Le «littoral» des lacs: un élément clé du cycle global du carbone

En 5 secondes En collaboration avec des collègues suédois, une biologiste de l'UdeM démontre que les plantes aquatiques présentes dans et autour des lacs aident ces plans d'eau à absorber le carbone.
La zone littorale végétalisée du lac Ånnsjön, en Suède

Les zones «littorales» des lacs sont souvent bordées de plantes aquatiques qui comptent parmi les végétaux à la croissance la plus rapide au monde. Ces plantes sont bénéfiques pour l'environnement: elles absorbent une grande quantité de carbone de l'atmosphère et le stockent dans leurs tissus.

Malheureusement, les lacs sont généralement considérés comme des émetteurs de carbone, car la fonction des plantes dans la zone littorale n'est actuellement pas prise en compte lorsque les scientifiques estiment le rôle des lacs dans le cycle global du carbone.

Une nouvelle étude menée par des chercheurs suédois, corédigée par Roxane Maranger, biologiste à l'Université de Montréal, montre en effet que les plantes littorales contribuent à stocker de grandes quantités de carbone sous forme de sédiments dans les lacs.

Ainsi, plutôt que d'émettre principalement des gaz à effet de serre, les lacs sont des puits de carbone nets.

Première de son genre

Cette étude, la première à quantifier l’action des zones littorales dans le bilan carbone global des lacs, a été publiée en août dans Nature Geoscience.

«Notre découverte permet de quantifier le rôle des plantes aquatiques des zones littorales des lacs dans le cycle global du carbone et démontre clairement l'importance de ces plantes dans le bilan net de carbone des lacs», a déclaré l'auteure principale de l’étude Charlotte Grasset, chercheuse à l'Université d'Uppsala.

Bien que la zone littorale totale des lacs à travers le monde soit quatre fois plus longue que le littoral des océans, le rôle des rives lacustres végétalisées n'a pas été pris en compte dans les bilans carbone globaux, a-t-elle ajouté. Au contraire, les mesures du carbone sont généralement effectuées au milieu des lacs, loin des rives.

«La prise en compte du potentiel de ces plantes riveraines inverse le rôle des lacs dans le cycle global du carbone», a indiqué Roxane Maranger, qui a collaboré à la recherche en tant que professeure invitée à l'Université d’Uppsala depuis 2023 et qui, à l'UdeM, est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en science et viabilité des écosystèmes aquatiques.

«Lorsque le taux de croissance et l'étendue de ces plantes sont pris en compte dans les calculs, les lacs deviennent des puits de carbone nets plutôt qu'une source atmosphérique de carbone, c'est-à-dire que le carbone stocké chaque année dans les sédiments lacustres est supérieur au carbone rejeté dans l'atmosphère», a-t-elle expliqué.

«Cela change le paradigme actuel et met en évidence le potentiel de restauration des zones littorales lacustres en tant que solution fondée sur la nature, a poursuivi la chercheuse. Aussi, il y a des implications non seulement pour le stockage du carbone afin d'atténuer les changements climatiques, mais aussi pour l'amélioration de la qualité de l'eau et la conservation de la biodiversité.»

De la discussion à la publication

Au département d'écologie et de génétique de l'Université d’Uppsala, Roxane Maranger a dirigé un groupe de scientifiques dans une discussion sur les plantes des zones littorales et le cycle du carbone dans les lacs. Membre de l’équipe de recherche, Charlotte Grasset a fini par diriger l'étude.

«Nous avions prévu de rédiger un article conceptuel sur la manière dont les plantes aquatiques des zones littorales sont négligées dans le cycle du carbone lacustre, se souvient Charlotte Grasset. Mais après avoir effectué quelques calculs préliminaires pour quantifier le rôle potentiel de ces plantes, nous avons rapidement réalisé que les zones littorales pouvaient jouer un rôle important dans le bilan carbone global.»

Les scientifiques ont utilisé les données issues de plusieurs sources et un modèle simple reliant les zones littorales au centre des lacs pour quantifier le carbone réellement stocké dans les lacs.

«En fonction des valeurs employées, nous avons constaté que, lorsque les plantes de la zone littorale étaient prises en compte, les lacs passaient d'une source nette de carbone à un puits net de carbone, a mentionné Roxane Maranger. Nos conclusions remettent en question le paradigme actuel de la place des lacs dans les bilans mondiaux, car nous affirmons que davantage de carbone est stocké dans le lac plutôt que libéré de la terre ferme.»

Des études supplémentaires sont nécessaires

Selon les auteurs, il reste encore beaucoup à faire. Bien que leurs estimations soient actuellement basées sur les meilleures données et informations disponibles, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour améliorer ces premiers résultats.

Il faudra une meilleure compréhension de l'étendue réelle des zones littorales végétalisées des lacs à l'échelle mondiale, ainsi que des estimations plus précises des échanges de carbone entre les plantes aquatiques, l'atmosphère, le centre des lacs et les sédiments.

«Étant donné que les plantes des habitats côtiers marins, appelées «carbone bleu», sont considérées comme une solution naturelle pour favoriser le stockage du carbone depuis plus de 15 ans, il est temps de s’intéresser aux zones littorales lacustres», a conclu Roxane Maranger, membre du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie de l'UdeM.

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