Écrans dans les chambres: des risques au niveau scolaire et social pour les jeunes
- UdeMNouvelles
Le 21 mars 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
L’accès à des écrans privés au début de l’adolescence est un facteur prédictif de difficultés scolaires et sociales à la fin du secondaire pour les garçons et les filles.
Le fait d’avoir une télévision ou un ordinateur dans la chambre à coucher au début de l’adolescence aurait des conséquences sur la réussite scolaire et les liens sociaux des jeunes.
Chez les filles et les garçons, la présence d’écrans dans la chambre à coucher à l’âge de 12 ans prédirait des notes globales plus basses, un risque de décrochage plus élevé et une probabilité plus faible d’avoir vécu une relation amoureuse à l’âge de 17 ans. À cela s’ajouterait, pour les garçons seulement, une diminution de la propension à la gentillesse, à l’empathie, au partage et aux comportements bienveillants.
Ces résultats proviennent d’une nouvelle étude menée par Benoit Gauthier, doctorant dirigé par Linda Pagani, professeure à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine.
Les chercheurs ont étudié une cohorte de 661 filles et 686 garçons âgés de 12 ans en 2010. Grâce à des analyses de régression linéaire, ils ont estimé les associations entre le fait d’avoir un écran dans la chambre à cet âge et les composantes scolaires et sociales à l’âge de 17 ans, tout en tenant compte des variables individuelles et familiales concurrentes.
Une «technoférence» préoccupante
Quand les écrans se retrouvent dans la chambre des adolescentes et des adolescents, ces derniers y ont davantage accès de façon recluse, illimitée et non supervisée. L’exposition aux écrans est donc potentiellement plus grande et les contenus moins adéquats, indique Benoit Gauthier.
«L’usage devient discrétionnaire aux jeunes, en termes de contenu et de temps – un adolescent peut par exemple se lever la nuit pour aller aux écrans. En outre, cette consommation vient remplacer des activités plus constructives comme les études et les interactions sociales non virtuelles à un moment où les jeunes perfectionnent généralement leurs compétences cognitives et interpersonnelles», précise le chercheur.
Le temps solitaire et sédentaire passé dans les espaces privés devant des écrans pendant l’adolescence entre donc en interférence avec les possibilités de nouer des liens, d’interagir avec les autres et d’acquérir des compétences sociales. Toutes des activités qui figurent parmi les principales composantes d’un développement optimal et de l’épanouissement à l’aube de l’âge adulte, rappelle Linda Pagani.
«Nous sommes en train de handicaper les générations futures»
Les chercheurs sont catégoriques: les écrans devraient être tenus à l’écart des zones privées, il s’agit d’un enjeu de santé publique. Ces nouvelles données probantes devraient inciter les parents, mais aussi les décideurs politiques, à être plus fermes sur le fait que les chambres à coucher et autres espaces privés doivent rester des espaces sans écran.
«L’exposition aux écrans ne fait qu’augmenter depuis les dix dernières années, notamment avec les appareils portables qui se multiplient dans les foyers et qui peuvent accroître l’utilisation solitaire et la dépendance. Dans ce contexte, il y a certes une responsabilité parentale, mais cette parentalité s’inscrit dans la société et les valeurs qu’elle préconise. Les parents font du mieux qu’ils peuvent avec les informations qu’ils connaissent et reçoivent», estime Benoit Gauthier.
Pour le chercheur, ce travail de sensibilisation doit donc atteindre les gouvernements, à qui revient la tâche d’instaurer des lignes directrices pour assurer la santé et le bien-être de sa population.
«Comme société, nous fonçons droit dans un mur, renchérit Linda Pagani. Jamais nous n’avons vu autant de jeunes aux prises avec des troubles émotionnels et comportementaux. Et ces jeunes sont les adultes et les parents de demain. Les répercussions se feront sentir sur le marché du travail et on peut imaginer une transmission intergénérationnelle de l’inadaptation.»