à des étudiants et étudiantes de doctorat de la Faculté de droit. Aucune autre bourse n’a été attribuée depuis cette date, le nombre de candidates et de candidats qualifiés étant réduit et la pandémie ayant stoppé la mobilité internationale. Quant au projet de statue, des travaux préliminaires de conception ont été entamés, mais il est vite apparu que les fonds réservés à cette fin étaient insuffisants pour la réalisation de l’œuvre.

Enfin, M. Lefebvre, à présent retraité, a annoncé aux partenaires chinois avec lesquels il maintenait des liens de recherche qu’il coupait définitivement les ponts. Il a modifié sa fiche de chercheur sur le site Web de l’Université en conséquence.

Le solde du fonds s’établit aujourd’hui à 506 791,89 $. 

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