Les insectes peuvent-ils nous aider à résoudre la crise du plastique?

En 5 secondes L’idée d’utiliser des insectes qui ingèrent le plastique est séduisante pour nous débarrasser de nos déchets, mais elle pourrait cacher de nouveaux risques. Une étudiante de l’UdeM creuse la question.

Bouteilles d’eau, emballages alimentaires, ustensiles de cuisine, chaises de jardin, casques de vélo, brosses à dents, sièges de métro. Le plastique étend aujourd’hui ses tentacules dans toutes les sphères de nos vies. Il met des centaines d’années à se décomposer en se fragmentant en particules microscopiques qui contaminent les cours d’eau, les sols et même nos assiettes. 

Plusieurs pistes sont explorées pour tenter de dégrader ce matériau résistant, allant de la création d’enzymes artificielles à des procédés de recyclage basés sur des microorganismes en passant, plus récemment, par l’«entomoremédiation», soit une approche exploitant les capacités naturelles des insectes à ingérer le plastique.  

Le ténébrion meunier – un coléoptère déjà utilisé en agriculture comme source de protéines de remplacement – est l’un des candidats prometteurs. On sait qu’il a un comportement naturellement plastivore, mais on ignore ce qu’il advient du matériau une fois passé par son système digestif.  

Est-il réellement dégradé? Ou se trouve-t-il seulement fragmenté en particules encore plus fines, potentiellement plus dangereuses? Et quels sont les effets sur la santé de l’insecte? 

C’est ce que cherche à savoir Chloé Rosa-Teijeiro, étudiante de doctorat sous la codirection de Marie-Odile Benoit-Biancamano et Fanny Renois, toutes deux professeures à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Une recherche embryonnaire

Chloé Rosa-Teijeiro souhaite donc non seulement comprendre ce que devient le plastique dans les déjections du ténébrion, mais aussi connaître les effets que cette alimentation inhabituelle peut avoir sur sa santé.  

Pour y arriver, elle a commencé par brosser un tableau complet de l’anatomie normale du ténébrion, une référence indispensable avant de pouvoir repérer au microscope les possibles répercussions pathologiques liées à l’ingestion du plastique.  

La doctorante utilisera ensuite l’autoradiographie pour «étiqueter» le plastique avec un marquage radioactif, suivre son parcours dans le corps du ténébrion et voir s’il s’accumule dans certains organes. Elle se servira également de la spectroscopie Raman pour analyser les déjections de l’insecte et vérifier si le plastique est toujours présent. 

Des zones d’ombre à éclaircir

L’entomoremédiation en est encore à ses balbutiements, tout comme l’étude de Chloé Rosa-Teijeiro. Pour l’instant, l'étudiante n’a que des hypothèses. D’une part, elle craint que l’ingestion de plastique crée des lésions chez l’insecte, comme on en observe déjà chez les poissons et les mammifères exposés aux microplastiques.  

D’autre part, elle pense que le ténébrion ne parviendra pas à dégrader la totalité du plastique. Et c’est l’un des points qui la préoccupe particulièrement, puisque «les microplastiques, une fois rejetés dans l’environnement, ont un potentiel de dispersion énorme», avance-t-elle.  

D’où l’importance, selon la doctorante, d’investiguer avant de faire la promotion de solutions écologiques émergentes. «Parfois, en voulant régler un problème, on en crée un encore plus grand», croit-elle.  

Une curiosité pour le plastique

Ce projet est né d’une fascination personnelle de la doctorante pour le plastique. Étudiante en médecine vétérinaire, elle a été marquée par la persistance de ce matériau, capable de voyager sur des milliers de kilomètres et de durer des décennies.  

Chloé Rosa-Teijeiro rappelle que le plastique a d’abord été inventé pour remplacer la surexploitation des défenses en ivoire des éléphants. «L’intention était bonne, mais les conséquences écologiques sont désastreuses. Je ne voudrais pas qu’on répète la même erreur avec les insectes», affirme-t-elle.  

Les conséquences sur la santé humaine et la santé animale soulèvent des inquiétudes croissantes. «Nous savons déjà que nous ingérons involontairement du plastique au quotidien. Des études ont montré la présence généralisée de microplastiques dans notre alimentation et dans l’eau que nous consommons», déplore la doctorante.

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