Commotions cérébrales: ces athlètes qui ne rapportent pas leurs symptômes

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Des athlètes universitaires qui ont déjà subi une commotion cérébrale sont moins enclins à rapporter les symptômes d’une nouvelle commotion s’ils la considèrent comme moins grave.

Des athlètes universitaires qui ont déjà été victimes d’une commotion cérébrale liée à la pratique de leur sport ont moins tendance à rapporter les symptômes d’une nouvelle commotion s’ils l’estiment d’une moindre gravité que leur précédente.

C’est la conclusion d’une étude sur neuf athlètes québécois menée à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal par les chercheurs William Archambault et Dave Ellemberg et dont les résultats ont été publiés en août dans Neurotrauma Reports.

«Notre recherche est la première à s’être directement intéressée à la psychologie des athlètes en matière de divulgation des commotions cérébrales, précise William Archambault, qui a réalisé cette étude de nature qualitative dans le cadre de son doctorat en sciences de l’activité physique.

Malgré d’importantes campagnes de sensibilisation, des études démontrent que plus de 50 % des athlètes ne divulguent toujours pas leurs symptômes de commotion cérébrale. Dans certains cas, cela peut avoir de graves conséquences, allant de symptômes persistants à des séquelles cognitives permanentes.

Puisque les symptômes des commotions cérébrales sont souvent subtils, transitoires ou carrément invisibles, le diagnostic et la prise en charge optimale d’une commotion cérébrale dépendent de la divulgation de ses signes par les athlètes.

«Ainsi, pour la santé et la sécurité des athlètes, il nous est apparu de la plus grande importance de comprendre les raisons pour lesquelles ils sont toujours aussi nombreux à garder le silence sur cette blessure», souligne le professeur Ellemberg, qui a dirigé les travaux de doctorat de William Archambault.

Trois thèmes majeurs

À l’aide d’entretiens d'une heure auprès de neuf athlètes universitaires de soccer, de rugby et de claque (cheerleading), soit cinq femmes et quatre hommes, les deux chercheurs ont répertorié 13 facteurs, qu’ils ont ensuite divisés en trois thèmes majeurs: les attitudes et les comportements, les connaissances sur les commotions cérébrales et les évaluations personnelles de la commotion subie.

«Après l’analyse de l’ensemble des facteurs ciblés, nous en sommes venus à la conclusion que le processus décisionnel derrière la divulgation des commotions cérébrales n’était pas en premier lieu influencé par les connaissances générales sur cette blessure, résume William Archambault. Ce qui pèse surtout dans la balance, c’est l’historique de commotions de l’athlète ainsi que la gravité de la commotion qu’il vient de subir.»

Ainsi, les athlètes ayant déjà subi des commotions cérébrales auraient tendance à adopter par défaut une stratégie de non-divulgation, car ils sont beaucoup moins inquiets des conséquences de cette blessure sur leur santé. Seule une commotion jugée plus sérieuse que leur commotion antérieure la plus grave est en mesure de renverser ce biais et de mener à une divulgation.

De la manifestation des symptômes à la divulgation

Ce qui est d’autant plus préoccupant, c’est qu’une majorité d’athlètes déclarent considérer une commotion cérébrale comme grave seulement lorsque les symptômes sont visibles et impossibles à cacher ou lorsqu’ils nuisent à leur performance sportive.

«À ce moment-là, on pourrait faire valoir que ce sont plutôt les manifestations de la blessure qui alertent leur entourage et conduisent à la divulgation», croit William Archambault.

«Bien que notre étude puisse sembler de faible envergure, la saturation a été atteinte – c'est-à-dire qu'aucune autre collecte ou analyse de données n'a été nécessaire pour parvenir à une conclusion précise – et nos résultats se révèlent donc utiles pour la prévention et la gestion des commotions cérébrales dans le sport», déclare Dave Ellemberg.

«Nos études précédentes ont permis de mieux faire connaître les commotions cérébrales, ajoute-t-il. Nos derniers travaux conduisent à penser que la portée des campagnes sur les connaissances générales et les conséquences des commotions cérébrales est limitée.»

Afin de renverser le biais de non-divulgation, des stratégies novatrices doivent être implantées ayant pour cible certains facteurs psychologiques tels que les attitudes et comportements, la priorisation des activités intellectuelles par rapport aux activités sportives et le niveau de maturité, soutiennent les chercheurs. Par exemple, on pourrait commencer par mieux documenter les antécédents de commotions cérébrales de chaque athlète, ce qui permettrait de dire lequel est plus à risque de ne pas rapporter ses symptômes.

À propos de cette étude

L’article «Hard-headed decisions: intrapersonal factors underlying concussion reporting in university athletes», par William Archambault et Dave Ellemberg, a été publié le 17 août 2023 dans Neurotrauma Reports.

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