Se confier à un agent conversationnel: utile et efficace?
- UdeMNouvelles
Le 8 octobre 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Les agents conversationnels peuvent maintenant servir de thérapeutes virtuels. Dans quelle mesure ces outils issus de l’intelligence artificielle sont-ils pertinents dans un contexte de santé mentale?
À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, la Stratégie en neurosciences et santé mentale de l’Université de Montréal (SENSUM) organise une journée de conférences intitulée «Santé mentale et IA: les machines pourraient-elles un jour remplacer nos thérapeutes?»
Cet évènement plongera le grand public au cœur des dernières avancées de l’intelligence artificielle (IA) en matière de santé mentale. Les scientifiques présents se pencheront sur les façons dont l’IA pourrait redéfinir la thérapie et révolutionner les soins psychologiques.
À l’heure actuelle, l’utilisation de l’IA en soins de santé mentale est limitée, elle n’est pas encore intégrée aux processus décisionnels cliniques. «En santé mentale, l’évaluation des troubles psychologiques repose essentiellement sur des échanges verbaux entre un patient et un professionnel. Sur le terrain, les cliniciens ont accès à peu de données quantitatives qui leur permettraient de prédire l’évolution de l’état d’un individu», précise Stéphane Guay, professeur à l’École de criminologie et au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal et conférencier invité.
Néanmoins, parmi les avenues potentielles, le développement croissant des agents conversationnels servant de compagnons de thérapie, de conseillers et de soutiens émotionnels.
Des aides polyvalents
Qu’ils s’appellent Wysa ou Woebot, les agents conversationnels appliqués à la santé mentale peuvent être utilisés pour la prévention, la détection, le diagnostic, mais surtout le traitement des problèmes psychologiques.
Ces outils parviennent à mener des conversations plus ou moins sophistiquées – généralement par écrit – pour évaluer l’état de l’utilisateur, lui proposer des stratégies et lui faire des recommandations. Il convient de noter que les agents conversationnels actuellement disponibles ne fonctionnent pas comme les modèles de langage à grande échelle tels que ChatGPT. Contrairement à ce dernier, ces agents ne sont pas génératifs: leurs réponses et informations sont préprogrammées par des professionnels. Cela peut parfois donner aux utilisateurs une impression de rigidité, car ils ne se sentent pas toujours pleinement compris.
Ces agents conversationnels peuvent aiguiller vers d’autres ressources du Web – gratuites, notamment – pour trouver des solutions, en plus de suggérer une diversité d’approches pour traiter un même problème de santé mentale. Par exemple, pour une dépression, on pourrait choisir selon ses préférences entre l’activation comportementale ou le travail sur ses pensées.
«Parmi les composantes les plus fréquentes, il y a un volet de normalisation, de psychoéducation et de suggestion de stratégies d’autotraitement», indique Stéphane Guay, également directeur scientifique du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.
Une accessibilité accrue avant tout
Encore émergents, ces outils d’autosoins viennent avec leur lot d’incertitudes à divers égards: confidentialité et sécurité des données, isolement, déshumanisation des soins, incapacité à saisir les nuances émotionnelles complexes.
Or, malgré ces enjeux, Stéphane Guay considère que ces plateformes peuvent devenir des aides complémentaires efficaces et pertinentes, surtout dans un contexte québécois où l’accès à des soins de santé mentale peut s’avérer laborieux ou coûteux.
«Ainsi, les agents conversationnels peuvent offrir un soutien initial ou intermédiaire à une personne en attente de soins ou entre les séances avec un thérapeute, ce qui pourrait aider à désengorger les services psychologiques ou rendre les services plus efficients. C’est un gros plus alors qu’il y a une pénurie de personnel, que les bureaux professionnels sont saturés et que les listes d’attente sont parfois très longues», explique-t-il.
Le chercheur ajoute que de 40 à 50 % des individus ayant des troubles psychologiques diagnostiquables choisissent de ne pas consulter. Il estime que ces agents conversationnels peuvent aider à réduire la stigmatisation associée à la recherche d’aide pour des problèmes de santé mentale en fournissant une option anonyme et disponible en tout temps.
Un moyen préventif, mais pas une solution miracle
Ultimement, souligne Stéphane Guay, le recours à ces agents conversationnels a le potentiel de prévenir l’aggravation et la chronicisation de certains problèmes de santé mentale pour des personnes qui de toute façon ne s’adresseraient pas au système de santé. Le professeur pense que leur utilisation est particulièrement pertinente pour les jeunes – qui sont d’emblée plus technophiles –, car la majorité des diagnostics de troubles de santé mentale surviennent avant l’âge de 25 ans.
Cependant, le chercheur croit que l’avenir des thérapies psychologiques réside davantage dans une pratique hybride. Certes, les agents conversationnels permettent de progresser, d’être actif dans sa prise en charge, mais l’intervention des professionnels de la santé est essentielle pour des questions plus complexes ou délicates, comme des pensées suicidaires ou homicidaires.
Aide-mémoire
- Quoi? Journée de conférences «Santé mentale et IA: les machines pourraient-elles un jour remplacer nos thérapeutes?»
- Quand? Jeudi 10 octobre, de 14 h 30 à 20 h
- Où? Campus MIL de l’Université de Montréal, 1375, avenue Thérèse-Lavoie-Roux
- Inscription en ligne gratuite, mais obligatoire
De nombreux autres experts de l’Université de Montréal participeront à la discussion:
- Patricia Conrod (Département de psychiatrie et d’addictologie),
- Yves Joanette (Vice-rectorat à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation),
- Guillaume Dumas (Département de psychiatrie et d’addictologie),
- Tania Lecomte (Département de psychologie),
- Louis-Éric Trudeau (Département de pharmacologie et physiologie).