Ce que disent nos empreintes numériques sur nos comportements

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Le neuroscientifique Tomas Paus codirige un rapport sur la manière dont les gens se comportent en ligne et dans le monde réel en fonction de l’endroit où ils se trouvent.

Le livre Digital Ethology: Human Behavior in Geospatial Context a vu le jour à la suite du forum Ernst Strüngmann sur l'éthologie numérique, qui s’est tenu en Allemagne à l’été 2022. Dans le chapitre d’introduction, Tomas Paus, professeur titulaire au Département de psychiatrie et d’addictologie et au Département de neurosciences de l’Université de Montréal, explique en quoi notre utilisation d’Internet a été la bougie d’allumage du forum et du rapport qui en a découlé, auquel une trentaine de chercheurs et chercheuses ont contribué.

En voici un extrait (traduction libre):

«L'étude de l'influence de l'environnement sur les individus pose un défi majeur: le manque de données multidimensionnelles. Pour y répondre, une nouvelle approche émerge: l'éthologie numérique, qui observe le comportement humain à travers ses traces numériques et s'appuie sur de vastes ensembles de données comme les dossiers médicaux électroniques et les grandes études de cohortes. Ces “empreintes” révèlent l'environnement social d'une zone. L'environnement physique est aussi pris en compte grâce aux outils numériques. Le but est de comprendre comment nous, les humains, transformons nos environnements et en quoi ceux-ci ont une incidence sur notre développement cérébral et notre vieillissement.»

L’expert en neuro-imagerie populationnelle répond à nos questions pour nous aider à y voir plus clair sur cette science en émergence qu’est l’éthologie numérique.

D’où vient l’expression «éthologie numérique»?

Nous l’avons choisie pour souligner deux éléments clés: d’abord l’éthologie, qui étudie les mœurs et les comportements des espèces animales dans leur milieu naturel. Nous avons voulu savoir ce que font les humains dans leur «habitat naturel» en demandant à un groupe témoin de remplir un questionnaire et en observant les comportements des participants en laboratoire. Puis, le mot numérique indique l’importance d’Internet dans notre ère hyperconnectée: nos comportements se manifestent de plus en plus à travers nos actions électroniques ‒ utilisation de téléphones intelligents, recherches et consommation en ligne, messages et commentaires sur les réseaux sociaux…

Comment ces informations laissées par les activités en ligne peuvent-elles nous renseigner sur l’environnement social d'une personne ou d'une communauté?

Ces empreintes numériques peuvent nous aider à comprendre les différences entre les quartiers. Par exemple, elles nous montrent comment les gens communiquent entre eux, ce qui les intéresse en matière de santé et d'achats, à quel point ils semblent stressés, etc.

Qu'est-ce qui vous a incité à vous pencher sur ce sujet, au regard de votre intérêt pour la santé mentale et le développement du cerveau?

Pendant longtemps, on a surtout étudié les gènes pour comprendre la santé mentale et le développement cérébral. Mais on sait maintenant que notre environnement – la nature, les bâtiments et les villes, les gens qui nous entourent – est tout aussi crucial, voire plus. Ce livre est donc un premier pas pour réfléchir à l’importance de prendre en considération tous ces facteurs environnementaux dans nos études sur le cerveau et la santé mentale, puisqu’ils influencent nos comportements, et ce, dès avant la naissance.

Que doit-on retenir de ce livre et quelles applications concrètes permet-il?

Ce livre traite d'un nouveau domaine de recherche que nous souhaitons voir intégré à diverses études en cours et à venir sur l’influence de l’environnement sur la santé. On y trouve des pistes pour examiner plusieurs aspects de l’environnement – tels que les espaces verts, le bruit – au lieu de se concentrer sur un seul point comme la pollution de l'air. Il offre aussi une réflexion sur la justice environnementale: les problèmes environnementaux sont liés entre eux et touchent davantage certaines personnes que d’autres. Ainsi, dans les quartiers pollués, les habitants à faible revenu sont plus nombreux et les transports en commun moins accessibles. L'objectif est d'aider les chercheurs à mieux comprendre comment les facteurs environnementaux agissent sur notre santé pour peut-être un jour améliorer la vie des gens.

À propos de ce livre

Sous la direction de Tomas Paus et Hye-Chung Kum, Digital Ethology: Human Behavior in Geospatial Context, Cambridge (É.-U.), MIT Press, 2024, 290 p.

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