Déconstruire le mythe de l’entrepreneur seul et héroïque

Vue aérienne de la ville de Vik

Vue aérienne de la ville de Vik

Crédit : Simon Mallette

En 5 secondes

Un doctorant en communication s’intéresse au rôle des réseaux sociaux dans l’entrepreneuriat, un élément clé de la réussite des entreprises, mais aussi du bien-être des individus qui les portent.

Alimenté par des histoires à succès médiatisées mettant en vedette des individus qui ont réussi à partir de rien à créer des entreprises prospères, le mythe du héros entrepreneur subsiste. Ces récits tendent à présenter les entrepreneurs et entrepreneuses comme des êtres solitaires et visionnaires qui prennent individuellement des décisions difficiles et importantes.

Jumelée à la peur de l’échec, la pression financière, la surcharge de travail et la concurrence, cette conception répandue contribue au niveau de stress élevé et à la détresse psychologique que vivent fréquemment ceux et celles qui se lancent en affaires.

Et si l’on déconstruisait cette figure héroïque de l’entrepreneur qui doit faire face seul à l’adversité?

Voilà la question que s’est posée Simon Mallette, doctorant et chargé de cours au Département de communication de l’Université de Montréal, dans sa thèse visant à apporter une perspective relationnelle sur l’entrepreneuriat.

«J’aimerais que les entrepreneuses et les entrepreneurs, mais aussi la société en général, comprennent qu’ils n’ont pas à être des héros; ce sont plutôt des individus dont les activités impliquent avant tout la création et l’entretien d’un réseau, d’où le titre de ma thèse: De héros à réseaux», indique le jeune homme dirigé par le professeur de l’UdeM Boris H. J. M. Brummans.

Une recherche intensive sur le terrain…

Holly Keyser et son conjoint devant leur café mobile

Crédit : Simon Mallette

Pour mieux comprendre comment les entrepreneurs et entrepreneuses créent et cultivent leurs relations avec leurs partenaires, leurs clients, leurs employés et leurs fournisseurs, Simon Mallette suit actuellement le parcours d’une entrepreneuse, Holly Keyser. Originaire du Royaume-Uni, elle s’est récemment établie à Vik, en Islande, pour ouvrir un café spécialisé en microtorréfaction hébergé dans un autobus scolaire réaménagé.

Le doctorant observe l’entrepreneuse depuis deux ans, d’une part en ayant accès à tous ses canaux de communication en ligne et d’une autre part en s’immergeant physiquement dans son quotidien. Cet été, ce sera la deuxième fois qu’il se rendra sur l’île nordique avec sa caméra pour recueillir des données.

«En décortiquant le cas précis d’Holly, je comprends mieux les défis de l’entrepreneuriat, comme la crainte de la solitude et l’insécurité face à la concurrence. Je souhaite pouvoir démontrer le rôle de certaines pratiques de communication qui permettent aux entrepreneurs et entrepreneuses de reconsidérer l’importance de leur réseau et d’échapper au sentiment d’isolement», précise Simon Mallette.

… qui mène à des recommandations

L’intérieur aménagé de l’autobus

Crédit : Simon Mallette

Grâce à ses observations réalisées aux côtés d’Holly Keyser, le doctorant a commencé à lister de bonnes pratiques qui pourraient s’étendre à toutes les personnes qui souhaitent se lancer en affaires et qui craignent les défis psychologiques associés à l’entrepreneuriat.

Parmi celles-ci, il note le rôle de la réflexivité, les façons de protéger sa niche et de gérer les tensions avec la concurrence, l’importance de bien s’intégrer à sa communauté et les manières d’utiliser les médias sociaux afin que les consommateurs deviennent eux-mêmes ambassadeurs de l’entreprise.

À terme, Simon Mallette prévoit se servir de ses résultats pour contribuer à la formation des nouvelles générations entrepreneuriales.

«En moyenne, 45 % des entrepreneurs et entrepreneuses disent être en situation de détresse psychologique, rappelle-t-il. Ces gens ont besoin de ressources et d’outils, et pas seulement de subventions ou de formations axées sur la façon d’établir un plan d’affaires. Je voudrais apporter l’élément qu’ils ne sont jamais seuls et qu’ils sont capables de mobiliser un réseau.»