Portrait des nouvelles Églises évangéliques et de leurs fidèles dans les villes
- UdeMNouvelles
Le 15 mai 2024
- Martin LaSalle
À l’occasion du 91e Congrès de l’Acfas, Benjamin Gagné a présenté les résultats préliminaires de ses travaux, qui portent sur les nouvelles Églises évangéliques et leur implantation dans les villes.
Né dans les années 1960-1970 au Québec, le mouvement évangélique a récemment connu une vague de désaffiliation: plusieurs jeunes ont quitté les communautés afin de se créer une nouvelle vie (lire cet article à ce sujet).
Comment les Églises évangéliques se sont-elles réorganisées et quelles valeurs renouvelées ont été mises de l’avant par leurs dirigeants, notamment chez les pentecôtistes et les baptistes, afin de renouer avec cette génération de croyants?
C’est ce dont traite Benjamin Gagné dans ses travaux de doctorat menés à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal et à l’Université de Strasbourg. Il les a présentés à l’occasion du 91e Congrès de l’Acfas, qui se déroule à l’Université d’Ottawa.
Membre de l’équipe de recherche du projet MuRel, dirigé par la professeure Solange Lefebvre, Benjamin Gagné est responsable du volet «Nouvelles églises évangéliques urbaines québécoises et les relations significatives comme source de vitalité».
Ses travaux, toujours en cours, visent à analyser les manières dont les nouvelles Églises évangéliques urbaines redéfinissent leurs relations avec les villes de Laval, Montréal, Québec et Sherbrooke tout en cherchant à contribuer à leur vitalité.
«Les relations significatives entre évangéliques et non-évangéliques créées dans ces milieux sont au cœur de ma recherche, indique Benjamin Gagné. Nous nous intéressons aussi à la façon dont les milieux urbains interagissent avec ce type d’Église et viennent transformer la manière dont elles établissent des liens avec les non-évangéliques.»
Des lieux de transition pour les personnes désaffiliées
Parmi les résultats préliminaires qu’il a dévoilés, le doctorant a indiqué que, pour les personnes désaffiliées, les nouvelles Églises évangéliques urbaines offrent un lieu transitoire où il est possible de pratiquer sa religion dans un contexte moins fondamentaliste.
«Ces Églises desservent à la fois des pratiquants plus traditionnels et d’autres plus libéraux, et les pasteurs accordent moins d’importance aux débats fondamentalistes nés en Amérique du Nord, tel celui opposant la création et l’évolution, explique-t-il. Par exemple, dans l’Église de Laval, pour intéresser la nouvelle génération, le pasteur adopte une approche plus nuancée, voire critique, face à ce débat tout en faisant appel à l’intelligence des membres de sa communauté.»
Des Églises qui ont su s’adapter
Un autre angle abordé par Benjamin Gagné est celui des Églises qui ont su s’adapter, tant sur le plan organisationnel que sur le plan technologique, afin de joindre un plus grand nombre de fidèles.
«Depuis 2010, certaines Églises évangéliques sont devenues “multisituées”, en usant de stratégies spatiales, c’est-à-dire qu’elles louent désormais des locaux à vocation non religieuse, tels des cinémas ou des lieux artistiques, pour y tenir leurs rassemblements, souligne Benjamin Gagné. Comme Frédéric Dejean le dit dans ses travaux, cette stratégie d’utilisation des lieux permet aux personnes pratiquantes, aux invités y assistant pour une première fois ou même aux désaffiliés d’atténuer la rupture: le fait de traverser une porte de théâtre plutôt que celle d’un lieu de culte est un symbole apaisant pour ces gens.»
Par ailleurs, l’autre stratégie spatiale mise en place à Montréal ou Sherbrooke est de filmer les rassemblements et de les rediffuser en direct en d’autres endroits, dans des municipalités de banlieue.
Un rôle communautaire accru
Sur le terrain, Benjamin Gagné a aussi constaté le rôle de ces Églises dans les villes où elles s’établissent: elles y insufflent de la vitalité et nouent des relations significatives avec leur milieu.
«Par exemple, à Québec, des représentants d’une Église sont membres d’une table de quartier, conclut-il. Et comme 33 % des fidèles des Églises évangéliques sont issus de l’immigration, ces Églises jouent un rôle sur le plan de l’intégration, notamment en aidant les personnes sans emploi à trouver du travail.»
Le projet MuRel en bref
Le projet Municipalité, religions et laïcité (MuRel) cherche à apporter une contribution aux débats actuels sur les politiques publiques quant à la diversité socioreligieuse québécoise et à éclaircir des questions posées par plusieurs acteurs au moyen de l’analyse systématique et multifactorielle des enjeux municipaux suivants:
- les mutations du paysage religieux et les évolutions de la neutralité ou laïcité de l’État appréhendées à l’échelon local;
- la manière dont les citoyens, groupes religieux et personnes sans religion s’approprient et se représentent l’espace urbain;
- la prise en compte de la diversité religieuse dans les pratiques quotidiennes des municipalités;
- les modes de participation de groupes religieux à la vie urbaine.
Depuis les 20 dernières années, la recherche en matière de diversité religieuse a beaucoup avancé au Québec sur les questions relatives aux accommodements raisonnables, à la laïcité ou neutralité et à la liberté de conscience et de religion. Mais les études à l’échelle municipale sont demeurées fragmentées et restreintes, d’où les demandes répétées d’éclaircissements formulées notamment par des employés municipaux de plusieurs services, des groupes sociocommunautaires et religieux. Pour plus de détails sur le projet MuRel, on peut visionner cette présentation enregistrée lors du chantier sur les municipalités et la diversité religieuse en collaboration avec le Groupe d’expertise pour le développement des cités interculturelles au Québec.