Une simulation de négociation aux allures bien réelles!
- UdeMNouvelles
Le 25 mars 2024
- Martin LaSalle
Séance simulée de négociation. De gauche à droite: Sarah Belghaouti (porte-parole syndicale); Cassandra Marcotte (déléguée syndicale); Émilie Sapp (déléguée syndicale - à distance, à l'écran d'ordinateur); la professeure Mélanie Laroche (au centre); Marie-Pier Bélisle (déléguée patronale); Alexis Cyr (porte-parole patronal); et Anabelle Côté (déléguée patronale).
Crédit : CourtoisieLe cours «Pratique de la négociation collective», de Mélanie Laroche, a permis à des étudiants en relations industrielles d’acquérir une expérience qui les a préparés au marché du travail.
Les Aciers Pier-Steel, une entreprise sidérurgique, doivent remplacer une presse de 5000 tonnes dans leur usine située en Montérégie. Or, l’opération nécessitera l’arrêt de la production pendant 10 semaines et, en raison de la pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur économique, des employés pourraient être tentés d’aller travailler ailleurs… et de ne plus revenir.
Comment régler cette situation à l’avantage de l’employeur et du personnel, représenté par un syndicat local affilié à la Confédération des syndicats nationaux (CSN)?
Tel était le principal enjeu d’une étude de cas soumise par la professeure Mélanie Laroche à son groupe du cours Pratique de la négociation collective, donné à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal.
Cette étude de cas était inspirée d’un cas bien réel survenu à l’usine des Forges de Sorel – filiale de la multinationale Finkl Steel: pour élaborer les enjeux de la négociation, Mélanie Laroche s’est entretenue à plusieurs reprises avec deux représentants de l’entreprise, soit Jean-François Cartier, président du Syndicat des aciers forgés Sorel (CSN), et la directrice des ressources humaines, Sylvie Rei.
Préparation méticuleuse et visite de l’entreprise
De gauche à droite à l'avant-plan (casques blancs): la professeure Mélanie Laroche, Sarah Belghaouti, Marie-Pier Bélisle, Alexis Cyr et Anabelle Côté. De gauche à droite à l'arrière (casques bleus): les représentants du Syndicat des aciers forgés Sorel (CSN) Louis-Charles Guertin (vice-président) et Jean-François Cartier (président).
Crédit : CourtoisieSarah Belghaouti et Alexis Cyr comptaient parmi les six étudiants de troisième année inscrits à ce cours l’automne dernier. Sarah Belghaouti faisait partie du trio syndical, tandis qu’Alexis Cyr et ses collègues représentaient la partie patronale.
Les membres des deux parties ont d’abord pris connaissance de l’étude de cas – qui comportait 75 pages – pour ensuite préparer leurs cahiers respectifs de revendications, en calculant les coûts de leurs propositions visant à renouveler la convention collective. Ils devaient aussi présenter une comparaison analytique de celle-ci avec d’autres conventions du secteur de la sidérurgie.
Après trois fins de semaine de cours, les étudiants ont visité l’usine des Forges, où ils ont pu échanger avec des membres du personnel. Puis, ils ont tenu des séances de négociations qui se sont échelonnées sur deux fins de semaine, dont quelques séances en présence des représentants des parties patronale et syndicale de l’entreprise.
Dans la peau d’une équipe de négociation
Le projet de modernisation de l’entreprise, dont le changement de la presse qui entraînerait la fermeture de l’usine pendant plus de deux mois, nécessitait la réouverture de la convention collective afin d’éviter que des salariés quittent l’entreprise pour des concurrents.
Par le fait même, les deux parties voulaient en profiter pour cibler certains enjeux problématiques. Par exemple, la partie syndicale souhaitait obtenir une garantie d’investissement de la part de l’entreprise, une augmentation salariale qui tiendrait compte de l’inflation et une bonification par l’employeur de ses cotisations au régime de retraite. Quant à la partie patronale, elle désirait, entre autres, obtenir plus de flexibilité dans l’organisation du travail, réduire les coûts de main-d’œuvre et explorer la possibilité de maintenir les travailleurs âgés en poste en permettant des horaires de travail allégés.
Certains éléments étaient susceptibles d’accrocher. Et des accrochages, il y en a eu quelques-uns parmi les étudiants: à leur première séance, il leur a fallu une demi-journée pour s’entendre sur… l’ordre du jour!
«Nous nous sommes vraiment pris au jeu, au point où nous avons parfois échangé des propos émotifs: la preuve en est que j’agissais à titre de directeur de l’usine alors que, dans la vie, je suis un syndicaliste dans l’âme», raconte Alexis Cyr, qui est actuellement en stage à la CSN.
«Lorsque nous avons visité l’usine, nous avons pu parler avec les gens de leur réalité et, après avoir préparé notre dossier de négociation, nous voulions vraiment obtenir ce qui était demandé, je pensais aux travailleurs pendant les négociations», témoigne Sarah Belghaouti.
Président du syndicat local depuis cinq ans, Jean-François Cartier a aimé participer à quelques séances de négociations des membres du groupe de Mélanie Laroche. «Je les ai conseillés en caucus et c’était particulier de les voir en pourparlers autour de sujets que nous avions négociés quelques mois plus tôt», soutient-il.
Une expérience qualifiante
Les négociateurs étudiants sont parvenus à s’entendre sur les différents points en litige, «ce qui nous a permis de poser un regard rafraîchissant sur nos propres façons de faire», souligne Sylvie Rei. Leur proposition pour conserver la main-d’œuvre pendant la fermeture de l’usine aurait procuré une rentrée d’argent hebdomadaire aux travailleurs licenciés temporairement sans que l’employeur ait à assumer ces dépenses en totalité. Toutefois, son application aurait été complexe, de l’aveu de la directrice des ressources humaines.
Mais pour Alexis Cyr et Sarah Belghaouti, l’expérience s’est avérée des plus bénéfiques.
«Il s’agit du cours où j’ai appris le plus de toute la durée de mes études au baccalauréat, notamment sur le plan de l’autonomie professionnelle, confie Alexis Cyr. J’ai pu mettre en pratique tout ce que j’ai appris dans mes cours précédents.»
«Je suis tout à fait d’accord, opine Sarah Belghaouti. C’était plus que de simples travaux d’équipe: on passait des journées complètes à devoir s’entendre et à collaborer pour y arriver.»
Et tous deux sont d’avis que, si le cours Pratique de la négociation collective leur a permis d’acquérir un savoir-faire qui les prépare au marché du travail, il a aussi – et surtout – amélioré leur savoir-être.
«C’est un élément tellement important, car la négociation finit par aboutir et, au bout du compte, on est des collègues et on doit continuer de travailler ensemble», concluent Sylvie Rei et Jean-François Cartier.