Aider les municipalités à faire face aux inondations grâce à l’outil RésiliAction
- UdeMNouvelles
Le 11 avril 2024
- Virginie Soffer
La professeure Isabelle Thomas a mis en place avec son équipe RésiliAction, un outil visant à favoriser un aménagement résilient du territoire dans un contexte de risques d’inondation.
À la suite des inondations de 2017 et de 2019, le groupe de recherche ARIAction, de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, a conçu RésiliAction, un outil d'estimation du score de résilience des projets d'aménagement en zone inondable constructible. Cet outil, mis en place par la professeure Isabelle Thomas et son équipe en vue d’une utilisation dans les domaines de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, permet une analyse complète de projets d’aménagement depuis l’évaluation du risque jusqu’à l’élaboration de scénarios de transformation du territoire.
Un nouvel outil pour favoriser un aménagement résilient du territoire
«À l'échelle du Québec et ailleurs dans le monde, il est essentiel de s'adapter aux changements climatiques. Nos recherches-actions permettent de prendre des décisions par rapport à la transformation des territoires qui ont des conséquences tant sur le milieu de vie des gens que sur l'environnement et l'économie», explique Isabelle Thomas, professeure à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’UdeM et vice-doyenne à la recherche à la Faculté de l’aménagement.
Élaboré initialement pour des projets urbains, RésiliAction se distingue par sa flexibilité et sa capacité à s’adapter à différentes échelles territoriales. Les municipalités régionales de comté pourraient ainsi grandement bénéficier de son utilisation. D’autres provinces canadiennes ou collectivités à l’étranger pourraient également se servir de cet outil performant.
Pour établir un diagnostic de résilience, RésiliAction se base sur huit orientations, chacune comportant des paramètres puis des indicateurs pondérés selon leur importance. Ces orientations, validées par différents ministères québécois, couvrent bien sûr la sécurité et l'environnement, mais aussi la communication sur les risques, la connaissance des risques, la gouvernance participative, l'équité sociale, la diversité économique, la santé et la viabilité sociale. Elles permettent une approche holistique de l'évaluation de la résilience des projets d'aménagement.
Faire face aux inondations en Gaspésie et dans Charlevoix
En Gaspésie, la ville de Maria est confrontée à d’importants problèmes d'érosion et de submersion côtières. Dans cette municipalité se pose la question de l'avenir d'un quartier gravement menacé qui a subi trois inondations au cours des derniers mois.
«Nous cherchons à collaborer avec les résidants afin de concevoir le meilleur plan d'action pour leur quartier, leur ville. Il est vraiment important de fournir les outils nécessaires pour faciliter l'adaptation de la municipalité, ce qui servira également d'exemple à d'autres collectivités. Ces outils s'inscrivent dans un processus de coconstruction et complètent nos évaluations des risques. Nous voulons montrer aux communautés en zone inondable qu'elles ne sont pas seules, qu'il existe des stratégies et des mesures d’accompagnement», indique Isabelle Thomas, dont l’équipe (ARIAction.com) collabore avec la Ville de Maria et le ministère de la Sécurité publique à un projet de recherche-action afin de faciliter une transformation résiliente de la municipalité.
Par ailleurs, la professeure s'est rendue récemment avec son équipe à Baie-Saint-Paul et à Saint-Urbain pour faire un retour d'expérience sur les inondations du 1er mai 2023. «Les retours d'expérience nous aident à comprendre les défis auxquels font face les territoires fragilisés par des digues défectueuses, des altérations des cours d'eau et des pratiques d'aménagement inappropriées. C'est une étape essentielle pour nos diagnostics des risques et pour garantir que les actions futures favoriseront la résilience», ajoute-t-elle. Ce retour d’expérience, élaboré en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique, permet des apprentissages indispensables à la compréhension des changements nécessaires à effectuer sur les territoires.
L’importance de prendre en compte la santé mentale
RésiliAction vise à mettre en lumière les répercussions des changements climatiques sur le bien-être tant physique que mental. Des partenariats sont en cours pour créer des indicateurs permettant une intégration de cet aspect dans les processus décisionnels, une dimension jusqu'ici sous-estimée.
«Nous sommes conscients de la sous-évaluation actuelle des conséquences des changements climatiques sur la santé mentale», souligne Marie-Lou Bertin, étudiante à HEC Montréal et membre du groupe de recherche ARIAction.
Lorsqu’on aborde la question de la santé, on envisage les enjeux liés aux moisissures, à la qualité de l'eau et de l'air, mais on a tendance à oublier les traumatismes et les deuils résultant de ces déplacements forcés. Isabelle Thomas insiste sur l'importance d'aborder ces transformations avec empathie et humanité.
«Dans nos projets, nous nous efforçons d'inclure des spécialistes de la santé qui interviendront dans nos ateliers afin d'assurer un accompagnement adéquat des populations et des résidants. Il est essentiel d'apporter un soutien et d’avoir une communication empathique pour garantir l'acceptabilité et la compréhension des changements qui ne manqueront pas de survenir. Le but est d'accompagner et d'aider les individus, conscients que le changement est inévitable», mentionne Isabelle Thomas.
Développement futur
L’outil RésiliAction est lui-même en transformation. L'objectif est de dépasser les limitations actuelles du logiciel en travaillant avec des développeurs pour créer une plateforme Web. Cette maturation technologique de l’outil permettrait son utilisation et sa commercialisation à une plus grande échelle. Cette plateforme pourrait être proposée à la vente ou sous forme d'abonnement, notamment aux municipalités qui en ont besoin.
L'outil pourrait être utilisé pour affronter les différents aléas climatiques tels que la sécheresse, les incendies de forêt et les vagues de chaleur afin de le rendre polyvalent dans le cas des multiples scénarios et changements climatiques.
«RésiliAction est un bel outil d’aide à la décision qui permet de réunir deux mondes: le monde de la gestion du risque pour nos communautés et celui de l'urbanisme durable. Sa portée sera notable pour nos décideurs et nos planificateurs du territoire désireux de s'assurer que tous les projets prennent en compte les paramètres nécessaires à la résilience», conclut Thibault Clément, membre du groupe de recherche ARIAction.
Pour plus d’informations, l’outil innovant RésiliAction sera présenté les 6 et 7 juin au cours de la conférence «Villes inondables: collaborations élu.e.s – chercheur.e.s pour la résilience de nos collectivités», organisée par la Faculté de l’aménagement et par ARIAction.