Démêler la complexité des bétacoronavirus chez les chauves-souris

En permettant de mieux comprendre où et comment les bétacoronavirus des chauves-souris évoluent, la recherche aide à cibler les points chauds potentiels pour l'émergence de nouvelles zoonoses.

En permettant de mieux comprendre où et comment les bétacoronavirus des chauves-souris évoluent, la recherche aide à cibler les points chauds potentiels pour l'émergence de nouvelles zoonoses.

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Une étude menée par des scientifiques de l'UdeM cartographie la dynamique évolutive et les risques d'émergence de maladies virales qui pourraient un jour constituer une menace pour l'humanité.

Timothée Poisot

Timothée Poisot

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Alors que les pandémies sont de plus en plus préoccupantes à l'échelle mondiale, une étude internationale menée par des scientifiques de l'Université de Montréal ouvre de nouvelles perspectives sur la dynamique évolutive complexe des bétacoronavirus chez les chauves-souris, ce qui permet de mieux comprendre les risques posés par ces agents pathogènes.

Dans un article publié en décembre dernier dans Virus Evolution, une équipe dirigée par le professeur du Département de sciences biologiques de l’UdeM Timothée Poisot et son étudiante de doctorat Norma Forero-Muñoz examine la distribution mondiale des bétacoronavirus, révélant un schéma beaucoup plus complexe que ce qu'on avait compris jusqu'à présent.

En collaboration avec des chercheurs américains et néo-zélandais, ils ont mis au point un cadre détaillé qui désigne les zones géographiques où ces virus et leurs hôtes évoluent différemment et qui met en évidence des zones densément peuplées où les conditions d'émergence de maladies virales sont réunies.

Leurs conclusions soulignent la grande diversité de la répartition des virus dans le monde. Certaines régions, en particulier l'Asie du Sud-Est, l'Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient, apparaissent comme des points chauds de la diversification virale.

Comprendre les différences régionales

Selon les scientifiques, différentes régions abritent des groupes de virus qui évoluent différemment avec leurs hôtes, ce qui remet en question l'approche unique des modèles antérieurs. Par exemple, les auteurs caractérisent la région néotropicale des Amériques comme un réservoir potentiellement unique de merbecovirus, ce qui indique que les voies d'évolution et les risques d’émergence des virus peuvent varier de manière significative d'une région à l'autre.

La recherche se penche sur la dynamique coévolutive entre certaines des 1400 espèces de chauves-souris du monde et les bétacoronavirus, donnant un aperçu de la manière dont ces virus et leurs hôtes évoluent conjointement au fil du temps et relevant les mécanismes qui pourraient conduire à l'émergence de nouveaux virus potentiellement zoonotiques.

La relation complexe entre les espèces hôtes et les virus montre la complexité de la prédiction des virus susceptibles de constituer une menace future pour l'humain, à l'instar des épidémies de SRAS, de MERS et de COVID-19, expliquent les scientifiques, car la prochaine menace pourrait être un virus qui n'a pas encore émergé.

«La grande nouveauté de notre travail est de clarifier le rôle des processus évolutifs et écologiques dans le risque d'émergence de nouveaux bétacoronavirus à partir des populations de chauves-souris», a déclaré Norma Forero-Muñoz, qui effectue son doctorat en apprentissage automatique et synthèse de données pour prédire les évènements de propagation virale.

«Dans le passé, on pensait que ces processus rendaient la prédiction des risques très difficile, a-t-elle ajouté. Mais en travaillant sur la base de principes coévolutifs, nous avons pu mettre en lumière des zones dans lesquelles toutes les conditions sont réunies pour une diversification rapide de nouveaux virus potentiels.»

Travailler avec certaines limites

La chercheuse et ses coauteurs sont conscients des limites de leur étude, en particulier en ce qui concerne les biais potentiels causés par un échantillonnage et une surveillance inégaux dans les différentes régions. Cette inégalité des données pourrait conduire à une sous-représentation de certaines régions dans l'étude, comme l'Inde et l'Afrique de l'Ouest.

Les scientifiques espèrent néanmoins que leur travail pourra influencer les politiques de santé publique.

«En nous permettant de mieux comprendre où et comment les bétacoronavirus des chauves-souris évoluent, la recherche nous aide à cibler les points chauds potentiels pour l'émergence de nouvelles zoonoses, a mentionné Timothée Poisot. C'est essentiel pour orienter les efforts de surveillance et de prévention, en particulier dans les régions à haut risque où ces nouveaux virus entreront immédiatement en contact avec les populations humaines.»

À propos de cette étude

L'article «The coevolutionary mosaic of bat betacoronavirus emergence risk», par Timothée Poisot, Norma Forero-Muñoz et leurs collègues, a été publié le 20 décembre 2023 dans Virus Evolution. D'autres coauteurs viennent des établissements suivants: aux États-Unis, l’Université d’État de Washington, l’Université de Georgetown et l’Université de l’Oklahoma; et en Nouvelle-Zélande, l’Université Massey. Le financement de l’étude a été assuré par IVADO – l’institut de recherche et de transfert en intelligence artificielle de l’Université de Montréal – et la Viral Emergence Research Initiative.

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