Érudit, une vitrine et un soutien pour les revues savantes
- UdeMNouvelles
Le 21 novembre 2023
- Catherine Couturier
La plateforme Érudit, qui souffle cette année ses 25 bougies, est devenue un incontournable du milieu de la recherche en français.
Fruit des travaux de maîtrise en sciences de l’information menés à l’Université de Montréal par Guylaine Beaudry, qui avait constaté le manque d’accès à des revues scientifiques québécoises à distance, Érudit a fait beaucoup de chemin. «Un projet de production est à l’origine d’Érudit et le volet de la diffusion s’est ajouté pour répondre à un grand besoin. Aujourd’hui, Érudit est considérée comme une infrastructure de recherche», résume Tanja Niemann, sa directrice générale.
Un rôle en évolution
Née au commencement du Web, Érudit a d’abord été une plateforme pour mettre en ligne cinq revues des Presses de l’Université de Montréal, qui appuient le projet dès ses débuts. Mais il ne s’agit pas simplement de mettre les textes en ligne, on s’assure en effet que les formats sont indexables et lisibles par les appareils. «On se sent prêts pour le futur, avec les bases solides et la vision mises en place il y a 25 ans», constate d’ailleurs Tanja Niemann.
«Devant l’intérêt, il y a eu l’idée de mutualiser l’outil avec d’autres revues et d’autres universités», raconte Gwendal Henry, conseiller en communication chez Érudit. En 2004, un consortium entre l’UdeM, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal est formé pour soutenir la production des revues de recherche québécoises. La plateforme continuera d’évoluer et la quatrième version est lancée en 2017. «L’environnement technologique change et l’on doit continuer de s’améliorer, pour un meilleur référencement et une meilleure accessibilité», note-t-il. Chaque année, ce sont 10 000 nouveaux articles et historiques qui s’ajoutent sur Érudit.
De plus, Érudit est reconnue par la Fondation canadienne pour l’innovation comme l’une des 19 infrastructures canadiennes majeures. «C’est essentiel parce que, en sciences humaines, le texte devient un objet de recherche», explique Tanja Niemann. Avec des partenaires, Érudit a créé un corpus de textes explorable via Calcul Québec.
Une science d’ici dans la langue d’ici
Sans le soutien d’Érudit, plusieurs petites revues tenues à bout de bras par une poignée de professeurs-chercheurs et professeures-chercheuses pourraient difficilement survivre. En faisant une place à ces publications, qui travaillent souvent en silo, Érudit mobilise les bibliothèques universitaires et autres acteurs pour «stabiliser et donner une pérennité à ce travail autour des revues», confie Tanja Niemann.
Érudit a donc une fonction essentielle de point d’ancrage dans l’écosystème de la communication savante en français. Parce que la disparition de ces revues francophones aurait inévitablement des répercussions sur les sujets de recherche. «Les grandes revues internationales ne s’intéressent pas nécessairement aux enjeux locaux», remarque la directrice. L’équipe derrière Érudit, qui a acquis une expertise unique et solide, accompagne au quotidien les revues, mais également les utilisateurs de la plateforme. «Les revues profitent de notre infrastructure et de nos services, elles n’ont pas besoin de réinventer la roue chacune de leur côté», rappelle-t-elle.
Du contenu fiable et gratuit
En centralisant les contenus et en offrant des services aux revues francophones, Érudit joue donc un grand rôle dans l’univers de la recherche des sciences humaines et sociales. «Le contenu arrive des revues, qui sont au cœur de la science en français. Nous, nous amplifions le tout», nuance Tanja Niemann.
«Notre mission, c’est de faire rayonner la recherche d’ici», souligne-t-elle. Les contenus d’Érudit sont ainsi lus et vus partout dans le monde: 75 % de la navigation est le fait d’internautes étrangers. Sans barrière et facilement téléchargeables même pour ceux qui n’auraient pas accès à des équipements récents ou à une connexion rapide, les contenus sont accessibles autant aux professionnels qu’aux néophytes. «Les gens trouvent une source validée d’information», constate Gwendal Henry. Pendant la pandémie, la plateforme a d’ailleurs pu observer que les questions au cœur des débats se reflétaient dans son palmarès des articles les plus lus.
Érudit, pour et par la communauté
Dans un contexte de changement majeur du modèle économique des abonnements, Érudit mise sur le libre accès. Son code source est ouvert et 97 % des textes hébergés sont consultables gratuitement. Environ 3 % du contenu est accessible par abonnement des bibliothèques: «Ça permet de reverser des sommes aux revues pour qu’elles puissent par exemple payer leur graphiste ou leur secrétaire éditorial», dit le conseiller.
Les chercheurs et chercheuses ne paient pas non plus pour publier dans des revues sur Érudit. «Ce n’est pas viable en sciences humaines et sociales», affirme Tanja Niemann. C’est donc la collaboration étroite des bibliothèques universitaires qui permet le financement et le maintien de ce modèle. C’est la grande différence avec les éditeurs commerciaux, qui dégagent des profits grâce à la recherche produite par de l’argent public, dans des revues dont s’occupent souvent bénévolement les chercheuses et chercheurs. «Le but, c’est que l’argent public circule pour rémunérer correctement les équipes des revues afin qu’elles puissent produire des revues de qualité et se former», résume Gwendal Henry.
Continuer de jouer son rôle
Partout dans le monde, des plateformes semblables jouent un rôle important; c’est en mutualisant ces initiatives que les publications indépendantes en libre accès deviendront plus fortes. En plus de son inlassable bataille pour la production de contenu en français, Érudit est aujourd’hui considérée comme la plateforme nationale canadienne pour les revues en sciences humaines et sociales. Elle hébergera donc des revues de partout au Canada, qu’elles soient francophones, anglophones ou bilingues. «Il y a un besoin criant au Canada anglais aussi», soulève Tanja Niemann.
Pour renverser le rapport de force avec les éditeurs commerciaux, l’équipe d’Érudit souhaite que les universités reconnaissent mieux l’importance du travail des revues locales comme véhicule de la science. «Ces revues font vivre les communautés; on doit favoriser ces publications en français», conclut Gwendal Henry.
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