Troubles alimentaires chez les adolescentes durant la pandémie de COVID-19

L’analyse de données pancanadiennes met en évidence une hausse significative des hospitalisations au pays au plus fort des mesures sanitaires.

L’analyse de données pancanadiennes met en évidence une hausse significative des hospitalisations au pays au plus fort des mesures sanitaires.

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Une nouvelle étude confirme le besoin de tenir compte des effets indirects des mesures sanitaires pour favoriser la santé et le bien-être des jeunes.

Nadia Roumeliotis

Nadia Roumeliotis

Crédit : Faculté de médecine, Université de Montréal

Une nouvelle étude dirigée par la Dre Nadia Roumeliotis, clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal, démontre que les mesures de santé publique imposées au Canada durant la pandémie de COVID-19 sont directement liées au taux des hospitalisations des adolescentes de 12 à 17 ans pour un trouble alimentaire.

L’analyse de données pancanadiennes met en évidence une hausse significative des hospitalisations au pays au plus fort des mesures sanitaires.

Ces conclusions ont été publiées aujourd’hui dans la revue JAMA Pediatrics. L’étude a été menée en collaboration avec les chercheuses Sylvana Côté et Kate Zinszer, professeures à l’École de santé publique de l’UdeM, la biostatisticienne Ofélie Trudeau-Ferrin, les Drs Baudouin Forgeot D’Arc, Soren Gantt et Caroline Quach-Thanh, du Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine et de la Faculté de médecine de l’UdeM, et Katia Charland.

Les résultats soulignent l’importance de prendre en compte les effets indirects des mesures sanitaires dans la gestion des pandémies afin de favoriser la santé et le bien-être des jeunes.

Des mesures plus strictes, des hospitalisations plus nombreuses

Sylvana Côté, Kate Zinszer, Baudouin Forgeot D’Arc, Soren Gantt et Caroline Quach-Thanh

Sylvana Côté, Kate Zinszer, Baudouin Forgeot D’Arc, Soren Gantt et Caroline Quach-Thanh

Crédit : Sylvana Côté (SENSUM, Université de Montréal), Kate Zinszer (École de santé publique, Université de Montréal), Baudouin Forgeot D’Arc (Faculté de médecine, Université de Montréal), Soren Gantt (Faculté de médecine, Université de Montréal) et Caroline Quach-Thanh (Benjamin Seropian)

Entre avril 2016 et mars 2023 au Canada, il y a eu 11 289 hospitalisations pour un trouble des conduites alimentaires chez les 6 à 20 ans, dont 8726 (77 %) chez les filles de 12 à 17 ans. Dans environ 60 % des cas, il s’agissait d’une première hospitalisation pour ce type de trouble.

En utilisant les données administratives obtenues par la plateforme collaborative POPCORN (Pediatric Outcome Improvement through Coordination Of Research Networks), l’équipe a constaté une augmentation significative du taux d’hospitalisation après mars 2020 tant pour le Québec (+ 42 %) et l’Ontario (+ 50 %) que pour les Prairies (+ 41%).

Cependant, les chiffres sont beaucoup plus élevés si l’on regarde mars 2021: «Nos analyses montrent que les taux d’hospitalisation ont atteint un sommet un an après le début de la pandémie, précise la Dre Roumeliotis. Dans toutes les régions canadiennes que nous avons étudiées, les taux étaient alors plus que le double de ce qui était prévu selon les tendances prépandémiques. C’est énorme!»

Afin d’évaluer les répercussions des mesures sanitaires, la chercheuse et son équipe ont eu recours à l’index d’austérité des mesures sanitaires pour la COVID-19 de la Banque du Canada, qui prend en considération diverses restrictions, de l’interdiction des rassemblements au port du couvre-visage en passant par les fermetures temporaires d’écoles. «Dans toutes les provinces, cet index est associé au taux d’hospitalisation pour trouble alimentaire, souligne la Dre Roumeliotis. À chaque hausse de 10 % de l’index d’austérité, on voit une augmentation de 5 % des taux d’hospitalisation au Québec et en Ontario, de 8 % dans les Prairies et de 11 % en Colombie-Britannique.»

Vers une meilleure prise en compte des effets indirects des mesures sanitaires

Les résultats mettent en lumière la nécessité de soutenir les adolescentes vivant avec un trouble des conduites alimentaires, en particulier durant une période pandémique. L’équipe poursuit ses recherches auprès de jeunes filles ayant vécu une telle expérience d’hospitalisation afin d’inclure leur perspective et de bonifier l’interprétation des résultats. Des analyses qualitatives sont en cours pour mieux comprendre, d’un point de vue subjectif, comment les mesures sanitaires ont pu affecter ces adolescentes.

Déjà, les conclusions sont utiles pour informer les instances de santé publique dans la préparation à de futures pandémies. «Il est essentiel de mieux comprendre les effets indirects et à long terme des mesures sanitaires sur la santé et le bien-être des jeunes afin de mettre en place les ressources et les services appropriés, mentionne la Dre Quach-Thanh, coauteure de l’étude. C’est l’un des volets que nous continuerons d’étudier grâce à la plateforme de recherche collaborative POPCORN pour nous assurer que le Canada sera prêt à faire face à une autre pandémie.»

Le projet dirigé par la Dre Quach-Thanh a d’ailleurs récemment reçu un financement majeur du Fonds de recherche biomédicale du Canada qui permettra à l’équipe de poursuivre ses travaux en préparation à la prochaine pandémie.

À propos de l’étude

L’article «Relationship between pandemic stringency measures and hospital admissions for eating disorders», par Nadia Roumeliotis et ses collègues, est paru dans la revue JAMA Pediatrics.

L’étude a été réalisée dans le cadre du projet POPCORN, dirigé par la Dre Caroline Quach-Thanh, qui bénéficie d’un financement des Instituts de recherche en santé du Canada. L’équipe de la Dre Roumeliotis a aussi reçu un soutien financier de l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants.

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