Emploi et études: des écarts révélateurs chez les jeunes de la protection de la jeunesse

Le rapport présenté par l’équipe dévoile un parcours d’autonomisation plus ardu et plus précaire pour cette tranche de la jeunesse québécoise.

Le rapport présenté par l’équipe dévoile un parcours d’autonomisation plus ardu et plus précaire pour cette tranche de la jeunesse québécoise.

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Un rapport de recherche dévoile des données inédites sur les parcours scolaires et professionnels des jeunes placés dans un milieu d’accueil par le directeur de la protection de la jeunesse du Québec.

Marie Dumollard

Marie Dumollard

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Chaque année au Québec, plus de 2000 jeunes quittent un milieu d’accueil du directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) à l’approche de leur majorité. Avoir 18 ans quand on a un parcours de jeune placé par le DPJ, cela signifie devoir devenir autonome rapidement, avec peu ou pas de soutien de son entourage immédiat. À cela s’ajoute un bagage scolaire souvent moins important que les pairs n'ayant pas vécu cette situation. 

Les chiffres sont révélateurs: à l’âge de 21 ans, seuls 37 % des jeunes placés avaient obtenu leur diplôme d’études secondaires comparativement à 86 % de la population générale du même âge. C’est un taux de diplomation deux fois et demie moins élevé.

La Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec (CRJ) dévoile aujourd’hui les résultats d’une étude inédite réalisée sous la direction de María Eugenia Longo, professeure-chercheuse à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), de Martin Goyette, professeur et chercheur à l’École nationale d’administration publique (ENAP), et de Marie Dumollard, professeure à l’Université de Montréal. Intitulé Portrait des jeunes ayant été placés sous les services de la protection de la jeunesse et leurs défis en emploi, le rapport est aussi le fruit du travail de Mélissa Ziani (INRS) et de Josiane Picard (ENAP). 

Le rapport présenté par l’équipe dévoile un parcours d’autonomisation plus ardu et plus précaire pour cette tranche de la jeunesse québécoise. En effet, en plus des informations quantitatives collectées auprès de 1136 jeunes ayant connu un placement régi par les services de la protection de la jeunesse, cette étude repose sur des données originales recueillies sous forme d’entretiens auprès de 30 jeunes.  

Ces travaux ont été mandatés et financés par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec, et combinent les données quantitatives de l’Étude longitudinale sur le devenir des jeunes placés au Québec et en France (EDJeP) et des récits de jeunes dans cette situation qui ont été interviewés pour la recherche.

Faits saillants

  • Le tiers des jeunes de l’EDJeP se retrouvent dans la catégorie Ni en emploi, ni aux études, ni en formation (NEEF) à 21 ans alors que, dans la population générale du même âge, ce taux se situe à près de 10 %.  

  • Envisager une variété d’outils et de services mieux adaptés à une période de vie précise favoriserait la réussite des parcours scolaires. 

  • Chez les jeunes de l’EDJeP, on observe des parcours d’emploi fortement instables, réversibles et précaires: ils occupent majoritairement des emplois sous-qualifiés, dans des secteurs caractérisés par de bas salaires et de maigres régimes de protection, tels que le commerce de détail, la vente et la restauration. 

  • Les jeunes de l’EDJeP sans diplôme d’études secondaires sont 5,3 fois plus à risque de se retrouver dans la catégorie NEEF.   

  • Chez les jeunes de l’EDJeP, plus la situation d’habitation est précaire (instabilité résidentielle ou expérience d’itinérance) et durable, plus leur représentation dans la catégorie NEEF est grande.  

De plus, les résultats de l’équipe ont démontré que les jeunes de l’EDJeP ayant réussi à obtenir une formation postsecondaire qualifiante occupent, à l’âge moyen de 21 ans, des emplois plus spécialisés et qualifiés en plus grande proportion.

Respect, dignité et autonomie

Il ressort entre autres de cette vaste étude que, pour les jeunes, une offre de services humaine, sensible, flexible et personnalisée est primordiale. Comme leurs expériences avec les services sociaux, et plus précisément ceux de la protection de la jeunesse, n’ont pas toujours favorisé leur autonomie, leur bien-être ou l’avancement de leur parcours, certaines et certains sont réticents à se tourner vers des organisations spécialisées en employabilité.  

«Les relations humaines sont un facteur déterminant dans l’appréciation des services que les jeunes placés reçoivent pendant leur parcours. Il ressort de nos travaux que les jeunes veulent se sentir accueillis, écoutés et, surtout, souhaitent que leurs besoins, leurs aspirations, leur agentivité et leur dignité soient respectés», dit Martin Goyette, cotitulaire de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec. 

«À travers les difficultés que ces jeunes rencontrent en emploi, on observe des failles institutionnelles qui entraînent des désavantages et des inégalités sociales notables, observe María Eugenia Longo, autre cotitulaire de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec. Pour les accompagner convenablement, il est indispensable de répondre à leurs besoins en vue de l’amélioration et de l’autonomisation de leur parcours, de travailler sur l’accès aux ressources qui existent et d’améliorer leurs conditions de vie, et ce, conjointement avec les employeurs, qui jouent également un rôle déterminant dans les solutions.» 

Pour Marie Dumollard, professeure adjointe à l’École de travail social de l’UdeM, «les parcours d’emploi sont directement liés aux autres sphères de la vie des jeunes, comme la santé, le logement ou encore la parentalité, qui ont des conséquences directes sur l’insertion et le maintien en emploi. Soutenir les parcours d’emploi des jeunes qui ont été placés ne peut donc se faire sans tenir compte de cette interdépendance des sphères de vie». 

Ainsi, les analyses de l’équipe de recherche ont établi que le fait de se sentir encouragé est en corrélation directe avec l’atteinte d’un plus haut niveau de scolarité. À travers leurs récits, les jeunes consultés mentionnent que les liens sociaux dans le travail, notamment avec les employeurs, et en dehors de celui-ci sont déterminants pour choisir un emploi – ou un service d’accompagnement –, y rester ou le quitter. La présence de personnes significatives vers lesquelles les jeunes peuvent se tourner semble ainsi être un marqueur important dans leur parcours professionnel.

Les recommandations du rapport

Parmi ses conclusions, l’équipe de recherche souligne que l’instabilité du milieu de vie peut jouer sur le parcours scolaire et le début du parcours professionnel de ces jeunes. En effet, le changement de milieu d’accueil au sein même des services de la protection de la jeunesse a un effet direct sur le maintien en emploi. Les jeunes consultés pour l’étude indiquent avoir été forcés de quitter un emploi en raison d’un changement de milieu d’accueil. Il en va de même pour le parcours scolaire. 

L’ensemble de ces constats rappelle les liens forts entre le statut d’activité et les enjeux dans diverses sphères de la vie, que cela concerne l'état NEEF, le genre, la parentalité, la résidence, l’état de santé ou encore la trajectoire de placement. Ils mettent en lumière le caractère incontournable des dispositifs dotés d’une vision globale, intersectorielle, cohérente et sécurisante des parcours des jeunes ayant eu une expérience de placement en protection de la jeunesse.  

Ainsi, soutenir la scolarisation et accompagner les jeunes dans un début de parcours professionnel sont des exemples de solutions qui ressortent du rapport. Une vision globale, intersectorielle et sécurisante de leurs parcours, une meilleure préparation à la vie adulte et un meilleur accompagnement après l’atteinte de la majorité civile sont également des éléments recommandés.  

Plus largement, les besoins des jeunes placés peuvent être à divers degrés analogues à ceux des autres jeunes au Québec. Mais à défaut d’un soutien familial évident, et en raison d’un cumul des difficultés non surmontées depuis un moment, les services institutionnels et le milieu du travail doivent s’engager davantage à offrir une chance égale et équitable à ces adultes de demain. 

Les personnes qui désirent en savoir plus sont invitées à assister à la conférence-midi de la CRJ sur le thème «Les jeunes ayant été placés sous les services de la protection de la jeunesse et leurs défis en emploi» le 19 avril à midi, en ligne. Pour y participer: INSCRIPTION.

Personnes-ressources pour les médias

Sophie Laberge, ENAP
Sophie.laberge@enap.ca
514-771-8256

Julie Robert, INRS
Julie.robert@inrs.ca 

Julie Gazaille, Université de Montréal
j.cordeau-gazaille(at)umontreal.ca
514 343-6796

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