À quoi ressemblent les abeilles dans le monde?
- UdeMNouvelles
Le 2 octobre 2023
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Une étude internationale a caractérisé pour la première fois la diversité des abeilles dans les vergers de pommiers à l’échelle mondiale.
En transportant le pollen d’une fleur à l’autre, les insectes pollinisateurs jouent un rôle essentiel dans la reproduction des plantes à fleurs. Au Canada comme ailleurs dans le monde, les abeilles sont les pollinisateurs les plus répandus.
Malheureusement, leurs populations sont en déclin en raison d’une combinaison de facteurs: l’exposition aux pesticides, les maladies, les changements climatiques, la destruction de leurs habitats, l’agriculture. Et sans elles, on peut oublier dans nos assiettes la présence de bien des fruits, des baies, des huiles et des noix.
Afin de mieux comprendre leur situation et d’ultimement protéger ces espèces si vitales, une équipe de recherche s’est intéressée aux caractéristiques des communautés d’abeilles à travers le monde. L’équipe a étudié précisément celles dans les vergers de pommiers, puisque ce sont des monocultures extérieures qu’on trouve partout sur la planète.
L’étude concerne ainsi la saison de floraison de 177 vergers commerciaux de pommiers dans 33 pays couvrant 5 continents. Et le Canada n’a pas été en reste grâce à la participation d’Étienne Normandin-Leclerc, entomologiste et coordonnateur des collections zoologiques et entomologiques de l’Université de Montréal, qui s’est rendu en Estrie pour recueillir les données.
De la variété, mais une tendance à l’homogénéité
L’équipe a observé une grande hétérogénéité des assemblages d’abeilles dans les différents vergers. Cependant, les résultats révèlent également qu’au sein d’une même région les traits fonctionnels et les comportements des insectes se ressemblent.
«On constate une homogénéisation de la diversité fonctionnelle, où les caractéristiques des abeilles dominantes sont surreprésentées par rapport aux autres espèces, indique Étienne Normandin-Leclerc. Alors que, dans la nature, il est toujours préférable d’avoir de la diversité, sans quoi on diminue la résilience des espèces et leur capacité à s’adapter à leur environnement, surtout dans un contexte de changements climatiques.»
Autre constat: l’abeille mellifère a été trouvée dans toutes les zones géographiques. À noter que cette abeille originaire d’Europe est considérée comme domestique, puisqu’elle est élevée à grande échelle en apiculture pour produire du miel.
«L’importation d’abeilles domestiques à des fins agricoles comporte un danger, car on sait qu’elles sont souvent porteuses de pathogènes qui se transmettent autant à d’autres types d’abeilles qu’aux autres insectes», note l’entomologiste.
Une réflexion sur l’agriculture intensive
L’étude a aussi montré que la présence de zones herbacées et non cultivées autour des vergers ainsi que les pratiques de gestion biologique – recours moins fréquents aux pesticides – étaient associées à une plus grande diversité d’abeilles sauvages.
«De grandes cultures comme celle de la pomme ont tendance à procurer beaucoup de ressources aux abeilles en produisant beaucoup de fleurs, donc de nectar et de pollen. Toutefois, après la floraison – qui dure en moyenne une semaine et demie –, les espèces pollinisatrices restent sur place et doivent trouver de la nourriture pour la survie de la prochaine génération. Il est donc important qu’elles aient aux alentours d’autres plantes pour s’alimenter et surtout une diversité de plantes. S’il n’y a sur place qu’une poignée d’espèces d’abeilles qui peuvent polliniser quelques plantes, il existera un avantage compétitif pour ces plantes au détriment des autres. Cela soulève des questions sur la modification d’un écosystème», mentionne Étienne Normandin-Leclerc.
Car si l’étude servait d’abord à rendre compte de la diversité des abeilles du monde, ses résultats invitent aussi à poursuivre des recherches afin d’élaborer des stratégies de gestion et de conservation efficaces pour ces insectes essentiels.
«En élargissant les connaissances dans ce domaine, on pourra mettre au point des approches ciblées qui préserveront les populations de pollinisateurs et favoriseront des pratiques agricoles durables, croit le chercheur. Cette étude est une photographie de l’état actuel des populations mondiales d’abeilles sur laquelle on pourra se baser dans l’avenir pour évaluer le déclin des insectes.»