De nouveaux «minisatellites» dans les bactéries marines
- UdeMNouvelles
Le 24 janvier 2024
Au cours d’un processus invisible qui se déroule dans les profondeurs marines, des éléments miniatures de l'ADN déjouent discrètement les virus, révèlent des scientifiques.
Des microbiologistes dirigés par Frédérique Le Roux, professeure à l'Université de Montréal et titulaire d'une chaire d'excellence en recherche du Canada, ont fait une percée en recherche sous-marine en découvrant ce qu'ils appellent des «minisatellites» dans les bactéries marines.
Ces minuscules éléments génétiques, connus sous le nom d'îlots chromosomiques minimalistes inductibles par les phages (PICMI), changent la façon dont les scientifiques envisagent la vie dans les océans.
«Imaginez un minuscule morceau d'ADN qui ne peut pas se déplacer tout seul, explique Frédérique Le Roux, dont l'étude internationale est publiée cette semaine dans Nature Communications. Il a besoin d'un virus ou phage pour cela. C'est ce qu'on nomme des satellites de phage. Les phages s'attaquent généralement aux bactéries, mais ces satellites sont comme des autostoppeurs intelligents, qui utilisent les phages pour se déplacer gratuitement.»
Dans leur étude, Frédérique Le Roux et ses collègues français et espagnols ont constaté que les PICMI dépendent fortement de leurs partenaires phagiques. Ils ont besoin de phages spécifiques pour se réveiller et commencer leur voyage. «D’une manière étonnante, alors que de nombreux satellites interfèrent avec leurs hôtes phagiques, les PICMI le font moins, ce qui témoigne d'une relation plus harmonieuse», dit la professeure.
Ces minuscules éléments ne sont pas seulement des bizarreries rares; on les trouve dans une variété de bactéries Vibrionaceae, une famille qui comprend des personnages bien connus comme Vibrio cholerae, responsable du choléra. Le travail de détective de l'équipe dans les génomes bactériens a révélé que les PICMI sont très répandus dans ces bactéries marines.
Petits et simples
Les PICMI sont spéciaux parce qu'ils sont incroyablement petits et étonnamment simples. Ils ne modifient pas la forme de leurs «taxis» phagiques et peuvent emballer leur ADN d'une manière unique. Ils se faufilent dans le génome bactérien, juste à côté d'un gène clé, et ne portent que quelques outils essentiels pour se coller et se couper dans et hors de l'ADN bactérien.
Et les PICMI sont très intelligents. Ils ne perturbent pas les phages qui les portent, ce qui signifie qu'ils peuvent se propager sans causer de problèmes. De plus, ils ont un autre tour dans leur sac: ils peuvent protéger leur hôte bactérien contre d'autres mauvais phages, ce qui en fait une sorte de garde du corps microscopique.
La découverte d'un nouveau système de défense chez les PICMI est peut-être la partie la plus excitante de l'étude. Ils possèdent un gène, appelé «up2», qui aide leur hôte bactérien à combattre certains phages. Cela revient à disposer d'une arme secrète contre les intrus indésirables, ce qui montre à quel point le micromonde de nos océans peut être complexe et fascinant.
«En bref, la découverte des PICMI est comme une nouvelle pièce du puzzle de la vie océanique, observe Frédérique Le Roux, nouvelle professeure au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l'UdeM. Nos découvertes nous en apprennent davantage sur les minuscules batailles et alliances qui se déroulent dans les océans, où les bactéries, les virus et ces minisatellites jouent un rôle crucial. Cette recherche n'est pas seulement une curiosité scientifique; elle pourrait nous aider à mieux comprendre l'écosystème marin et même inspirer de nouvelles façons de lutter contre les infections bactériennes.»
À propos de cette étude
L'article «Phage-inducible chromosomal minimalist islands (PICMIs), a novel family of small marine satellites of virulent phages», par Frédérique Le Roux et ses collègues, a été publié le 22 janvier 2024 dans Nature Communications.
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Université de Montréal
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